Boycott populaire, chantage et contre-vérités

Abdelaziz Bouteflika et des officiers supérieurs.
Abdelaziz Bouteflika et des officiers supérieurs.

Au lendemain du 10 mai 2012, les décideurs peuvent jubiler. Même si le taux de participation n'est que de 42%, ils s'en contenteront sans doute pour redorer leur blason.

Acculée par la pression induite par le vent de changement qui a soufflé les régimes totalitaires et autoritaires de la rive sud de la Méditerranée, et par la pression de la rue algérienne dans d’interminables révoltes qui secouent le pays depuis janvier 2011 pour une démocratisation du régime politique, et surtout par la menace des impérialistes occidentaux, embusqués derrière la crise de légitimité qui affecte le pouvoir algérien, guettant le moindre alibi pour se redéployer dans l’ingérence des affaires intérieures algériennes, la coalition des généraux au pouvoir en Algérie s’en sort renforcée de ce triple bras de fer, en ayant répondu du tac au tac à chacun de ses contradicteurs. Au soir du 10 mai 2012, ils peuvent jubiler. Tant le score du vote pour les législatives, malgré qu’il n’avoisine que les 42 %, est largement suffisant pour confirmer la crédibilité du processus démocratique par lequel l’assemblée nationale a été élue et renforcé leur légitimité.

L’argument est sans appel, sauf dans le cas inattendu et imprévisible d’un soulèvement populaire, qui viendrait remettre en question cette légitimité, acquise par la corruption d’une clientèle disposée à collaborer à leur stratégie de maintien au pouvoir et par la violence contre les récalcitrants. La stratégie que le pouvoir avait mise en place pour s’en sortir de ce triple bras de fer et qui fut mise en orbite depuis le discours de Bouteflika en avril 2011 a réussi à ce jour, mais l’épée de Damoclès resterait toujours au-dessus des têtes des Algériens, si ceux-ci venaient à se rebeller. Cette situation, si elle venait à se produire, ouvrirait un autre chapitre dans l’histoire de la lutte du peuple algérien pour recouvrer sa liberté et la légitimité de ses institutions. Le pouvoir aura à ce moment-là ! à jouer les prolongations. Pour l’heure, le chapitre "printemps arabe" est clos, c’est une nouvelle ère d’incertitudes dans laquelle s’enfonce l’Algérie.

En résumé, la stratégie que le pouvoir avait mis en place en avril 2011 revenait à réévaluer à la hausse la redistribution de la rente au profit des services de sécurité, des fonctionnaires, de tous les corps de métiers et de la société civile acquises à sa cause, pour que le vent de la contestation ne vienne pas à les contaminer, d’une part. D’un autre côté, des concessions importantes ont été faites au profit des puissances impérialistes occidentales, sur le plan des échanges commerciaux, ainsi que sur le plan de leur stratégie géopolitique, - notamment, la neutralisation des forces progressistes, susceptibles d’instaurer de véritables régimes démocratiques dans le monde arabe, et pouvant constituer un danger pour leurs intérêts dans la région, comme ce fut le cas en Amérique latine, contrairement aux islamistes, avec lesquels ils préfèrent s’allier, car leur idéologie est par nature antidémocratique, en même temps qu’ils sont facilement maniables - en échange à cela, ces derniers devraient adopter une position de neutralité vis-à-vis du problème de l’illégitimité politique et du déficit démocratique. C’est alors qu’intervient le rouleau compresseur du changement dans la continuité, pour couvrir les voix qui se sont levées dans le monde arabe appelant au changement et en atténuer les effets. Une illusion de parachèvement de la transition démocratique qui a été amorcée, puis avortée au tournant des années 1990 se met alors en branle, de laquelle sortirons des réformes, des législatives et une révision de la constitution. Les réformes prendront l’allure d’un ravalement de la façade démocratique, déjà en vigueur, taillées au couteau pour que rien ne change et qu’aucune parcelle de pouvoir ne puisse échapper aux généraux.

