Législatives 2017 : le RCD et le FFS peuvent-ils mettre fin à leur bouderie ?

L'épreuve de l'urne et ses risques de manipulations attend les partis en 2017.
L'épreuve de l'urne et ses risques de manipulations attend les partis en 2017.

La mutation politique, culturelle, économique que la majorité des Algériens appelle de ses vœux ne se fera ni par le glaive, ni par décret, ni par le jeu électorale dans sa forme actuelle et encore moins par l’attentisme ou la division.

Il va falloir, sans plus tarder, mobiliser le plus grand nombre, réconcilier les acteurs souvent fâchés sur des sujets qui ne sont plus d’actualité, regrouper les familles politiques pour clarifier les débats, pour rompre la droite ligne qui nous mène tous vers le suicide collectif.

Un compromis pour combattre la compromission

Mettre en compétition de vrais projets de société peut redonner de l’énergie combative, des raisons d’espérer à une société, notamment à la jeunesse que le pouvoir a précipité sur une pente déceptive effroyablement abrupte. Même si l’on a l’habitude de constater que les jeux sont faits d’avance, il restera toujours quelque chose d’une joute électorale. C’est une tribune et c’est la petite différence qui fait la différence comme le dit l’Américain Robert Dilts.

Depuis l’indépendance à ce jour, toutes les forces sociales sont victimes du système clanique et véreux en place. Mais elles peuvent collectivement trouver intérêt à s’y opposer résolument et à saisir les opportunités de changement à toute échelle où elles peuvent le faire comme pour les législatives de 2017. Il n’y est pas question de croire au miracle, encore moins de partager un quelconque gâteau et il ne s’agit pas non plus de s’unir béatement. Il s’agit, dans un premier temps, de rétablir la confiance et de trouver un jeu d’alliance intelligent. Certains commencent déjà à s’y préparer. En effet, selon le quotidien Liberté du 18 novembre 2016, "le FJD et Ennahda, ou encore le nouveau venu sur la scène politique, le MCN El-Bina, y travaillent d’arrache-pied". Ils ont bien raison de le faire.

Mais qu’en est-il des forces démocratiques ou tout au moins modernistes et particulièrement du FFS et du RCD ? A écouter leurs discours, ces deux Partis auxquels il faut adjoindre les Autonomistes du Manifeste pour la Kabylie se retrouvent sur tous les sujets essentiels susceptibles de sortir le pays de l’impasse : réforme radicale de l’école où tamazight, le français et la science trouveront une place appropriée ; valorisation des compétences ; égalité homme-femme ; indépendance alimentaire ; refondation drastique de l’Etat ; séparation des pouvoirs ; medias libres ; justice indépendante ; décentralisation avec une régionalisation courageuse notamment attribuer un statut particulier pour la Kabylie et pour les régions qui le souhaitent ; réorientation géopolitique majeure, etc. De tels changements (et d’autres) considérables et salutaires que FFS et RCD appellent de leurs vœux, aucun Parti à lui seul ne peut y parvenir, aucun mais il est pourtant à portée de main en cas d’intelligence collective. A portée de main parce qu’ensemble ils peuvent influer plus fortement, plus positivement.

L’heure est venue de reconstruire le pays sciemment dévasté par les dirigeants civils et militaires en place depuis 1962. Leur but permanent est de se maintenir au pouvoir pour poursuivre leur vie tranquille de parasite. "Le système Ben Bella-Boumedène a apporté pénurie, arrogance, cloisonnement et Etat militaro-policier, le système Chadli-Bouteflika a généré gabegie, corruption généralisée, népotisme et marchandisation des rapports sociaux" (1). Malgré des richesses considérables en pétrole, en gaz et en ressources humaines, le pays a sombré dans la régression politique, économique, culturelle et cultuelle. C’est cette anomalie que les démocrates de tout bord ont tenté de combattre depuis des décennies. Mais l’échec était d’avance annoncé tant ce courant semblait ne s’entendre que sur un point : sa dispersion.

