Ramdane Youssef Tazibt (PT) : "Ce qui s’est passé le 4 mai est tout sauf une élection"

Ramdane Youssef Tazibt.
Ramdane Youssef Tazibt.

Ramdane Youssef Tazibt, réélu député d'Alger et secrétaire national du PT. Figure de proue du Parti des travailleurs, il répond ici avec franchise sur les législatives dernières et la situation du pays.

Le Matindz : Ce n’est pas la première fois que vous prenez part à une législative. Quelles leçons pouvez-vous tirez de la dernière ?

Ramdane Youssef Tazibt : La première leçon, c’est le rejet quasi général du scrutin du 4 mai dernier par les citoyens, travailleurs, jeunes, cadres…. Ce rejet traduit une défiance à l’égard du régime obsolète et des deux partis qui dominent les institutions élues depuis deux décennies.

La politique mise en œuvre par le gouvernement particulièrement depuis 2015 avec les lois de finances 2016 et 2017 qui ont accablé la majorité de la population, a accentué la crise de confiance entre le gouvernement et la majorité du peuple. A ces régressions sur le plan social (détérioration brutale des conditions de vie de la majorité du peuple, chute libre du pouvoir d’achat, augmentation du taux de chômage, réduction drastique des budgets sectoriels, gel des salaires, gel des recrutements dans la fonction publique, gel de milliers de projets…), s’ajoute une régression terrible sur le plan politique avec l’intrusion de l’argent sale dans la sphère politique.

Les lois antisociales, antiéconomiques et antinationales (code d’investissement, retour aux privatisations des entreprises publiques, cadeaux fiscaux et parafiscaux au profit de l’oligarchie…) adoptées par la majorité parlementaire constituée par le PFLN et le RND, ont été perçues par la majorité des citoyens comme des provocations à l’égard de la nation.

L’épisode singulier de l’adoption de la contre-réforme des retraites (suppression de la retraire proportionnelle sans condition d’âge) et ce malgré son rejet par l’intersyndicale (13 syndicats autonomes) et la base de la centrale syndicale UGTA, a montré davantage le caractère anti-démocratique de l’APN, le mépris du gouvernement à l’égard de la majorité et sa mise ou service exclusif des intérêts de la minorité.

L’image des syndicalistes, venus de tout le pays, rassemblés à la Grande Poste (Alger) le jour même de l’adoption de la loi scélérate, interdits de manifester, ignorés sous les ordres du gouvernement, la majorité parlementaire constituée par PFLN/RND qui a voté la loi, est symptomatique du décalage qui existe entre le peuple et les institutions censées le représenter.

Faut-il rappeler que les députés du PT, ce jour-là, ont rejoint le lieu du rassemblement des syndicalistes pour protester avec les travailleurs. Ils ont empêché l’arrestation de dizaines de syndicalistes par les forces de police déployée en nombre ce jour-là. Une fois le sit-in a pris fin, les députés du PT ont rejoint la plénière où ils ont dénoncé la loi et voté contre.

Le boycott citoyen massif des législatives est significatif à plus d’un titre. Il exprime une colère profonde et un mécontentement généralisé contre la politique régressive sur tous les plans, sur le plan social comme sur le plan politique, mise en œuvre par ce gouvernement.

Le Matindz : Le PT est passé de 24 sièges à 11. A quoi est dû ce recul selon vous ?

Par quoi peut-on mesurer ce prétendu recul ? Par le nombre de sièges ? Déjà en 2012, le PT a été spolié de plus de 2/3 de ces sièges obtenu aux élections législatives. Peut-on très sérieusement prendre les 11 sièges qui nous sont attribués, en attendant le verdict de conseil constitutionnel, pour référence montrant la place du PT alors que la fraude était quasi générale.

Non, il y a aucun recul du PT. Au contraire nous sommes la première force politique présente sur le terrain de manière permanente. Nous nous exprimons et intervenons de manière indépendante sur tous les sujets qui concerne le pays et la majorité de la population.

Nous recevons, accompagnons tous les jours syndicalistes, travailleurs, jeunes, étudiants… qui luttent pour la préservation de leurs acquis ou pour la satisfaction de leurs revendications.

La population laborieuse reconnaît le PT comme le Parti qui défend ses intérêts. C’est à ce titre que nous sommes sollicités en permanence par les citoyens en détresse et/ou par différentes catégories de la population qui se battent pour leurs droits.

