Ferhat Mehenni rend hommage à Kateb Yacine

Kateb Yacine
Kateb Yacine

Je suis heureux que la Kabylie continue, au fin fond de ses villages, de célébrer la mémoire de Kateb Yacine, cet homme qui lui avait tant donné. Il n’était pas kabyle de naissance. Il était Constantinois. Aujourd’hui, nous pouvons saluer en lui un très grand Kabyle d’adoption. D’ailleurs la plupart des Kabyles pensent à juste titre qu’il était l’un des nôtres.

Personnellement, c’est en 1972 que j’ai connu Kateb Yacine à l’université d’Alger où je venais d’entamer ma première année en sciences politiques. Je ne le connaissais que de réputation. Je n’avais pas encore lu ses œuvres, mais les étudiants autour de moi évoquaient souvent son courage à fustiger publiquement la dictature de Boumediene. Il était censuré. Les médias du régime avaient pour instruction d’éviter de citer son nom, et l’interdiction de lui donner la parole. Toutefois, notre troupe théâtrale, dirigée par Mohand Ait Ahmed, répétait sa pièce intitulée "Mohamed prends ta valise" en vue de sa première mondiale, et en kabyle s’il vous plait, au festival de Carthage…au nez et à la barbe des anti-berbéristes du régime algérien. C’était pour nous, jeunes étudiants et militants berbéristes, une véritable victoire ! La première du genre !

La première fois que j’ai eu l’occasion de rencontrer Kateb Yacine, c’était à la Cité Universitaire de Kouba en 1973 où sa propre troupe théâtrale était venue jouer "La guerre de 2000 ans". Il défendait déjà l’amazighité de l’Algérie. C’était ce côté pro-amazigh qui avait fait son énorme succès auprès des étudiants qui étaient majoritairement kabyles à Alger. Une année plus tard, à l’initiative de Meziane Rachid, il signa un texte paru sur le disque 33 tours du collectif "Tachemlit" intitulé "Les maquisards de la chanson" où nous étions une dizaine de groupes et artistes à y avoir interprété chacun une chanson. Kateb était adopté par la Kabylie qui le considérait avec autant d’égards qu’elle en avait pour Mouloud Mammeri.

En 1976, après les débats sur la "Charte Nationale", il avait décidé de reprendre l’écriture en français, alors que depuis 1967, il s’astreignait à n’écrire qu’en arabe algérien. Il était invité à la "Fête de l’Humanité" et eut droit à une interview dans le prestigieux quotidien français Le Monde où il déclara, je cite de mémoire : "En Algérie, nous les Berbères, nous sommes une majorité tronçonnée !".

Le 07 avril 1980, Kateb Yacine avait donné son accord pour que son nom soit associé à la première marche que nous avions organisée à Alger, Said Sadi, Arezki Ait Larbi et moi-même, sous la haute autorité de Hocine Ait Ahmed, contre la dictature du pouvoir algérien. Nous étions en plein Printemps Berbère déclenché par l’interdiction de la conférence de Mouloud Mammeri sur les "poèmes kabyles anciens", le 10 mars 1980. Des centaines d’arrestations furent opérées dans les milieux kabyles, dits "berbéristes". J’étais du lot. Mais au bout d’un mois, tout le monde était relâché, à l’exception de 24 militants qui auraient officiellement reconnu leur appartenance à des organisations politiques, ce qui était inadmissible au temps du parti unique. Ce qui dérangeait le pouvoir, c’était l’appartenance de 11 militants au FFS qui incarnait la permanence du séparatisme kabyle.

Le 12 juin 1980, à la veille du premier Congrès du FLN depuis le coup d’Etat de 1965, organisé en réaction aux "événements de Kabylie", nous sommes invités, Kateb Yacine et moi, à l’université de Tizi-Ouzou pour dire que malgré les arrestations, la Kabylie ne capitulait pas. Ce fut ce jour-là qu’il avait, à ma grande satisfaction, déclaré : "Il y a une question nationale kabyle en Algérie !". Ce fut là une reconnaissance de l’existence d’un peuple distinct, le peuple kabyle ; une reconnaissance que nous n’avions pas estimé à sa juste valeur à cette époque-là.

