Alger, midi trente…

Alger, midi trente…

Il est midi trente à Alger, dernier samedi de février, une journée peut-être un plus triste que les autres. Au dessus de la ville, l'hélicoptère tournoie toujours. Il y a une population à contrôler. Il est midi trente à Alger. Les véhicules blindés reviennent de la Place des Martyrs. Il y avait une manifestation à réprimer. La besogne est faite. Trois mille policiers pour cent personnes désarmées. Cent personnes et un vieillard. Le vieillard a dit "Nous reviendrons samedi prochain". Trois mille policiers ont répondu : "Nous aussi !" Il est midi trente à Alger. L'état d'urgence est levé depuis deux jours. Le brigadier ne le savait pas. Alger non plus. C'est la même, toujours la même, Alger, sous le printemps, sous la dictature ou sous l'état d'urgence. On ignore ce qu’est Alger sous la démocratie, mais le vieillard en a une idée. Il est midi trente à Alger. Un rayon de soleil. Trop faible pour allumer un réverbère sur nos doutes, se dit le vieillard. Voilà bien longtemps qu’Alger ne s’éclaire plus qu’à l’aide de quelques reflets agonisants d'un vieux prestige oublié. Il lui a manqué ce jour d’humilité et cet instant de mémoire pour réparer la lampe du muletier. Il est midi trente à Alger. Une goutte de sang sur la place des Martyrs. Le vieillard se dit que les martyrs terminent toujours avec un nom gravé en tout petit sur une pierre tombale. Un tout petit nom offert à ceux qui auront su s’en servir ! Il est midi trente à Alger. Le groupe d'adolescents recruté par le chef de daïra crie une dernière fois "Vive Bouteflika". Le vieillard laisse tomber une larme. Une larme, un dernier regard et une dernière prière : "Qui les sauvera de leur avenir ?" Les véhicules blindés arrivent de la place des Martyrs. Le vieillard ne veut plus penser aux martyrs. Les martyrs sont voués à être oubliés, moqués ou utilisés. Quant à être compris, jamais ! Il est midi trente à Alger. Quelques manifestants reviennent de loin. C'est l'heure de témoigner d'Alger. De tant de visages brûlés par le vent, par le soleil. De tant d’hommes déshonorés, désespérés... Qui rentrent avec une brassée de faim... Avec un fardeau de plaies...De quelque chose qui ressemble aux pleurs... De quelque chose qui ressemble au sang... De quelque chose qui ressemble à Alger... Il faut témoigner. Il est treize heures à Alger. L'hélicoptère a quitté le ciel. A la place, le vieillard croit voir un grand oiseau. Un grand oiseau si beau que nul ne peut le regarder. Pour le voir, le vieillard a dû traverser le temps avec des élans fous, mais aussi avec des reculs épouvantés, dans les paysages redoutables et intimes de l’humanité. Quelques aigles l'ont fait, ce voyage. Ils savaient que nombre d’entre eux disparaîtraient, submergés par les océans, anéantis par la soif et le soleil ou dévorés par les bêtes sauvages, certains s’entre-tuant tandis que d’autres abandonneraient la route. Ils savaient qu’ils ne survivraient ni à leurs rêves ni à leurs vanités, mais ils ont préféré cette défaite millénaire à l’insoutenable indifférence à la lumière. Il est midi trente à Alger, un dernier samedi de février, une journée plus triste que les autres. Il fait presque nuit ! Le vieillard ne s’en émeut pas. Il sait qu’avec l’argent du pétrole, on peut abolir les aurores et prolonger la nuit. Il sait aussi que ce voyage ne veut pas se terminer, ce même voyage, de père en fils, depuis des siècles, à la recherche d’une lumière improbable… Mais c’est l’idée de la lumière qui est indispensable. Samedi 26 février. Il est treize heures à Alger. L’heure de rien. Le rayon de soleil s’attarde sur la ville. Le bel oiseau n’est plus là. Nul ne connaît le jour de son retour. Qu’importe ! C’est l’idée de la lumière qui est indispensable.

M.B.

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Commentaires (32) | Réagir ?

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Ahviv - Citoyen algérien

Bonjour,

Je félicite le député Nouredine Ait Hamouda pour sa réponse à L. Hanoun et son valet taazibt à lire sur quotidien ''le soir d'Algérie'' du 02/02/2011, il donne des preuves que ces pseudos nationalistes travaillent pour des forces occultes et sectes transnationales et vendent l'honneur de notre partie.

Si Nordine mérite d'être président du RCD et pourquoi pas de l'Algérie.

Ya Si Nordine, vous êtes l'un des rares députés qui interpellez les consciences des décideurs, hélas ils restent sourds... Fouettez-les, Je vous témoigne mon soutien et Tahya El Djazaïr

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Ahviv - Citoyen Algérien

Bonjour à tous les Algériens et à l'équipe du matin,

Je m'adresse fraternellement à mes compatriotes en particulier ''provocateur et kabyle téléphonique'', je les invite à relire mon commentaire, j'ai donné un avis de citoyen par le biais de mon post, j'ai critiqué sans complaisance le système pourri et ses missionnaires (dont vous ne faites pas parti j'espère !!!)... Mon intervention s'adressait aux prédateurs qui ont hypothèqué l'avenir du pays et qui ont érigé la corruption en mode de gouvernance.

Chers frêres, j'ai commenté l'actualité, je suis libre de mes pensées, je n'émarge que dans ma conscience et rien à voir avec une quelconque officines ni de loin ni de près !!! Je suis un simple fonctionnaire qui a vraiment du mal à joindre les deux bouts avec une famille à charge (enfants et parents), endetté auprès des banques pour des minables crédits à la consommation (voilà où nous en sommes avec les milliard de dollars qui vont dans les "chkayeres" et qui nous privent d'un minimum de dignité !) comme tt le monde, je vis les mêmes problèmes que la majorité de mes concitoyens, en fait je résiste... Avec tout ça je dis Tahya El Djazaïr.

Au fait si je n'ai pas cité L. Hanoun que vous avez cité dans votre post c'est parcequ'elle n'était pas présente à la marche de la CNCD, mais je dirais ceci est c'est l'avis des algériens je pense, elle a été formatée et conditionnée (normalisée za3ma) comme ''tous'' les acteurs politiques (avantages matériels et comptes en banque bien remplis en Algérie et off-shore), ils ont vendus âmes et dignités, ils ont trahi le peuple ! Demandez à la majorité des politiciens de faire une déclaration de leurs partimoines vous aurez des surprises. Tout le système est pourri, éducation, santé, travaux publcs, énergie, université, ministère de la solidarité ''hna fi hna''... Avec ça ils persistent, car tant qu'il y'a l'argent... Fraternellement.

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