L'ancien gouvernement islamiste annonce son retour aux affaires en Libye

 Khalifa Ghouil
Khalifa Ghouil

Le chef d'un ancien gouvernement islamiste libyen, écarté en avril après la formation d'un exécutif d'union nationale soutenu par la communauté internationale, a affirmé reprendre ses fonctions après s'être emparé des locaux du Conseil d'Etat dans la capitale Tripoli.

Déjà aux prises avec deux gouvernemments, la Libye vient d'apprendre le recomposition d'un troisième. C'est celui du bloc de Fajr Libya, une milice islamiste qui a longtemps fait régner sa loi d'airain sur Tripoli et quelques autres régions. Cette annonce est un vrai pied de nez au chef de gouvernement Faiez Serraj. Livrée au chaos depuis la chute de Mouammar Kadhafi il y a près de cinq ans, la Libye est dotée depuis le 30 mars d'un gouvernement d'union nationale (GNA), dirigé par Faiez Serraj, censé restaurer l'autorité centrale et lutter contre les jihadistes du groupe Etat islamique (EI).

Soutenu par l'ONU, les Etats-Unis, les Européens et les pays voisins comme l'Algérie, cet exécutif d'union installé dans la capitale devait remplacer les deux gouvernements qui se disputaient le pouvoir en Libye depuis des mois, l'un basé dans l'Est et l'autre à Tripoli.

Mais vendredi soir, le chef de l'ex-gouvernement islamiste de Tripoli, Khalifa Ghouil, qui a toujours refusé de céder son poste, a lu un communiqué affirmant que son gouvernement de salut national avait repris ses fonctions après avoir pris le contrôle, sans combat, du bâtiment du Conseil d'Etat libyen à Tripoli. Il a appelé tous ses ministres à reprendre leurs postes et à considérer comme suspendus de leurs fonctions tous les responsables nommés par le nouveau gouvernement d'union nationale.

En réponse, le GNA a promis, dans un communiqué, d'arrêter les politiciens qui (...) tentent de créer des institutions parallèles et de déstabiliser la capitale. Il a condamné la prise de possession du QG du Conseil d'Etat par un groupe armé, dénonçant de nouvelles tentatives pour saboter l'accord politique parrainé par l'ONU.

L'Union européenne et l'ONU ont également condamné samedi l'initiative de M. Ghouil. "De telles actions visent à créer des institutions parallèles et à entraver la mise en oeuvre de l'accord politique en Libye", a estimé l'envoyé spécial de l'ONU pour la Libye, Martin Kobler. Il a mis en garde contre plus de désordre et d'insécurité et renouvelé son soutien au GNA pour gouverner la Libye.

Le recours à la force pour la prise du pouvoir en Libye peut uniquement aboutir à plus de désordre et à une spirale de violence où le peuple libyen est la principale victime, a de son côté soutenu l'Union européenne dans un communiqué.

La portée de la proclamation de M. Ghouil, rival du GNA, reste toutefois difficile à cerner. Samedi matin, aucune présence militaire inhabituelle n'a été constatée dans la capitale, y compris autour du Rixos, le complexe où se trouvent les locaux du Conseil d'Etat, devant lequel quatre pick-ups --dont l'appartenance était inconnue -- montaient la garde comme d'habitude.

Selon des médias libyens, des membres de la force qui assurait la sécurité des locaux ont chassé le Conseil d'Etat de son quartier général parce que leurs salaires n'avaient pas été payés.

Même s'il avait perdu depuis mars toutes les institutions et ministères qu'il contrôlait à Tripoli au profit du GNA,Khalifa Ghouil, fort du soutien de Fajr Libya, continuait de publier régulièrement des communiqués portant le sceau de son gouvernement de salut national. Sa position était toutefois très affaiblie puisqu'il avait perdu le soutien des milices armées contrôlant la ville.

En Libye, les alliances peuvent toutefois se révéler très changeantes. L'accord conclu fin 2015 au Maroc entre des membres de forces politiques libyennes sous l'égide de l'ONU prévoyait la création du gouvernement d'union. Les membres du Parlement affilié à l'ex-autorité de Tripoli devaient eux devenir membres du Conseil d'Etat. Certains ont accepté d'autres ont refusé.

Par ailleurs, l'autorité basée dans l'Est du pays qui devait reconnaître le GNA a toujours refusé de le faire et le gouvernement d'union a échoué à asseoir son autorité dans la partie orientale du pays. Voilà qui va encore corser l'addition libyenne.

L.M.A./AFP

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