Un jour, en mars 1985, je lui avais rendu visite à Ben Aknoun où il résidait. En lui montrant des photos prises à notre sortie de la prison de Tizi-Ouzou, où nous étions incarcérés (Said Sadi, les frères Ait Larbi, Nacer Babouche, Noureddine Ait Hamouda, Arezki About et moi) pour avoir voulu participer à un colloque sur l’histoire de la Kabylie durant la guerre d’indépendance, il eut cette réaction : "On dirait des ministres, vous êtes tous en costume-cravate, pourquoi ?" m’interrogea-t-il. Je me souviens qu’à l’époque je n’avais, jusque-là, jamais porté de costume de ma vie. C’était Said Khellil qui m’avait prêté le sien pour la circonstance. J’expliquai à Kateb que le régime voulait nous faire passer, aux yeux du tribunal qui nous avait jugé, pour des voyous. Alors nous nous sommes mis d’accord pour faire en sorte que le jour de l’audience, nous soyons tous tirés à quatre épingles. Il en sourit et me raconta l’anecdote selon laquelle, du temps de la colonisation française, quand on voulait arrêter un militant nationaliste, des policiers l’entouraient, mettaient un tournevis dans sa poche et l’accusaient ensuite de port d’arme blanche sur lui.

J’ai eu le privilège d’être invité à la première mondiale de sa dernière pièce théâtrale "Le Bourgeois gentilhomme ou le spectre du Parc Montsouris" sur l’histoire de Robespierre, au Festival d’Avignon, en juillet 1988. Nous avions discuté longuement de l’arabisation et du militantisme amazigh. Il était déjà malade. Nous eûmes droit à un diner sur les bords du Rhône, offert par le Musée d’Avignon où la pièce fut jouée. Il se levait presque toutes les cinq minutes pour aller aux toilettes. Un ami ayant remarqué son manège, nous en fit la remarque en nous demandant quelle en était la cause. Son fils Amazigh, attablé avec nous, eut cette réponse qui montrait déjà, qu’y compris par l’esprit vif, il tenait bien de son père : "Yacine va changer l’eau du poisson !".

Sa mort, autant que celle de Mammeri survenue huit mois plus tôt, furent des chocs terribles pour nous. Ces géants de notre époque, étaient nos deux phares dans la nuit de notre militantisme. La Kabylie en était affligée. Nous venions en moins d’une année, de perdre nos deux pères spirituels. Mais pour les islamo-baathistes qui le combattaient, ce fut une véritable jubilation. C’est ainsi que leur gourou, l’imam égyptien Al Ghazali, recruté par le président algérien Chadli Bendjedid, déclara à la presse : "On est venu me demander ce que je pensais de la mort de Kateb Yacine. Je leur ai répondu : Etait-il donc vivant pour qu’on vienne me questionner sur sa mort ?". Scandaleux !

Aujourd’hui, je m’incline à la mémoire de ce penseur du XXème Siècle qui a redonné sa place à l’amazighité de l’Afrique du Nord. Je rends hommage à la mémoire de cet authentique amazigh. Alors qu’il était arabophone, il n’avait ni hésité ni eu peur de briser les tabous de l’Algérie arabe, notamment à travers cette citation "(..)Nous avons mis fin au mythe ravageur de l'Algérie française, mais pour tomber sous le pouvoir d'un mythe encore plus ravageur : celui de l'Algérie arabo-musulmane par la grâce de dirigeants incultes. L'Algérie française a duré cent trente ans. L'arabo-islamisme dure depuis treize siècles ! L'aliénation la plus profonde, ce n'est plus de se croire français, mais de se croire arabe".

Bien peu d’intellectuels de chez nous, ont eu le courage d’énoncer une telle vérité. Mais leur lignée ne s’éteint pas pour autant. Après Mammeri et Kateb, il y eut mon ami Rachid Mimouni, et aujourd’hui, nous avons la chance d’avoir le grand Boualem Sansal. Les combats justes ne renoncent jamais.

Mais pour revenir à Kateb qui nous a quittés, il y a 25 ans, je dois reconnaître que la fraternité qu’il incarnait, le rêve de justice et de vérité qu’il nourrissait, étaient voués à l’échec dans un pays fabriqué sur mesure pour les besoins du colonialisme, un pays donné en gérance à des supplétifs locaux. C’est son expérience et celle de Mouloud Mammeri, confrontées à la nôtre, qui nous ont ouvert les yeux sur la nécessité d’une Kabylie libre, débarrassée du carcan de la colonisation française et de son avatar, l’islamo-baathisme algérien, contre lequel nous n’avons pas encore fini de nous battre.

