Témoignage

Témoignage

Abdessemed El-Hadi A la vérité, je ne voulais pas intervenir dans ce débat qui me fait revenir onze ans en arrière. C’est le post de Samirac qui m’a décidé. J’ai lu et relu le billet de Benchikou, j’ai lu et relu les posts de Twiger, Hocinov, Massinissa, Boudjemaâ, Kacem Madani, et je me suis relu : j’avais écris la même lettre au Matin, en décembre 1999 ! Exactement la même ! Déroutée, anxieuse, stupéfaite avec ce titre : « A quel jeu jouez vous, M. Benchikou ? » J’y disais : pourquoi Le Matin, seul contre tous, s’obstinait-il à critiquer Bouteflika et la Concorde Civile, alors que des démocrates de renom comme Saïd Sadi, Redha Malek, Leila Aslaoui, Miloud Brahimi et même les généraux sont pour Bouteflika et la Concorde civile ? Vous voulez une guerre civile pendant vingt ans encore ? »

A la différence de Twiger, Hocinov, Massinissa, Boudjemaâ, Kacem Madani, ma lettre n’avait pas été publiée. Je suis allé voir Benchikou dans son bureau de Hussein-Dey. Il était avec le chroniqueur SAS. Il m’a dit que des lettres comme la mienne, il en recevait une centaine par jour : toutes pour Bouteflika et la Concorde Civile ! Il m’a dit que même dans sa rédaction, des journalistes ne comprennent pas la ligne dure du Matin. « Nous sommes isolés, M. Abdessemed. Entre le jeu des généraux, la ruse de Bouteflika et les stratégies personnelles de nos leaders démocrates, nous sommes isolés, nous passons pour des boutefeux, des écervelés…Mais je maintiendrai le cap autant que mes forces me le permettront…Après, je ne sais pas ! » Je l’ai relancé : « Et ma lettre ? » Il m’a répondu : « Je ne la publierai pas, nous sommes suffisamment isolés comme ça » Il m’avait montré un quotidien du jour qui publiait une interview de Nourredine Ait-Hamouda qui disait : « C’est à cause du Matin que les terroristes refusent de se rendre. Ce journal persiste à parler des attentats. Il les encourage. » Il m’a dit : « Vous voyez, nous sommes déjà devenus les ennemis de nos amis… Tout ça, c’est les stratégies personnelles de nos amis démocrates…» Je lui ai demandé de quelles « stratégies personnelles » il parle. Il m’a dit : « Tous ! Chacun espère être ministre ou ambassadeur…Tous prennent les directives des Tagarins… » Je n’étais pas convaincu. Il m’a raconté qu’à deux reprises, il avait veillé avec Saïd Sadi jusqu’à 5 heures du matin, à la veille du Conseil national du RCD. Sadi lui a fait lire, en exclusivité, le texte qui allait être adopté le lendemain par le Conseil national. La première fois, en février 1999, pour appeler au boycott des présidentielles qui allaient désigner Bouteflika, la seconde fois, quelques mois plus tard, pour appeler à l’alliance avec Bouteflika ! Sadi lui aurait dit : « Il faut se faire une raison, Mohamed, ils sont là pour longtemps, il ne faut pas qu’on termine dans une chambre de bonne à Paris… » A la fin, il m’a dit : « Il faut protéger Sadi contre lui-même. Il est prêt à tout pour être ministre des affaires étrangères. Faisons en sorte qu’il ne termine ni dans une chambre de bonne à Paris ni dans les bras de Bouteflika…Il faut éviter que le pouvoir utilise le RCD contre nous…Nous perdrions le RCD et notre combat contre l’intégrisme » On s’est quitté en mauvais termes. Je l’ai taxé de censeur. Il n’a rien dit. J’ai cessé de lire Le Matin. Je parlais comme Kacem Madani, comme Twiger…

