Cette Algérie incomprise !

Les pouvoirs successifs ont balayé l'histoire millénaire amazighe pour lui substituer une autre.
Les pouvoirs successifs ont balayé l'histoire millénaire amazighe pour lui substituer une autre.

Les pédagogues et les hommes d'esprit répètent souvent qu'on ne pourrait jamais être libres si l'on ne savait pas qui l'on est, où l'on se trouve ni quel genre de liberté on cherche.

En d'autres termes, on ne percevrait jamais le brouillard présent dans nos têtes s'il n'y avait guère, au départ, cette maîtrise parfaite de nous mêmes, notre attention, nos sens, nos pulsions, nos connaissances, notre conscience..., notre démarche. Du coup, la réalité nous échappe et on perd inévitablement la direction de nos rêves. Or, un rêve n'est-il pas justement ce petit quelque chose, aussi futile soit-il, qui nous aide à vivre et qui survit, lui aussi, en nous en permanence ?

Décidément, sans rêves, on serait comme dans le radeau de la méduse, noyés aux alentours d'une île brumeuse, grise, triste et invivable. Cependant, s'il est toujours nécessaire de réserver une place dans sa vie pour ses rêves, pour reprendre à ma façon les propos du poète français Robert Desnos (1900-1945), il faudrait que ces derniers (les rêves) soient à leur place. En effet, la première condition pour réussir ce qu'on rêve, c'est de développer la conscience de là où nous sommes et où nous voulons aller. Hélas ! Il se trouve qu'on a négligé tout ça, chez nous en Algérie !

Fourvoyées et divisées à l'aube de l'indépendance, nos élites n'ont pas pu ni su tracer une trajectoire claire pour la patrie. La complication du problème de l'identité en est la preuve. Laissée en jachère faute d'un travail réflexif assidu, notre identité, malmenée au demeurant par des références extérieures inadéquates et prise pour une chose inchangeable, n'a jamais évolué. Quant au peuple, on lui a mis des œillères afin que tout son attention soit entièrement dirigée vers la route devant lui. C'est cette réalité-là, ô combien cruelle, qui nous a enfoncé dans "un sous-développement structurel".

La nation a longtemps marché à tâtons, dans le vide. Elle n'a pas créé son rêve de bonheur ni laissé la joie de voir chacun lâcher prise la parcourir. Elle a comme pédalé sur une pente après avoir pris, indécise et submergée par l'émotionnel (l'euphorie suscitée par la fin de la guerre de libération), un chemin sinueux. On dirait que les Algériens auraient voulu construire leur pays par la seule opposition à l'autre (l'ex-puissance colonisatrice) et non point sur ce désir, du reste constitutif des valeurs des nations modernes, de réappropriation de leur histoire, langue, culture, héros, etc.

Le projet de l'arabisation mis en œuvre d'une manière impensée, anarchique et surtout revancharde durant les années 1970-1980 n'en est-il pas une des plus banales manifestations ? Notre drame est comme "une synthèse de contradictions" qui s'est renforcé, au fil du temps, pour aboutir, aujourd'hui, à des profondes incohérences dans notre pensée, notre façon d'agir, nos idées, notre philosophie d'existence...

Kamal Guerroua

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Commentaires (1) | Réagir ?

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khelaf hellal

L'Algérie leur va comme un soulier trop grand pour leurs petits pieds de nabots. Ils se surestiment même dans la petitesse et l'indigence de leur esprit et de leur corps.