Ferhat At Sâid (Ferhat Mehenni)

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Commentaires (5) | Réagir ?

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Massinissa Umerri

"... sous la haute autorité de Hocine Ait Ahmed... "

Les hauteurs, sont sous-occupation. Lauzanne ne peut etre, une hauteur ou une autorite'. Le clan du diable, s'est planque', silencieusement et ne se sont proclame's qu'apres assault, d'alger. En 60 ans, il n'a pas pu ou su, trouver ne serait-ce un terrain vague, ou les jeunes Kabyles iraient se preparer a l'auto-defense. Les seuls "universite's d'ete' " qui seraient d'une utilite' quelconque.

J'auraos aime' avoir l'audace et la force de me mettre en page le mythe de l'hero Kabyle du siecle prochain, et ca ne serait point pervers, car c'aurait l'air d'une fiction. Voila, ce que je pense serait d'utilite' - "les souvenirs d'un futur hero", dans lequel se moulerait la jeunesse Kabyle, et peut-etre meme Amazigh.

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elvez Elbaz

KATEB YACINE défendait les idéees de liberté du MAK, en kabylie en particulier et en tamazgha sous un colonialisme insidieux, le colonialisme arabe au nom de l islam

On veut nous faire passer pour des minorités isolées au sein d’un peuple arabe alors que ce sont les Arabes qui sont chez nous une infime minorité, et ils nous ne dominent que par la religion.

Kateb Yacine, préface pour : Les Berbères et l’arabo-islamisme en Algérie, P. 23 de Amar Ouerdane

Kateb Yacine dénonce la colonisation arabe au nom de l’islam

http://www. youtube. com/watch?v=IYjd5qvdhNQ

C’est cette algérie algérienne de yacine kateb, que bouteflika abdelaziz, le chef du clan des "algero arabes ex marocains", planqués sous la PROTECTION du chacal et ami intime de boussouf et de boukharouba, le general oufkir, qui est spoliée de son indépendaénce, chérement acquise grâce au combat libérateur des vrais combattants de l’intérieur.

Une algérie algérienne combattante de l’intérieur sortie exsangue de 7annees de lutte contre la 5é puissance armée mondiale, la française que l’armée de OUJDA a conquise et séquestrée, la privant de libertés démocratiques qui l’a plongée, depuis plus de 50ans, dans un état d’arrieration et de sous développement tout azimuth.

Le groupe de oujda de BOUSSOUF et sa clique, planqués aux frontiéres que le rifain oufkir aidait "généreusement" ;oufkir qui aurait été la cheville ouvriére des services secrets français à oujda, ceci expliquant celà, à savoir l’assassinat de abane, de amirouche et d autres combattants de l interieur qui donnaient du fil à retordre à l’armée française.

L’algérie que Bouteflika, le voleur, condamné par le tribunal d’alger pour vol des sommes reliquats alloués aux ae par le trésor algérien est entrain d’anéantir et de détruire, aprés que le début de la destruction des fondamentaux sociaux, humains, culturels de l’algérie algérienne a commencé par les dictatures de benbella, boukharouba, belkhir, nezzar marionnetistes du mari de hlima chadli.

Une pauvre algérie entre les mains malfaisantes de bouteflika et de son clan des ex " marocains", qui est entrain d être dépouillé de sa rente, pour la partager avec sa fratérie, ses larbins saadani, khelil, zerhouni and co du clan présidentiel, de ses obligés arabes les vrais du golf, les émiratis tel shorafa, condamné par la justice américaine et à qui bouteflika a ouvert les caisses du trésor algérien, pour lui et ses amis egyptiens d orascom... préjudices énormes, économiques et humains portés, sans foi ni loi, par le clan des ex "marocains de oujda contre l’algérie algérienne de kateb yacine, de mohamed dib, qui a préfére être enterré sur sa terre d’exil que sur cette terre d’algérie entre les mains du clan bouteflikiste et de ses alliés, désormais, la POLICE POLITIQUE DE HAMEL et L’ARMEE ALGERIENNE DE GAID !.

La messe est dite, bouteflika et son frere said ont sonné le glas de l’algérie algerienne de katebyacine, quel malheur !

Kateb yacine qui surnommait ferhat "le maquisard de la chanson kabyle" disait également que l’algérie panarabiste a engendré des mutants de l’araberie qui n’existent que pour pérpétuer un systéme unique dans la prédation, la corruption et la propagation de l’ignorance et l’état de déliquescence tout azimuth.

