Mali : les Touareg avancent et les putschistes de plus en plus isolés

Les putschistes maliens.
Les putschistes maliens.

Ce n’est pas tout de réussir un coup d’Etat, il faut savoir gérer la situation d’après. Ce que manifestement ont du mal à faire les putschistes maliens.

Alors que l'armée dit avoir repoussé l'attaque d'une rébellion au nord, la communauté internationale veut le retour du régime déchu. La junte au pouvoir au Mali était dimanche 25 mars plus que jamais sous la menace de la rébellion touareg au nord, et subissait les foudres d'une classe politique largement réunie et de la communauté internationale, après le putsch contre Amadou Toumani Touré.

Ansar Dine brouille les cartes

Quatre jours après le coup d'Etat contre "ATT", tous les regards étaient tournés vers Kidal, une des plus importantes villes du nord-est. "Aujourd'hui (dimanche) nous avons repoussé une attaque des rebelles islamistes", a déclaré sous couvert d'anonymat un responsable militaire à Kidal. "Nous sommes proches de Kidal", a rétorqué un cadre du groupe islamiste touareg Ansar Dine, sans confirmer ni infirmer un assaut. Ansar Dine (partisans de l'islam), l'une des branches de la rébellion, a affirmé samedi qu'il s'apprêtait à prendre la cité.

Cependant, le MNLA dément toute implication des islamistes dans leur mouvement. Dans un communiqué signé Bakaye Ag Hamed Ahmed, et rendu public hier dimanche "le Mouvement National de Libération de l’Azawad tiens à démentir les articles de presse mondiale qui font état de présence de mouvement islamistes et terroristes aux côtés de ses combattants. Le Mouvement National de libération Nationale de l’Azawad informe qu’il cerne toutes les trois capitales régionales de l’Azawad et l’offensive continuera pour déloger l’arme malienne et son administration de toutes les villes restante."

Plusieurs agences de presse reprennent les accusations d’officiels maliens et assènent, depuis le début de la révolte touareg, à coups d’affirmations sans preuve que les terroristes d’Aqmi se sont alliés au MNLA. Des déclarations que le mouvement Azawad dément à chacune de ses sorties, mais la machine médiatique mise en branle pour lui accoler l’étiquette islamiste est d’une redoutable efficacité si tant est que ces dépêches sont reprises in extenso.

La junte acculée au dialogue

La chute de Kidal serait un coup de tonnerre, alors que les putschistes emmenés par le capitaine Amadou Sanogo ont accusé le président renversé et leurs chefs d'incompétence sur ce dossier. Le chef de la junte a invité les rebelles touareg à des discussions sans délai pour un processus de paix. "La porte est ouverte", a-t-il lancé samedi.

Le chef d'une milice combattant aux côtés de l'armée dans le nord, ainsi que huit de ses compagnons, ont été tués dimanche par des rebelles touareg dans la région de Gao, selon des sources concordantes. "Le coup d'Etat va aggraver le drame du peuple malien", déjà confronté à une crise de déplacés et réfugiés en raison de la rébellion, a estimé de son côté à Nouakchott le chef du Haut commissariat de l'ONU pour les réfugiés (HCR), Antonio Guterres. Des dizaines de milliers de personnes ont fui les zones de combats, au Mali et dans des pays voisins.

A l'extérieur, le front anti-junte ne faiblit pas. Alger a dénoncé en premier le coup d'Etat. Et la France, ex-puissance coloniale, est revenue à la charge. Paris a exhorté ce week-end le capitaine Sanogo, via son ambassadeur à Bamako Christian Rouyer, "au retour à l'ordre constitutionnel", à s'en "tenir au calendrier électoral" prévoyant le premier tour de la présidentielle le 29 avril et à ouvrir "rapidement les frontières", a déclaré dimanche le ministre de la Coopération, Henri de Raincourt. Un calendrier improbable cependant eu égard à l'évolution de la situation.

Sans nouvelle d'ATT

Aucune nouvelle du président déposé. La rumeur le donnait réfugié à l'ambassade des USA puis avec des Bérets rouges. Le capitaine Sanogo assure qu'il va bien. Quatorze personnalités du régime déchu arrêtées et détenues au camp de Kati, QG du nouveau pouvoir près de Bamako, ont entamé dimanche une grève de la faim, selon un proche d'un détenu. Dans un bref message transmis à l'AFP, elles estiment leurs "droits élémentaires violés".

Sur le plan politique, le Comité national pour le redressement de la démocratie et la restauration de l'Etat (CNRDRE, junte) est aussi dans une position délicate. Une soixantaine de partis, dont plusieurs formations majeures, et d'organisations de la société civile ont annoncé dimanche la création d'un "Front uni pour la sauvegarde de la démocratie et de la République" (FUDR).

L'Assemblée nationale (147 députés) dissoute par les putschistes a condamné "sans réserve" le coup d'Etat et exigé "le rétablissement de l'ordre constitutionnel normal".

Toutefois, Solidarité africaine pour la démocratie et l'indépendance (Sadi), seul parti d'opposition à l'Assemblée (trois députés), a créé le "MP22", le Mouvement populaire du 22 mars, favorable aux mutins. La junte s'efforçait de dissiper une tenace impression de flottement en multipliant les déclarations. Après les pillages commis par des militaires aux premières heures du putsch, elle a "invité tous les porteurs d'uniforme à rejoindre les casernes".

Bamako a repris un peu de vie dimanche, jour traditionnel de mariage. Des unions ont été célébrées dans divers quartiers, tandis que des habitants allaient faire leurs courses dans les commerces ouverts. Les nouvelles autorités ont appelé à reprendre le travail mardi.

S.A./AFP

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