Pour ce faire, un élargissement conséquent de la clientèle politique fut consacré. Ainsi, plusieurs partis politiques en attente d’agrément depuis des années furent intronisés, d’autres furent créés spontanément sans réelle consistance politique, ni encrage dans la société. Leur seul objectif se résume à la participation à l’illusion du changement en contre partie bénéficier d’une part conséquente de la rente. Au total, ce fut près d’une cinquantaine de partis qui participèrent aux législatives. Dans un régime à la proportionnelle, il n’y aura aucune chance de dégager une majorité dans ce cas. Le pouvoir occulte des généraux peut manœuvrer dans ces conditions à sa guise pour faire appliquer ses décisions. En parallèle, un contrôle de l’opposition à son plan de sauvetage fut parcimonieusement orchestré à force de loi et de répression par une force de réaction disproportionnée et omniprésente pour contrer toute tentative de contestation de masse ou de soulèvement populaire.

Le plus gros semble à ce stade de leur stratégie, accompli sans encombre. Reste la dernière ligne droite, réussir un taux de participation aux législatives satisfaisant, de manière à donner de la crédibilité aux réformes et, donc, à l’illusion de parachèvement du processus de la transition démocratique pour renforcer leur légitimité. Dans le cas contraire, celui d’une abstention massive, celle-ci serait remise en question aussi bien par l’opinion nationale encore crédule dans ce système, qui amènerait son éveil à une conscience politique conséquente, ainsi qu’à l’opinion internationale, qui sera amenée à son tour à décrédibiliser les réformes entreprises. Ce qui fera dire à Bouteflika, que la participation au vote est équivalente à l’engagement du 1er novembre 1954. L’ambiguïté de cette phrase n’a trouvé d’explication qu’a la lumière des menaces de représailles contre les boycotteurs, allant jusqu'à rendre le vote obligatoire. Car le pouvoir, qui tire sa légitimité de cette date historique, appelée "légitimité révolutionnaire", se verrait dépossédé de celle-ci en cas de forte abstention.

Comme si la menace ne suffisait pas, il aurait fallu mobiliser tous les moyens possibles pour drainer les Algériens aux bureaux de vote le jour du 10 mai 2012, par la fraude sur les listes électorales, par la mobilisation des mosquées appelant les algériens a accomplir le vote comme un devoir religieux pour tout croyant, jusqu'à aller faire du ramassage par les transports en commun et du rabattage par des véhicules circulant dans les quartiers, incitant la population à aller voter. Tout compte fait, la menace de représailles contre le boycott a bien payé, car la majorité des votants affirment avoir voté par crainte de représailles administratives. Reste le dindon de la farce, qui prétendait "mettre du mouvement dans le statu quo" en voulant endosser le rôle de "mesmar djeha", la réponse du pouvoir à sa première contestation à été sans ambiguités : "bellaa femouk". Bien que rien n’est joué définitivement, même si le chapitre «printemps arabe» semble être clos avec ces législatives, une coalition d’opposition au pouvoir au sein de la nouvelle assemblée nationale, peut-elle émerger autour du FFS et constituer un noyau de résistance pouvant attirer à sa cause l’opinion nationale et renverser le cours de l’histoire, c’est du moins une hypothèse des plus souhaitables. Encore faudrait-il que le FFS puisse concevoir la démocratie dans son acception la plus moderne et la plus universelle.

Youcef Benzatat

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Commentaires (14) | Réagir ?

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youcef benzatat

Monsieur alloui, ayez du respect pour vous meme et pour ce peuple qui est suffisamment meurtri par ces laches qui vous instrumentalisent, allez lâcher vos insanités, votre haine et vos envies sournoises sur d'autres torchons qui vous vont très biens et qui pourrons satisfaire votre curiosité de lecture, ici c'est un journal libre, consacré par un homme libre pour des citoyens libres

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moncef alaoui

Benzatat, avant de vous lancer tête baissée dans des analyses ou plus précisément dans des élucubrations fantasques, apprenez à é c r i r e (ECRIRE). Votre torchon ne rime à rien surtout lorsqu'il commence avec une phrase qui contient CENT mots. Etonnant que Benchicou dont la plume est si brillante, accepte de vous publier pour au fond ne rien dire. Mieux vaut rester SANS mots. Autrement dit, boycottez en SILENCE.

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