Les Tunisiennes manifestent pour leurs droits : "Ghannouchi dehors !"

Les Tunisiennes sont sorties dans la rue lundi soir.
Les Tunisiennes sont sorties dans la rue lundi soir.

Si la rue tunisienne bout de révoltes, le rapporteur de la nouvelle Constitution tunisienne, lui, a annoncé lundi que la date d'adoption du texte fixée par le gouvernement allait être reportée à février 2013, un délai qui, selon des opposants, risque de conduire au "chaos".

Des milliers de Tunisiens ont manifesté lundi soir à Tunis pour le respect des droits de la femme, le plus grand rassemblement d'opposition depuis avril, alors que le gouvernement dirigé par les islamistes d'Ennahda est confronté à une contestation grandissante. Deux manifestations ont eu lieu dans la capitale tunisienne, l'une autorisée l'autre non, mais avec le même mort d'ordre: le retrait d'un projet d'article de la Constitution soutenu par les islamistes évoquant la "complémentarité" et non l'égalité des sexes.

Plusieurs milliers de personnes se sont réunis face au Palais des congrès de Tunis à partir de 20h 00 GMT, après la rupture du jeûne du ramadan. "L'avenir (de la Tunisie) n'est plus envisageable sans la femme", a lancé Maya Jribi, secrétaire générale du Parti républicain.

"La Tunisienne est libre ! (le Premier ministre Hamadi) Jebali, (le chef d'Ennahda Rached) Ghannouchi dehors!", ont scandé les manifestants. La deuxième manifestation a réuni quelques centaines de personnes avenue Habib Bourguiba, axe principal du centre-ville où le défilé n'était pas autorisé. Malgré quelques échauffourées avec la police, le rassemblement s'est achevé dans le calme.

A Sfax, (260 km au Sud de Tunis), un millier de personnes ont défilé sous le même mot d'ordre, a constaté un journaliste de l'AFP. Les utilisateurs de réseaux sociaux ont fait état d'autres défilés à travers le pays. Ces manifestations d'opposition à Tunis sont les plus importantes depuis une marche interdite et violemment dispersée en avril sur l'avenue Habib Bourguiba.

Les protestataires, réunis à l'appel d'organisations féministes, de défense des droits de l'homme et de l'opposition, célébraient lundi l'anniversaire de la promulgation du Code de statut personnel (CSP) le 13 août 1956, un ensemble de lois toujours sans équivalent dans le monde arabe instaurant l'égalité des sexes dans plusieurs domaines.

Ennahda est au cœur d'une polémique provoquée par un projet d'article de la Constitution car il n'évoque pas l'égalité des sexes. "L’État assure la protection des droits de la femme, de ses acquis, sous le principe de complémentarité avec l'homme au sein de la famille et en tant qu'associée de l'homme dans le développement de la patrie", y est-il indiqué.

Le parti islamiste, à la tête d'une coalition formée avec deux partis de centre-gauche, dément vouloir s'en prendre aux droits de la femme et souligne que l'égalité des sexes sera mentionnée dans le préambule de la future loi fondamentale.

La Constitution aura du retard

Les travaux de rédaction de la nouvelle Loi fondamentale traînent en longueur faute d'un compromis sur la nature du régime. Les islamistes réclament un système parlementaire pur, tandis que les autres partis militent pour laisser d'importantes prérogatives au chef de l'Etat. Une première mouture aurait dû être présentée fin juillet, ce qui n'a jamais été fait. Désormais, un "brouillon" devrait être prêt en octobre, selon M. Kheder.

Six commissions sont en charge de la rédaction de la Constitution. Leurs travaux seront réunis et chaque article sera soumis individuellement pour approbation aux députés, qui peuvent encore les amender. C'est seulement ensuite que les élus adopteront l'ensemble du texte à la majorité des deux tiers. En cas d'échec, un référendum sera organisé.

Le rapporteur, Habib Kheder a indiqué lundi soir à l'AFP que la loi fondamentale sera sans doute soumise à l'Assemblée nationale constituante (ANC) en "février 2013", corrigeant ses propos tenus plus tôt dans la journée et dans lesquels il évoquait le mois d'avril.