Puis les évènements se sont précisés, la vraie nature de Bouteflika, la main tendue aux terroristes qui n’en finissaient plus, les évènements de Kabylie, les positions scabreuses du RCD et des démocrates…J’ai beaucoup réfléchi à la notion de « stratégie personnelle »…Je dois le reconnaître maintenant : Benchikou ne nous a jamais trompés. Il nous a excédés, mais jamais trompé. Je l’ai revu à la dédicace de son livre, à la librairie des Beaux-Arts. Il venait de sortir de prison. Il ne se rappelait pas de moi. Ni de notre rencontre. Alors, M. ou Mme qui signez Samirac, je comprends ce que vous ressentez quand vous écrivez : « M. Benchikou, je suis certain que vous êtes sincère mais il y a quelque chose qui ne va pas dans votre démarche, et je veux comprendre. » J’ai écris ça il y a onze ans. Aujourd’hui, j’ai réalisé que Benchikou n’est qu’un simple journaliste. Un journaliste-écrivain. C’est tout. Un journaliste qui n’a pas le mépris de ses lecteurs. Il soigne ses articles dans la forme, mais aussi dans le fond. Il remue la plume dans la plaie, et nous, je commence par ma modeste personne, nous on n’aime pas ça. Nous avons nos confortables certitudes, nos petites illusions, nos idées prêts-à-porter : « Bouteflika est le sauveur de l’Algérie », « Le RCD porte-drapeau du combat démocratique » etc…C’est pratique, ça nous permet de rêver, de passer nos week-end tranquillement, jusqu’au jour où l’on s’aperçoit qu’on tourne en rond. Où en est-on depuis vingt ans ? On refuse de se poser les bonnes questions, celles qui font mal. Ils sont quelques uns, avec Benchikou, à les poser pour nous. Benchikou parle moins du RCD que de la stratégie insidieuse du pouvoir qui récupère tout à son profit. Kacem Madani se demande pourquoi Benchicou est « obsédé » par le RCD. Peut-être parce qu’il considère qu’il est le parti le plus à même de diriger le combat démocratique. Qu’en est-il aujourd’hui ? Le RCD porte-drapeau du combat démocratique ? Sans doute. Mais au seul profit des Algériens ? Qui oserait l’affirmer ? Est-ce sacrilège que de dire que le RCD a mis souvent son aura, notre soutien (le vôtre, messieurs Twiger, Hocinov, Massinissa, Boudjemaâ, Kacem Madani etc) comme monnaie d’échange pour des « stratégies personnelles » ? Est-ce sacrilège que de rappeler le rôle du RCD dans la « tromperie Bouteflika » ? Combien sommes-nous à avoir applaudi à avoir applaudi à deux mains parce que Sadi s’en est porté garant ? Est-ce sacrilège que de rappeler le rôle du RCD dans la main tendue aux terroristes et le mauvais coup porté sur le dos des familles victimes du terrorisme ? Nous avait-il consultés, messieurs Twiger, Hocinov, Massinissa, Boudjemaâ, Kacem Madani, avant d’aller faire ses tractations avec Bouteflika ? Est-ce sacrilège que de rappeler le rôle du RCD dans la tromperie de 2004, quand Sadi, trompé par les généraux, répétait dans ses meetings « Je jure sur Dieu que Bouteflika ne passera pas » et que nous avions été nombreux à le croire jusqu’au jour où l’on s’est réveillé avec Bouteflika président ? Benchikou a fait son auto-critique. Est-ce que Sadi a fait la sienne ? Pour ne plus recommencer… Nous avait-il consultés, messieurs Twiger, Hocinov, Massinissa, Boudjemaâ, Kacem Madani, avant d’aller faire ses tractations avec les Tagarins ? Est-ce sacrilège que de rappeler le rôle du RCD dans l’affaiblissement du mouvement des archs en Kabylie ? Et, surtout, est-ce sacrilège que de rappeler le rôle de « la stratégie personnelle » de Sadi dans l’affaiblissement du RCD lui-même ? A qui appartient le RCD : aux généraux, aux puissants du pouvoir, à Sadi ou à la société ? Voilà les questions que pose Benchikou. Où sont les cadres fondateurs du parti ? Et ceux qui se sont mouillés, comme vous, M. ou Mme Samirac ? Et les anciens du MCB ? Imaginons ce que serait, aujourd’hui le RCD avec cette armature et l’appui des masses ! Ahmed Ouyahia aurait-il osé l’interpeller ?

A ce que j’ai compris du texte de Benchikou quand il parle de « maison close », c’est pour dire que ce n’est ni la place ni le rôle du RCD dans cette APN à jouer aux faire-valoir, à être inscrit dans une parodie (sans doute à son insu), à guerroyer avec les apparatchiks du système. Son destin était ailleurs, bien plus noble…Mais il l’a raté !

Boudjema interpelle Benchikou et lui demande quelle proposition il a en dehors de ses critiques acerbes. Mais elle est là, la proposition : récupérer le RCD pour le combat démocratique, pour la société, l’arracher aux « stratégies personnelles » et aux puissants du pouvoir, et même à l’ambition de Sadi ! Ce que je pense avoir compris de Benchikou, c’est que tant qu’il ne reposera pas sur les masses, et exclusivement sur les masses, le RCD s’affaiblira de jour en jour. Voilà la proposition de Benchikou depuis ce jour où il m’a reçu et qu’il m’a dit à la fin : « Il faut protéger Sadi contre lui-même. …Il faut éviter que le pouvoir utilise le RCD contre nous…Nous perdrions le RCD et notre combat » Il faut compter sur nous-mêmes, M. Boudjema ! Cette société a besoin d’un grand parti démocrate. Que ce soit le RCD, tant mieux ! Mais lequel ? Maintenant, il y a un autre moyen de vivre : jeter le thermomètre, insulter Benchikou et vivre avec la fièvre et ses hallucinations pendant vingt autres années…

Cordialement et tous mes regrets d’avoir été si long.

Abdessemed

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Commentaires (22) | Réagir ?

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samir

malgré la determination, l'importance de la dite date 12 /02/2011, nos attentes demeurent toujours loin d'être realiser. contrairement a ce que l'air tunisien nous inspéré de même pour le cas dse l'egypte.

une absence que certaincalifient de reussite, mais reelemnet que l'envoeux ou non "est un vrais désastre, depoint de vu personel et même politico-actuel".

quand le système cessera de dire, mon algérie et l'algérie sera a ces fils. en d'autre mots "que ce qui empêche les algèriens de se reveiller.

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Amagday

Le RCD et le FFS sont "entrain de pousser un âne mort" avec leur stratégie "nationale" stérile et suicidaire. En kabyle ces deux partis "kkaten avêhri s uâazzag !" En un mot l'alternative démocratique est majoritaire en Kabylie et ULTRA-MINORITAIRE chez nos voisins arabes. Voilà la réalité que beaucoup d'algériens font semblant d'ignorer. Un peuple minoritaire ne peut "imposer" la démocratie à la majorité qui la combat. Les carottes sont cuites pour l'Algérie. Seule une Kabylie libre peut contribuer à une démocratisation du reste du pays, mais tant que nous sommes ligotés aucun progrès n'est possible, ni pour la Kabylie, ni pour l'Algérie.

Vive la Kabylie libre !

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