Amar Saadani, la maladie de Bouteflika et la recomposition à venir

Abdelaziz Bouteflika.
Abdelaziz Bouteflika.

La violente sortie, le 5 octobre dernier, d'Amar Saadani a laissé plus d'un observateur perplexe. Deux semaines plus tard, il se voit obligé d'annoncer sa démission.

Que s'est-il passé entre le 5 et le 22 octobre ? A la première date, C'était un Saadani, arrogant, suffisant, plein d'assurance qu'on avait entendu porter de bien gravissimes accusations contre plusieurs anciens responsables. Samedi, c'est un SG du FLN, un rien aigri, qui présente sa démission aux membres du comité central. Tout un chacun sait qu'en Algérie, un homme comme Amar Saadani ne se serait jamais permis des attaques aussi frontales contre Mohamed Mediene, l'ancien patron du DRS, et l'ancien premier ministre, le barbefln Belkhadem.

Amar Saadani a été "actionné" pour tirer sur ces individus. A quelle fin et pourquoi ce 5 octobre quand on sait que les deux hommes ont été écartés du pouvoir par le clan Bouteflika ? Cette sortie serait l'attaque de trop. Amar Saadani et ces donneurs d'ordre auraient perdu de vue qu'ils n'étaient pas seuls au pouvoir.

Il y aurait de profondes divergences parmi les héritiers du pouvoir, selon El Khabar. Des divergences qui font que désormais le FLN n'est plus le seul "porte-parole" de la présidence, comme il le fut un certain moment. Le journaliste parle de recomposition du centre du pouvoir. Il en veut pour preuve les affirmations d'Ahmed Ouyahia qui contredisent Amar Saadani et cette phrase d'Amar Ghoul, sénateur du tiers présidentiel, qui avancent que "les frères coalisés" ne prennent pas leurs ordres du "même bord du pouvoir". Ce qui sous-entend une lutte de clans au sein des cercles aux affaires.

Deux éléments sont avancés. Jusqu'à récemment, Abdelaziz Bouteflika et son clan ont réussi à neutraliser l'armée en créant une scission entre l'Etat-major et le DRS. L'affaire de l'attaque de Tiguentourine aurait été déterminante dans l'issue de la lutte au sommet que menait Abdelaziz Bouteflika contre le général major Toufik Mediene. Ce dernier éliminé et envoyé à la retraite, le clan s'est cru tout permis. On se souvient des outrances lancées et entendues ici ou là, l'emprisonnement de généraux, etc. Voire même les attaques contre le premier investisseur privé, Issad Rebrab pour l'intimider. Dans le désordre, une espèce de lutte feutrée a vu le jour aussi au sein du clan sur qui va remplacer Bouteflika à El Mouradia. Chakib Khelil, reçu en grande pompe qui fait sa tournée des zaouïas, Amar Saadani qui prend de plus en plus de place dans l'espace politico-médiatique...

Le quidam est tenté de se poser la question : où est le sens de l'Etat dont nous rabat les oreilles Bouteflika depuis des lustres ? Nulle part.

L'Armée et les services entièrement remaniés observaient sans mot dire. Qui ne dit mot consent, pourrait-on dire. Que non ! La tournure des événements aurait commencé à agacer les généraux Gaid Salah et Bachir Tartag. C'est dans ce contexte que s'inscrivent les dernières déclarations d'Ahmed Ouyahia et Amar Ghoul. Ces deux hommes se sont positionnés à l'opposée de Saadani.

En réponse aux déclarations d'Amar Saadani, le SG du RND dont on connaît la proximité avec l'armée, a lancé : "Quand certains parlent j’espère qu’ils n’oublient pas que derrière une personne, il y a des milliers d’agents, des officiers, sous-officiers et des djounouds. Ils sont aussi de l’armée nationale populaire. J’ai déjà répondu sur Ghardaïa, je ne suis pas d’accord avec le dernier discours". Voilà qui signe le désaccord franc entre les deux. Quelques jours plus tard, Amar Ghoul prend le relais et accuse même Saadani de "semer de discorde". Puis de préciser : "Les partis politiques qui s’attaquent à des personnalités et qui remuent le passé sont des perturbateurs. Ils veulent semer la zizanie et déstabiliser le pays".

Si, il y a quelques jours encore, Amar Saadani se montrait droit dans ses bottes et déterminé à rester à la tête du FLN, samedi, il annonçait, contre toute attente, sa démission. Et "la désignation" surprise de Djamel Ould Abbès prouve si besoin est que rien n'est encore applani dans les sphères de décision. Ould Abbès est là juste pour chauffer le siège en attendant le prochain véritable patron et la désignation de celui qui sera désigné comme le candidat du pouvoir.

En vrai, cette nomination pose plus de questions qu'elle n'en résout. Elle souligne, au passage, une cristallisation dangereuse du pouvoir au sein de la tribu de Tlemcen. Faut-il rappeler outre Ould Abbès, deux noms Mourad Medelci (conseil constitutionnel), Abdelkader Bensalah (Conseil de la nation) à la tête de deux institutions stratégiques, sont natifs de cette région. Sans oublier les nombreux ministres, walis et autres huiles qui, à la faveur des quatre mandats de Bouteflika ont tenu ou tiennent encore les postes les plus sensibles du pouvoir.

Mais il y a encore plus troublant : ces soutiens traditionnels du clan comme Amar Benyounès qui parlent d'un cinquième mandat pour Bouteflika alors que le quatrième est à peine à sa moitié. Est-ce raisonnable d'évoquer une candidature d'un homme âgé de 79 ans particulièrement très diminué ? Pourquoi cette fièvre subite qui monte ?

Alorsque la crise frappe à la porte du pays, était-il nécessaire de remettre au centre des préoccupations actuelles la candidature d'un homme malade qui ne parle plus aux Algériens et ne fait plus de sorties publiques ? Ou y a-t-il une élection présidentielle anticipée qui se dessine pour 2017 ? Pour ajouter du mystère, le désormais Sg du FLN vient de se fendre d'une déclaration énigmatique : "Les Algériens doivent s'attendre à une grande annonce pour bientôt".

Quel spectacle ! Quelle désolation !

Au milieu de ce fatras, fruit de nombreuses incertitudes et d'une conduite des affaires de l'Etat de plus en plus problématique, il y a une certitude : le système n'est pas prêt à lâcher du lest et le renouvellement de la classe dirigeante attendra. A moins...

Yacine K.

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Commentaires (6) | Réagir ?

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thameur chelali

Merci

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fateh yagoubi

وتلك الأيام

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