Cet élu d'Ennahda, le parti islamiste qui domine le gouvernement formé avec deux formations de centre-gauche -  le Congrès pour la République du président Moncef Marzouki et Ettakatol -, a jugé ce nouveau calendrier "réaliste". Le gouvernement a jusqu'à présent toujours présenté le 23 octobre 2012 comme la date butoir pour l'adoption de la Constitution et prévoyait des élections générales en mars 2013. Selon M. Kheder, un nouveau calendrier fera l'objet d'une réunion à l'ANC le 3 septembre, veille de la reprise de la session parlementaire. Il a refusé de se prononcer sur la date de futures élections, estimant que cette question est du "ressort du gouvernement".

Le président de l'ANC, Mustapha Ben Jaafar (Ettakatol) a lui réaffirmé lundi soir l'objectif du 23 octobre, reconnaissant cependant qu'il sera difficile de respecter ce calendrier. "Nous ne voulons pas d'une Constitution bâclée. Il faut faire vite, mais pas se précipiter", a ajouté M. Ben Jaafar.

Des opposants se sont pour leur part emportés contre la lenteur de la rédaction du texte, alors que le régime du président Zine El Abidine Ben Ali s'est écroulé il y a plus d'un an et demi.

"Est-ce que le pays est capable de supporter tant de retard ? La fragilité de l'économie tunisienne peut-elle souffrir autant de retard?", a lancé à l'AFP, Issam Chebbi, député et porte-parole du parti Républicain (centre). "Nous demanderons une loi qui fixe la date des élections", a-t-il ajouté estimant que "plus la transition dure et plus le chaos se diffuse dans le pays".

La reconnaissance des difficultés de la constituante intervient en effet dans un contexte politique et social tendu. Les manifestations notamment contre la politique économique et sociale du gouvernement se sont récemment multipliées alors que le chômage et la misère étaient au cœur de la révolution de 2011. Plusieurs ont été réprimées violemment.

Par ailleurs, l'opposition et la société civile accusent Ennahda d'une dérive autoritaire et d'organiser une islamisation rampante de la société en s'attaquant notamment à la liberté d'expression ou au droit des femmes. Les principaux partis tunisiens s'étaient donnés un an à compter de l'élection le 23 octobre 2011 de l'ANC pour rédiger la nouvelle loi fondamentale et remplacer les textes provisoires régissant le pays à la suite de la révolution.

LM/AFP

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Commentaires (10) | Réagir ?

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kamel benzine

Bravo les Tunisiennes, attention à ces rapasses islamistes. bon courage, nous sommes tous avec vous, par contre j adresse un petit mot a khalida toumi pour lui dire toute simplicité.

Ces femmes tunisiennesn acceptent pas ce que leur president leur demande c est pas comme toi, tu pourras tout donner pour ton boutef te demande meme ta dignite sale race

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miloud benhaimouda

C'est une habitude ancienne que les peuples, après une révolution, se figurent qu'on ne les ramènera jamais plus au silence et à la soumission, cependant la règle selon laquelle les révolutions sont démocratiques au début et despotiques à la fin vient vite mettre fin à leurs illusions.

C'est une autre règle que les acteurs d'une révolution récoltent bien rarement le fruit de leur lutte : le peuple iranien fit tomber le Shah, mais les bazaris et les mollahs raflèrent la mise ; les jeunes égyptiens de "facebook" initièrent la contestation mais le pouvoir échut aux religieux radicaux, c'est ainsi que l'Iran comme l'Egypte passèrent de la tyrannie à la tyrannie. L'intermède entre les deux dictatures ne servant au final qu'à créer des martyrs dont les usurpateurs useront comme emblème qui servira à les blanchir de leur rapine.

C'est Bourguiba, ou le Shah qui doivent se marrer dans leur tombe, quant à Ben Ali, je crois bien qu'il doit sourire devant sa télé.

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