Egypte : le nouveau pouvoir islamiste jette un journaliste en prison

Le président Morsi commence à sévir dans la presse.
Le président Morsi commence à sévir dans la presse.

Après les intimidations, les sanctions tombent contre les journalistes de la part du nouveau pouvoir islamiste.

Lendemains difficles pour la liberté de la presse en Egypte. Il n'y a décidément pas qu'avec les militaires et les révolutionnaires que le nouveau pouvoir a maille à partir. Un journaliste a été mis en détention préventive jeudi à l'ouverture de son procès pour incitation au "chaos" en Egypte, des poursuites dénoncées comme "politiques" dans un climat crispé entre la presse et le pouvoir du président islamiste Mohamed Morsi.

Le rédacteur en chef du quotidien indépendant Al-Dostour, Islam Afifi, s'est vu notifier cette décision à l'issue d'une audience d'une heure et demie. Il était poursuivi pour publication d'informations mensongères et incitation à la déstabilisation du pays. Islam Afifi restera en détention jusqu'au 16 septembre, date de la prochaine audience, a statué le juge du tribunal pénal de Guizeh, au Caire. Il s'agit du premier procès d'un journaliste égyptien depuis la chute de l'ancien président Hosni Moubarak en février 2011. 

Islam Afifi a déjà subi les foudres du pouvoir. Le 11 août dernier, soit quatre jours avant la mise à la retraite des généraux, Al Doustour a été saisi sous l'accusation d'"offense au président". 

Procès "politique"

Interrogé par l'AFP avant l'annonce de sa mise en détention, M. Afifi a dénoncé un procès "politique", affirmant que les plaintes déposées contre lui étaient le fait de "personnes qui ont des motivations politiques". "Ce procès sera un véritable test pour l'une des demandes essentielles de la révolution égyptienne, qui est la liberté d'expression", a-t-il ajouté.

Le Syndicat des journalistes égyptiens a indiqué, dans un communiqué, avoir engagé des contacts pour obtenir la libération de M. Afifi. L'un des dirigeants du syndicat, Mohamed Abdel Qodous, a estimé que la décision du tribunal était "préjudiciable" pour le président Morsi, qui s'étai engagé selon lui à ne pas emprisonner les journalistes, "pour la révolution et pour la justice".

Purge dans la presse

Financé par des fonds privés, Al-Dostour est plus critique à l'égard du pouvoir que les médias d'Etat, dont les dirigeants ont été remplacés après la prise de fonction du président Morsi le 30 juin. Ainsi, dès le 8 août, la chambre haute du parlement, à majorité frériste, a décidé de renvoyer tous les rédacteurs en chef et directeur des journaux nationaux. Deux jours plus tard, la chaîne télé Al Faraïne (les Pharaons) est purement et simplement fermée pour un mois par décision de justice désormais tout acquise aux Frères musulmans. Son directeur, M. Okacha, est accusé d'"incitation au meutre du chef de l'Etat".  Rien de moins, le nouveau pouvoir ne badine pas avec la liberté.

Selon l'acte d'accusation lu en début d'audience, le journaliste Afifi est poursuivi pour des articles affirmant que l'élection du président Morsi a été falsifiée ou que des terrains de la péninsule du Sinaï avaient été vendus aux Palestiniens. Les poursuites pour incitation au "chaos" et diffusion de "fausses nouvelles de nature à troubler l'ordre public" contre M. Afifi ont été annoncées le 16 août en même temps que celles contre le présentateur de télévision Tewfik Okacha qui est accusé d'"incitation au meurtre" du président Morsi.

Ces poursuites interviennent alors que des militants anti-Morsi ont annoncé pour vendredi des manifestations contre le chef de l'Etat. M. Morsi avait fait le ménage dans la presse gouvernementale en faisant nommer par la chambre haute, dominée par les Frères musulmans, de nouveaux rédacteurs en chef à la tête des médias d'Etat, qui lui étaient très hostiles. 

Le 9 août, plusieurs titres de la presse non-gouvernementale ont publié des encarts blancs à la place de leurs habituels éditoriaux pour dénoncer selon eux une volonté de contrôle des médias de la part des Frères musulmans. "Cet encart reste blanc pour protester contre la tentative des Frères d'imposer leur contrôle à la presse et aux médias appartenant au peuple égyptien", écrivait Al-Watan, l'un des trois titres avec Al-Tahrir et Al-Masry al-Youm à ne pas publier d'éditoriaux.

il faut dire que les rapports entre les Frères musulmans et la presse privée sont marqués par la méfiance, sur fond de soupçons d'une volonté de la confrérie de mettre au pas les journalistes qui lui sont hostiles.

Yacine K./AFP

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Commentaires (2) | Réagir ?

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kamel benzine

Un diable remplace un diable.

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Aghioul Amchoum

Lors du 6ème congrès du "Parti de la Nation" en Égypte, le secretaire Aïz disait (je traduit de l´arabe) :

"Il a tort celui qui pense que ces gens là vont respecter les lois civiques et démocratiques car les hérétiers d´ El Morchid (le fondateur des Frères Musulmans en Égypte) , une fois au pouvoir, vous nous dicter ce qu´ils racontent entre eux: *Ton vote sera unique car tu n´auras plus l´occasion de voter une fois qu´on sera en place*.

Une fois au pouvoir, ces gens là ne vont pas nous tracer une ligne économique mais une démocratie qui est la leur et qu´ils définissent eux-même: une seule source d´information, le coran. Un seul dieu, Allah. Une tenue unique, celle portée au temps de Mahomet. Une seule justice, celle du coran. Une seule manière de pensée: celle qui ne laisse penser en dehors de l´islam".

Quelques jours après ce "show" en direct, le secrétaire Aïz a été assassiné chez lui.