Ouyahia : pourquoi le cinéma d'un autre programme présidentiel ?
L’explication suivie de certaines actions spectaculaires que le nouveau gouvernement tente de donner ou montrer pour justifier la mascarade de cet été n’ont malheureusement pas convaincu grand monde et notamment les partenaires étrangers qui commencent sérieusement à se poser la question de l’absence d’un pilote dans l’avion.
Même si la presse a fait une manchette du retour de Bouteflika sur la scène politique aujourd'hui mercredi 06 septembre 2017 et qui coïncide avec la rentrée scolaire, aussi bien en interne qu’à l’externe la question de sa succession est devenue récurrente. Le rapprochement d’Ouyahia avec les soi-disant partenaires sociaux pour corriger le tir de son prédécesseur, l’annulation de la tripartite, l’histoire de l’inspection générale au Premier ministère, l’annulation de l’offensive Tebboune en si peu de temps n’ont pas réussi à colmater la brèche dans la cohésion au sommet de l’Etat devenue visible à l’œil nu.
Il aurait été plus simple dans les conditions normales qu’un programme validé par le Conseil des ministres et les deux chambres soit repris tel qu’il est. Pourquoi devra-t-on re-débattre un programme basé sur l’orientation présidentielle et qui s’adapte à sa démarche.
L’incohérence saute aux yeux, l’homme ne convient pas, on le change et pourquoi toucher à son programme ? Tebboune est un commis de l’Etat, il n’est pas dans un parti d’opposition avec un programme différent de celui de la coalition au pouvoir. Pourquoi alors tout ce cinéma ? La déduction retenue serait selon de nombreux analystes notamment de l’extérieur (1) est que l’argent à inondé la politique en Algérie face à un système en déconfiture et qui se donne en spectacle.
En effet, le nouveau programme que présentera Ouyahia va rechercher un compromis entre trois variables : l’oligarchie, l’accalmie sociale et les réalités des perspectives économiques. De nombreux signes relèvent d’une impuissance de l’Etat face à l’argent pour recadrer sa politique économique et surtout sa souveraineté sur les affaires internes. Pourquoi les gouvernants sont fatalistes pour se détourner des vraies solutions aux problèmes économiques ? Peut-on circonscrire une fois pour toute, les problèmes économiques de l’Algérie ? La diversification de l’économie est elle possible au stade actuel ? Qui doit-on écouter pour sortir de la crise ?
1- L’oligarchie algérienne ne se développe que dans le flou
Le nouveau premier ministre prévoit des catastrophes économiques d’ici l’an 2020 avant même de présenter une alternative pour "tenter" de les contrecarrer. Le porte-parole de son parti le présente comme l’homme des situations difficiles. On ne fait appel à lui que dans le cas où aucune alternative n’est en vue, laisse-t-il entendre. Il se considère en tant que tel pour préparer le terrain et justifier ses échecs futurs. Ces derniers temps, les subventions de l’Etat redeviennent subitement d’actualité. Tout le monde en parle et veut s’y impliquer même ceux qui en profitent comme les hommes d’affaire par exemple.
En effet, si l’on se réfère à la loi des finances pour l’année 2017, près de 300 milliards de dinars ont été réservés pour soutenir les produits alimentaires dont plus de 50% servent d’input pour l’industrie notamment ceux considérés de première nécessité comme les matières grasses, les céréales, le blé et bien d’autres. Celles des produits énergétiques demeurent difficilement identifiables de prime abord parce qu’elles s’opèrent par d’autres moyens que le budget de l’État ; essentiellement sous forme de rachat des dettes des entreprises concernées par le Trésor public qui couvrent leur visibilité budgétaire.
Pour un ancien ministre (02) qui sait ce qu’il dit, le coût annuel des subventions énergétiques au montant faramineux de près de 20 milliards de dollars dont 17 milliards pour l’électricité et les carburants et 3 milliards pour l’eau, il y a de cela prés de 4 ans.
Aujourd’hui, ces chiffres ont augment de 30%. Car selon ses propres dires, la consommation subventionnée du gaz et du pétrole a un taux de croissance qui ne cesse d’augmenter. Ces subventions sont en outre à l’origine d’une véritable injustice sociale du fait qu’elles profitent non pas aux plus démunis, qui en général ne possèdent pas des parcs automobiles, et sont de petits consommateurs d’électricité, mais à la fraction la plus aisée de la population algérienne dont les dépenses s’écarte de la moyenne nationale de plus de 7,4 fois (03).
Si l’on analyse les propos de cet ancien ministre considéré comme proche de Bouteflika, la couche démunie ne profite que de 5% de cette subvention. Partant de ces hypothèses, on peut se demander pourquoi les "industriels" qui prennent la grosse part de ces subventions s’impliquent dans un débat et pousse le gouvernement à prendre les mesures adéquates en sachant pertinemment que cela va embraser le pays. Cherchent-ils le chao et à qui profite t-il ?
2- Le gouvernement accentue l’ignorance des citoyens par des faux calculs
Ainsi, évoquant lui aussi ce discours d’actualité, le ministre de l’Energie M. Guitouni considère que les Algériens doivent être très fiers de leur pays qui continue de faire un grand effort en matière de subvention énergétique en procédant à une comparaison, au demeurant erronée des prix de l’essence dans divers pays. Il prend, comme exemple le Maroc, la Tunisie, le Qatar et la Norvège pour ne citer que cela. Il a orienté le débat de telle sorte que sa comparaison se limite à la valeur absolue des chiffres avancés et piètrement calculés pour un tel niveau. Si on prend les prix de l’essence du 6 septembre 2017 disponibles sur le site. http://fr.globalpetrolprices.com/gasoline_prices/, nous remarquerons qu’en valeur absolue, le prix de l’essence en Algérie est classé en quatrième position des plus bas après le Venezuela, l’Arabie Saoudite et Turkménistan avec à peu prés 0,32$ le litre. Le Maroc quant à lui le vend 1,13 $, la Tunisie à 0,72$, le Qatar à 0,43$, la Norvège 2,04$. Présenter de la sorte, le citoyen croirait qu’il est effectivement au paradis mais si l’on prend en compte le salaire moyen de chacun des pays la donne change totalement. En effet, en se basant sur le court officiel de 110 dinars/ dollar, le salaire moyen en Algérie se situerait dans le cas le plus favorable à environ 320 $. Il est au moins deux fois plus au Maroc et en Tunisie qui sont en régime extraverti marqué par une présence accrue des étrangers. Ce salaire est près de 6000 $ pour les Qataris et dépasse les 9000 $ en Norvège. Dans ce salaire misérable, la classe démunie ne profite par rapport aux pays cités que dans les loyers qui restent en Algérie relativement bas mais cela demande un autre calcul et surtout d’autres considérations.
En effet, nous évoluons avec une croissance démographique importante avec prés de 900 000 naissances par année (04) donc à moyen terme, les loyers vont être transférés dans la sphère privée et ne seront certainement pas à la portée de la classe moyenne algérienne. Cibler comme le prétendent certains membre du gouvernement les subventions en l’orientant vers les plus démunis n’est qu’une pure démagogie à l’instar des productifs et ceux qui ne le sont pas dans les entreprises publiques
Rabah Reghis, Consultant et Economiste Pétrolier
Renvoi :
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Rapport du sénat Français aout 2017 et Think Tank de l’Institut Montaigne Septembre 2017
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Abdelatif Benachenhou ancien ministre jusqu’en 2005
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Etude de l’ONS sur la décennie de 2000 à 2001, maintenant elle doit être beaucoup plus
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Taux de natalité estimé à 2,4% voir site de l’ONS
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merci
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