Hollande en Algérie : "Il faut faire la lumière sur notre passé"

François Hollande, lors de la commémoration de la répression du 17 octobre 1961 à Paris, en 2011.
François Hollande, lors de la commémoration de la répression du 17 octobre 1961 à Paris, en 2011.

Le premier président français à avoir reconnu le 17 octobre 1961 comme une "sanglante répression" doit aller plus loin sur le passé colonial de la France. Interview de Gilles Manceron, historien français.

François Hollande est le premier président français à avoir reconnu le 17 octobre 1961 comme une "sanglante répression". Le voyage qu'il entreprend ce mercredi en Algérie s'inscrit-il dans cette veine ?

Giles Manceron : On peut l'attendre. En tout cas on peut l'espérer. C'était un geste fort de reconnaître la répression du 17 octobre. Et, donc, on peut penser que cela laisse présager d'autres gestes, d'autres déclarations… Ce qui irait dans le sens d'un regard lucide sur le passé colonial.

Le président souhaite s'adresser apparemment à "tous les publics en même temps" – combattants algériens, appelés du contingent, harkis, pieds-noirs… Est-ce possible ?

Je crois que c'est surtout un discours de lucidité sur le passé qu'on peut attendre du chef de l'Etat, contrairement aux discours des présidents français jusqu'à présent. Il faut reconnaître que le fait colonial était contradictoire avec les principes-mêmes dont la République se réclamait. Par fait colonial, j'entends le fait de s'affranchir, dans un espace d'Outre-mer où on distingue les indigènes des citoyens, des règles d'égalité des citoyens devant la loi, des principes de la devise républicaine et de la déclaration des droits de l'Homme. Et il faut le reconnaître. C'est, avant tout, la question essentielle qu'il faut poser lorsqu'on parle de ce passé. Je comprends l'allusion du président aux différents groupes dont la mémoire a été blessée par cette histoire. Il faut reconnaître que, de ce fait, dans cette histoire, il y a eu un certain nombre de drames, de traumatismes, de crimes dont différentes personnes, à différents moments ont été victimes. Il peut avoir des paroles de compassion vis-à-vis de mémoires blessées qui sont diverses. Reste qu'il y a, de mon point de vue d'historien, un devoir de vérité sur le passé colonial.

Le discours d'Hollande devant les deux chambres du Parlement algérien peut-il être un discours historique pour les relations franco-algériennes ?

Peut-être. Une chose est la question des relations franco-algériennes. L'autre est ce rapport du président de la République avec cette page d'Histoire. Et cela, c'est une question franco-française avant tout. Je ne vois donc pas cette question, même si il peut y avoir des avancées à l'occasion d'un voyage en Algérie, sous le signe du bilatéral.

C'est une question franco-française car c'est une page de notre passé, une page de l'histoire contemporaine de la France qu'il convient de regarder en face. C'est un peu comme la question du passé de la France sous l'occupation nazie qui a fait polémique quant aux responsabilités de la France de Vichy jusqu'aux déclarations de Jacques Chirac en 1995. Déclarations reprises par François Hollande en juillet dernier. Il y a maintenant une sorte de consensus après de longs débats sur ce sujet. Tandis qu'il y a une question qui elle n'est pas du tout consensuelle et sur laquelle des polémiques persistent, c'est cette question du regard posé par les autorités de notre pays sur cette page de notre histoire : la période coloniale. Sur ce point de vue là, il faut des progrès dans la façon de dire les choses. Il faut permettre l'accès aux archives pour que les choses soient dites sur tout ce qui relève du fait colonial dans la période considérée.

François Hollande devrait-il, pourrait-il, œuvrer en ce sens ?

Il le devrait. En tout cas, il le pourrait, probablement. Lorsque le journaliste Jean-Louis Peninou avait interrogé Gaston Deferre, devenu ministre de l'Intérieur, sur le 17 Octobre 1961, il espérait qu'il rouvrirait les dossiers. Or, ce dernier, qui avait protesté 20 ans plus tôt contre la répression conduite par Maurice Papon, lui a dit "il n'en était pas question, nous verrons dans 40 ans". Nous sommes un peu plus de 30 ans plus tard. Il faudrait que les archives soient enfin ouvertes sur le 17 octobre, sur la répression en Algérie, le 8 mai 1945, la Bataille d'Alger, le rôle des services secrets, et d'autres épisodes encore… Il faut faire la lumière sur notre passé.

Est-ce un acte fort pour le président Hollande de se recueillir comme c'est prévu devant une plaque commémorative à la mémoire de Maurice Audin ?

Oui. C'est une question importante et emblématique des violations des droits de l'homme commises pendant la bataille d'Alger dont Maurice Audin a été victime, comme des centaines d'Algériens enlevés, disparus, torturés. C'est une question emblématique. Le président Hollande a écrit à Josette Audin pour lui dire qu'il avait demandé au ministre de la Défense de la recevoir afin de lui communiquer toutes les informations que contiennent les archives. C'est une question importante sur laquelle nous demandons en effet que l'Etat fasse toute la lumière par l'accès aux archives et aux personnes qui connaissent la vérité sur la disparition de Maurice Audin.

Céline Lussato/Nouvelobs

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Khalida targui

la lumière sur notre présent car les gens du passé sont morts Allah yarhamhoume, maintenant le grand danger menace leurs enfants et petits enfants