Le pouvoir en Algérie : comme sur un champ de mines

Abdelaziz Bouteflika
Abdelaziz Bouteflika

"Dans le mieux, il est difficile de faire mieux ; mais dans le pire, il est toujours facile de faire pire". Curnonsky (illustre chef français)

Il n’est pas besoin de chercher le pays qui s’en fout comme de sa dernière chemise de l’éducation de ses enfants. C’est celui qui instruit aux futurs adultes le faux et l’usage du faux par la preuve des "qualifications" qui ne vont pas au-delà de l’apprentissage des manières pas toujours sereines de consommer les revenus pétrogaziers. Si tant est qu’après l’école, le collège et le lycée, le seul créneau dans les études supérieures "nationalement" viable reste l’Ecole nationale d’administration. Pour y accéder après une licence excellemment notée et un rude concours, il faut aller ramer auprès de hautes instances pistonneuses. Parce que cette institution didactique garantit la pérennité d’un Etat, d’une société et d’un individu, qui a horreur du concept de l’entreprise créatrice de richesses.

Les besoins sans limites du pouvoir

Selon de sérieux et patriotes conseillers pédagogiques, la dernière grève illimitée, instiguée par les syndicats autonomes de l’Education, a fait moins de mal aux enfants algériens scolarisés que la double confrontation cosmique Egypte-Algérie pour le compte de la qualification du mondial de l’Afrique du Sud. Pendant que des écoles crevaient de froid par manque de chauffage dans les classes, la République, pour l’enjeu d’un ballon circulant entre vingt-deux jeunes gaillards, crâne bourré de patriotisme fétide qui ne triomphe que dans le factice du monde arabe, sauf le Liban, auquel on pourrait ajouter tout dernièrement la Tunisie – pour au moins avoir couru sur les pas de son président tyrannique les jambes à son cou fuyant pour sauver sa peau – dépense-t-elle une fortune pour un pont aérien et des facilitations de voyage pour le seul objectif de soutenir une équipe approximative mais qui porte un maillot aux couleurs nationales qui avaient besoin de rapide gloire afin d’assouvir les besoins intimes du président en lutte pour un mandat éternel.

Mais revoilà la République dans le même ridicule, sinon pire, revenue expliquer aux citoyens la gravissime importance d’une consultation législative, au point de saper le tiers des programmes pédagogiques. Et d’hypothéquer les examens du brevet et du baccalauréat. Les ministres et les hauts fonctionnaires s’en fichent parce que leurs proches ne sont pas concernés – même s’ils le sont ils ne risquent pas les mauvais débouchés, la traîne dans les carrières, publiques ou privées ; la famille, surtout après le 10 mai, détient les libellés, les carnets des bonnes adresses pour les meilleures chefferies et les plus sûres occupations d’espace gratifiant à l’intérieur du pays ou auprès des ambassades.

L’autorité sur l’irrationnel

Dans la précipitation avec laquelle il a été fixé la date du vote, d’aucuns ont imaginé une connaissance de la cause managériale faisant sans nul doute faire profiter les populations de quelque aubaine précise restée maintenue dans le secret gouvernemental, dans le genre, par exemple, que le Renseignement ait analysé le bien-fondé du moment propice du déroulement pour le bienséance de la nation. C’est-à-dire ce "moment mort" de l’ouvrable national qui ne perturberait pas la fonction de l’Etat et des citoyens. Tu parles…

La gouvernance en Algérie habituée à la faillite de la pensée rationnelle – pour tout juste dire qu’elle ne se donne pas le temps nécessaire à réfléchir le présent devenant, traiter une perspective cohérente – elle n’a pas les moyens de se fendre dans une arithmétique du temps associé aux responsabilités vis-à-vis de l’environnement social : elle n’ignore pas que les communautés ne lui font pas confiance. Que quels que soient les projets qu’elle présente, elle ne dispose pas d’arguments de ralliement pour se sentir rassurée. Le pouvoir en Algérie est en cela le toupet par excellence, l’audace incarnée d’agir non seulement contre le sens commun mais contre le bon sens aussi. Qui dans le monde trouve-t-il normal que des enfants sortent pour deux semaines de vacances, reprennent-ils les cours pour sortir en fin d’année même pas quatre semaines après ?

L’ordre établi sur le devenir explosif

Ce sont les situations de subit empêchement à la tête par la maladie handicapante, le décès, le cas du coup d’Etat populaire, qui donnent lieu à de la précipitation causant des désagréments, au demeurant fort compréhensifs. Les trente-cinq millions d’Algériens ne semblent pour l’instant pas avoir un Léviathan exterminateur qui leur court après pour décider de saboter le devenir scolaire de leurs enfants, pour la simple raison d’aller élire des citoyens qui n’ont absolument rien de particulier par rapport à l’entité grégaire qui garnit, pour l’exemple, les cafés maures, les cours des cités de banlieue ou les couloirs de bureaux où l’on parle beaucoup plus d’avantages que de rendement. Sinon par le trop-plein de déficience en foi patriotique, de quelque obédience idéologique qui soit, indispensable et comptable pour fonder une troupeau parlementaire applaudissant tous les faits accomplis.

Ce pouvoir de l’empressement, de la hâte dans le discours et la geste politiques, cet ordre de l’accéléré est plus du ressort du ludique ou du pathologique – même les réactions à quelque chantage de puissance virulente peut être considéré comme affectation déstabilisante - que du concert de l’acte sérieux qui a besoin de recul concerté et mûrement réfléchi. C’est plus que de la fuite en avant devant les vraies responsabilités dans la mission de sauvegarder les biens et les libertés publiques, comme le droit à l’éducation et son respect, c’est, dans les termes de la faillite générale, l’abandon de la mesure humaine qui consiste à ne pas aller dans les arguments qui démontrent que les manœuvres pour conforter le pouvoir sont plus importantes que l’enclin à la dignité.

A moins que ce soit plus grave encore, sous l’emprise de l’incompressible soif du règne, une espèce de plaisir malin assaillant capable de faire adorer dessiner des plans d’action sur des champs de mines.

Nadir Bacha

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Commentaires (10) | Réagir ?

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omar attourki

tous les peuples en Algérie ont le droit a l'existance, les touaregs, les targuis, les beni-M'zabes, les H'madas, les R'guibets, les imazighens se sont tous des territoires riches ils pourraient y vivrent sans besoin de venire en Europe pour mendier aux services sociaux...

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madjid ali

Esperons que ça va peter bientôt

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