Opinion : Les jeux sont-ils faits ?

On y voit clair. Petit à petit le puzzle a fini par se mettre en place : les pièces manquantes ont été ajoutées. Le suspense n’aura duré que l’espace d’un bref été. La révision constitutionnelle sera adoptée par un Parlement qui, soi dit en passant, n’est pas représentatif puisqu’élu par moins de 30% des électeurs, ouvrant la voie pour un troisième mandat pour Abdelaziz Bouteflika. Triplement des salaires des députés aidant, cette révision passera comme une lettre à la poste.

De fait, chacun convient que la nomination de Ahmed Ouyahia au poste de Premier ministre et le troisième mandat pour Bouteflika sont le résultat d’un deal au sein des cercles politico-militaires au pouvoir. Mais la question de savoir sur quoi a porté ce « deal » entre Bouteflika et les militaires, si deal il y a eu, reste jusqu’à maintenant sans réponse. Ecartons les explications faciles, genre, c’est « un pouvoir de corrompus », « un pouvoir assassin », « une caste de généraux qui décide et des civils qui exécutent »,…parce qu’il s’agit de réactions émotionnelles qui n’aident ni à voir clairement la situation, ni à avancer, et parce que cela participe du brouillage des repères. Et en fin d’analyse, ce genre d’explications si souvent répétées relève de ce populisme qui fait le jeu des islamo-conservateurs qui gouvernent en réalité ce pays.

Pour autant, Ahmed Ouyahia ne nous a pas gratifiés d’un scoop : seuls les naïfs pensaient que le chef de l’Etat n’allait pas postuler pour un troisième mandat, évoquant à l’appui de leurs dires la maladie et l’âge du président-candidat, voire l’hostilité de certains cercles dirigeants du pouvoir. Même Ouyahia, qui a stigmatisé ceux qui « ont créé une kermesse et qui ont dit que la révision n’aura pas lieu », a en réalité brouillé les cartes, laissant planer volontairement le doute. N’avait-il pas affirmé que la révision constitutionnelle n’était pas à l’ordre du jour – « chaque chose » en son temps, disait-il récemment – avant de se raviser et d’annoncer subitement, que « le RND est favorable à la révision de la Constitution qui va venir » ? En guise d’argument, sans autre explication d’ailleurs, il a déclaré : « je ne revendique pas Bouteflika comme propriété du RND, mais nous le soutenons car nous récoltons aujourd’hui le fruit d’une décennie ». Ce « fruit », bien évidemment, il n’en dit pas mot. Précisant en outre : « Nous nous reconnaissons dans une démarche et un programme. Nous ne revendiquons pas Bouteflika comme propriété. Bien sûr, la révision est du ressort du Président, tout comme la candidature qui est une initiative personnelle, mais nous insistons pour la candidature et la réélection du Président. »

Bien qu’à ce stade – sans doute est-il trop tôt - on n’ait pas de réponse satisfaisante sur la nature du deal passé entre les cercles politico-militaires du pouvoir, le moins qu’on puisse dire est que l’annonce d’Ouyahia n’a pris personne de court : la candidature de Bouteflika était attendue, inscrite dans les faits. Lui-même l’a annoncé au détour de certains de ses propos quand par exemple il avait donné instruction à ses ministres de préparer dès aujourd’hui le plan 2009-14. Certains partis politiques ont même devancé cette annonce : ils se sont résignés au fait que Bouteflika postule à un troisième mandat au lieu de s’y opposer en usant de leurs droits constitutionnels, et ont annoncé à leur tour qu’ils y prendraient part au scrutin présidentiel.

Plus généralement, dans les conditions sociopolitiques présentes, Abdelaziz Bouteflika se voit offrir un boulevard. Si son bilan socio-économique est un échec – n’a-t-il pas admis le 23 juillet dernier « « Nous nous sommes trompés ! Il faut tout revoir » - au plan politique, Bouteflika aura réussi à réduire l’opposition à sa plus simple expression. Résultat, ses adversaires déclarés ( Moussa Touati entre autres) pour ne pas dire fabriqués pour la circonstance, pèsent peu ou rien sur la scène nationale et ne participeront à l’élection présidentielle que pour faire de la figuration. Cette élection présidentielle ne sera même pas « une drôle d’élection » comme on l’écrivait dans le Matin d’avril 1999 ! Cette fois-ci, faute de combattants crédibles, il est même permis de penser que, quel que soit le taux de participation électoral, il sera élu avec l’aval des observateurs internationaux !

Dès lors, au lieu de compter sur l’Occident afin que le scrutin présidentiel se déroule correctement, les démocrates devraient s’impliquer davantage dans les luttes sociales quotidiennes et la défense des libertés s’ils veulent être visibles, car dans ce domaine, il y a du pain sur la planche.

Hassane Zerrouky

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Commentaires (31) | Réagir ?

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ali

pour l'heure, Bouteflika n'a rien demandé à propos de sa reconduction. ce qui est perceptible en revanche, c'est cette faune d'opportunistes de tous bords, clientèle d'un pouvoir occulte, qui multiplie les "initatives" personnelles dont le triplement de salaires des faux députés, pour voter tout ce qui leur est soumis d'en haut. même sans cette gratification éhontée, d'une rente jamais méritée, les députés de l'alliance dite présidentielle n'ésiteront pas à voter les décisions qu'on leur soumet pour la forme. d'aileurs toutes les taxes impopulaires décidées par le pouvoir ont été adoptées par les députés et autres sénateurs qui n'ont jamais été représentifs de la majorité silencieuse.

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mohand

Je suis certaiun d'une chose:si ce régime et à sa tête une bande de brutes décident de n'importe quoi de mauvais (parcequ'ils ne présagent jamais de bon) ils l'obtiennent facilement parceque rien ne s'oppose violemment à leurs décisions, ni la classe politique dont la majorité mange avec ce pouvoir, ni les citoyens désemlparés, dispersés, persecutés, ni une presse mobilisatrice à part quelques journaux qui n'arrivent pas à provoquer un déclic malgré leur effort et surtout la peur de poursuite par les lois d'ouyahia qui est revenu pour des mesures anti sociales, etc. Leterrain des opérations est favorable à ce pouvoir qui détient tous les leviers de commande pour décider ce qu'il veut et non ce que nous voulons. Il est capable un jour de violer l'intimité des personnes à n'importe quel moment ou lieu pourvu qu'une loi soit votée et là n'est pas le problème. Nous esperons qu'un jour un vent salvateur nous débarrasera de ce régime de bandits, charognards, dictateurs, opportunistes, médiocres, incompétents, gourmands, .. (tous les adjectifs qualificatis ne suffiront pas à les décrire). je souhaite que des hommes, des vrais emergeront pour sauter tous ces verrous et replacer cette Algérie sur un vrai orbite de liberté, démoratie, transparence, espoirs de vie pour notre jeunesse etc..

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