Nous avons mené une campagne électorale politique de clarification qui a suscité un énorme intérêt auprès de la population (y compris les abstentionnistes). Ce n’est pas par hasard que les citoyens ont fait une lecture politique pertinente des résultats électoraux qui nous ont été attribués, à savoir que ceux qui ont voulu réduire notre représentation à l’APN se sont vengés du PT par rapport à son combat notamment les mesures anti nationales et anti sociales contenues dans la loi de finances complémentaire 2015 et les lois de finances 2016 et 2017 qui institutionnalisent l’austérité pour la majorité et le pillage des deniers publics par la minorité.

Les auteurs de cette fraude ne supportent plus de voir un groupe parlementaire agir avec un certain succès pour les intérêts de la nation et de la population laborieuse.

Pour parler de recul ou d’avancée il faut qu’il y ait des élections libres transparentes, le respect scrupuleux du libre choix des électeurs. Or ce qui s’est passé le 4 mai dernier est tout sauf une élection.

Dès les premières heures de la matinée de ce scrutin, nous avons enregistré des agissements frauduleux dans tout le pays. Walis, chefs de daïra, présidents d’APC, chefs de centres de vote… ont agit pour faire monter le taux de participation (bourrage des urnes…) et faire élire le maximum de candidats de PFLN, du RND, des partis de l’allégeance et parfois d’« indépendants».

Des milliers et milliers de bulletins PT ont été volontairement déchirés lors du dépouillement et donc invalidés (15000 dans la seule wilaya de Skikda). Des contrôleurs du PT ou appartenant à d’autres partis politiques de l’opposition ont été expulsés des centres de vote (Oran, Annaba….) et ils leurs ont interdits de récupérer les procès-verbaux de dépouillement des urnes.

L’argent sale a coulé à flot pendant la collecte de signature à la candidature, durant la campagne électorale et le jour du scrutin où les voix des électeurs se monnayer aux alentours immédiats des centres de vote au vu et au su de tout le monde. Malgré nos protestations énergiques, toutes nos démarches pour arrêter la mascarade ont été vaines.

Devant l’ampleur de la fraude, le Président de la très officielle Haute instante de surveillance des élections, A. Derbal, a parlé de "faits graves qui risquent de remettre en cause la crédibilité du scrutin".

Lors des dépouillements à Alger et dans la majeure partie des wilayas, le PT a occupé la 1re, 2e et 3e place. Mais à la faveur de la nuit et à l’heure fatidique (supplémentaire) accordée aux électeurs pour aller voter, les chiffres ont été triturés de façon à obtenir les résultats scandaleux que nous connaissons.

C’est ainsi qu’a été fabriquée une carte politique artificielle institutionnelle avec l’hégémonie des deux partis du gouvernement saupoudré de partis de l’allégeance.

Le Matindz : Croyez-vous que la politique de quotas a été pratiquée au dernier scrutin ?

On ne peut même pas parler de quotas. C’est un coup de force et une énorme provocation contre la population. Car ni les résultats proprement dits ni le taux de participation ne sont exacts.

Vraisemblablement les fraudeurs aux niveau des wilayas n’ont pas répondu aux mêmes centres.

Ça diffère d’une wilaya à une autre avec tout de même un même objectif, celui de faire élire les partis du gouvernement et se l’allégeance. Partout le PT à été ciblé. Sans oublier que dans la foulée des sièges ont été offert à certains partis qui ont adopté d’ailleurs une position de silence assourdissant par rapport à la fraude.

Le Matindz : Quelle légitimité à cette assemblée avec un taux de participation qui voisine les 35% si l’on en croit les chiffres officiels ?

C’est une APN qui est illégitime. Entre 80 et 90% des électeurs ont boudé les urnes pour dire au régime et aux partis qui dominent le parlement : ça suffit !Nous avons appelé à l’annulation du scrutin dans la majeure partie des wilayas en raison des fraudes avérées. C’est une APN qui risque de mettre en danger le pays car elle est issue d’un coup de force. C’est ce qui a amené la Secrétaire Générale du PT, Mme Louisa Hanoune, a parlé de relents putschistes. (A suivre)

Entretien réalisé par Hamid Arab

Lire la suite : Ramdane Youssef Tazibt (PT) : "Que viennent faire des hommes d'affaires dans l'Assemblée ?" (II)

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Commentaires (7) | Réagir ?

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algerie

merci

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youcef hamidi

merci pour les informations

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