La kabylie et son peuple, tôt ou tard, briseront ce joug colonial du panarabisme oppresseur et destructeur de civilsations.

Pauvre algérie algérienne !, hier, sous le joug des suppots de la colonisation française, ceux que l’on appelait "piedsnoirs", un ramassi de malto-franco-italo-ibéro-gitano-alsaço-apatrides devenus des hommes en exploitant nos pauvres aieux défaitistes, et aujourdhui, sous le joug d une autre colonisation, l’arabisme, et de ses suppots, qui pérpétuent un systéme colonial, un autre, plus insidieux et plus ancien le monde dit ARABE ! qui impose, contre nature à l’algérie algérienne une seule langue officielle l’arabe et un seul dieu pour tous, allah, celui de l’islam, celui des arabes et de mahomet.. ! DE GRE OU DE FORCE (besseif) pour des peuples, tel le peuple kabyle, qui n est pas arabe et qui a connu dans sa riche histoire d’autres dieux, celui d’anzar, des iaassenes n tmurth, de moise, du christ et ceux d’ autres encore,...

Le drame colonial de TAMAZGHA en général et de la kabylie et de son peuple en particulier, provient de cette araberie coloniale et de son cheval de troie l’islam (la soumission à des us et coutumes coloniales arabes, asiates, inhumains et morbides) qui a pris racine chez nous.

La reconquista ibérique aurait dû être poursuivie en Afrique du nord pour renvoyer le bédouin destructeur des civilisations chez lui.

Nos aïeux avaient failli, ils avaient laissé faire, ’ils s’étaient endormis sur leurs deux oreilles, ils n’avaient pas la perspicacité des espagnols et des européens. Ils n’avaient pas pris leur responsabilité, nous continuons à payer les conséquences de leur lâcheté. Ils ont laissé le cancer et la bêtise s’installer et prendre racine chez nous, ils ont laissé cette religion morbide du dieu arabe allah sorti de la t^te d’un arabe illuminé, pédophile, sanguinaire et ennemi de la vie détruire l’âme amazigh et latine, ils s’étaient laissés bédouinisés et hilalisés comme des brebis..

Le résultat est là, on le voit tous les jours, tamazgha en général et la kabylie en particulier sont devenues des zônes du sous développement, du terrorisme, de l’arrièrisme, de la bêtise, de la corruption morale et matérielle, des égorgements, des lapidations, des tchadors, des burkas, des kamis...

Un peuple et un pays la kabylie, arrachés à la civilisation humaine et où ces us et coutumes coloniales arabes inhumaines font la loi.

Le mahométisme arabe colonial et son cheval de troie l’islam (la soumission coloniale arabe) avec le coran, son manuel de guerre et de torture qui propage la mort au détriment de la vie, sont imposés à la kabylie et à son peuple, par la torture, les assassinats, les missionés du terrorisme d’état avec leurs faux barrages,, la misére économique, l’ignorance propagée à outrance et la hogra arabe contre le peuple kabyle et surtout contre sa partie qui ne courbe pas l’échine et qui refuse de se laisser araboislamiser,

Voilà pourquoi que tamazgha et le peuple kabyle et la kabylie en particulier ne se libéreraient de ces chaînes coloniales arabes que le jour où ils se rendront compte qu’il sont toujours colonisés par une autre colonisation, plus insidieuse, plus destructrice et plus inhumaine, la colonisation arabe !

On veut nous faire passer pour des minorités isolées au sein d’un peuple arabe alors que ce sont les Arabes qui sont chez nous une infime minorité, et ils nous ne dominent que par la religion.

Kateb Yacine, préface pour : Les Berbères et l’arabo-islamisme en Algérie, P. 23 de Amar Ouerdane

Quand ils sont arrivés, ils avaient leur opium pour dominer les peuples, on avait la Terre, maintenant, on a été shootés à cet opium destructeur et ils ont la Terre. Adage des résistants à l’islamoaraberiecolonial

Si nous sommes déjà arabes, pourquoi nous arabiser ? Et si nous ne sommes pas arabes, pourquoi nous arabiser ?

Kateb Yacine

On ne peut cacher indéfiniment à un peuple son histoire. Il finit par la connaître et par l’écrire lui-même. Ferhat Abbas, La Nuit coloniale, 1962

Kateb Yacine dénonce la colonisation arabe au nom de l’islam

http://www. youtube. com/watch?v=IYjd5qvdhNQ

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