L’heure est venue de se réconcilier, de recoller les morceaux. Le temps est venu pour comprendre que le présent ne s’envisage pas sur les sources exclusives du passé mais qu’il se construit sur la base du futur. La priorité doit être accordée au bien-être de nos enfants, de nos petits enfants, de nos arrière-petits-enfants. Ces générations qui vont nous succéder seront fières de trouver les traces positives de ce qui aura été bâti ensemble. Elles prendront la mesure des responsabilités de ceux qui auront œuvré à la cohésion des élites politiques dans le compromis pour combattre la compromission.

Sortir du règne des passions éphémères

La divergence entre ces élites n’est pas politique ou si divergence il y a, elle est particulièrement minime. Elle est, en réalité, d’ordre psychologique, d’où la nécessité de briser la glace au plus vite. Chacun doit faire l’effort de maitriser sa susceptibilité, chacun doit modestement ramener son nombril à sa juste dimension, chacun doit pouvoir panser ses blessures y compris, et sans doute surtout, ses blessures narcissiques pour entrevoir une démarche prospective. Il faut penser ensemble la société de demain, se servir des douleurs passées comme des facteurs de résilience. Le retour de la confiance est un carburant indispensable. Elle seule peut balayer les faux-semblants, les calculs sordides, les rigidités, les dénigrements et les rancœurs. Ces recommandations ne résultent pas d’un ordre moral, pas du tout. Elles marquent les convictions d’une démarche stratégique exprimées, en privé, chez la majorité des militants actuels ou anciens du FFS et du RCD que je rencontre en Algérie comme en France.

A entendre les uns et les autres, on aboutit inévitablement au même constat. Tout le monde se plaint, tout le monde relève les effrayants dégâts causés par le système en place. Tout le monde est conscient qu’il faut serrer les rangs pour espérer affaiblir le système. Bien sûr je ne crois pas que des listes communes soient possibles à confectionner dès l’échéance prochaine. Ce qui serait pourtant l’idéal. Mais un petit pas peut être fait dans le bons sens. Cela peut se traduire d’une manière simple : en dehors de Tizi-Ouzou et de Bgayet (Béjaïa) où les deux Partis possèdent une assise forte et peuvent y mesurer le degré de leur implantation réciproque, partout ailleurs il faut se partager les circonscriptions à défaut de présenter ces listes communes qui paraissent aujourd’hui inaccessibles aux dires des uns et des autres. Partout ailleurs il faut faire front aux candidats du système qui accélère l’effondrement du pays et combattre en même temps les islamistes qui cultivent une ambiance de mort offrant à notre jeunesse un état de deuil permanent avec comme seule perspective le bonheur dans le tombeau !

Ce changement de démarche pourrait nous sortir du règne des passions éphémères, des appétits provisoires et des postures qui ne mènent nulle part. Bien sûr il y a des barrières à un tel projet, bien sûr il y a des fossés énormes à combler. Mais maintenir la course suicidaire qui a prévalu jusque-là, elle emporterait, tel un tsunami, tous ceux qui s’abreuvent encore un peu de l’espoir démocratique, d’un idéal terrestre. Nul ne sera épargné. Mais si le changement de cap a lieu, l’histoire retiendra que des hommes qui, jusque-là, se regardaient en chiens de faïence, auront décidé de coopérer avec courage pour affranchir le pays d’un système archaïque qui a travesti son histoire, qui a détruit sa diversité culturelle, méprisé l’opposition, bâillonné journalistes et intellectuels, étouffé la vie dans l’œuf. Alors, et seulement alors, l’Algérie pourra accompagner le monde qui bouge, le monde qui vit une rupture politique refondatrice.

Hacène Hirèche (universitaire et consultant)

(1) Hacène Hirèche "Quel avenir pour l’Algérie et quelle place pour la Kabylie. Et autre propos d’un universitaire militant". Editions Guraya dz. (2015)

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Commentaires (16) | Réagir ?

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thameur chelali

Merci

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thameur chelali

http://virtuelcampus. univ-msila. dz/fmi

Merci

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