Et puis il y eut Cologne,...

L'affaire des viols à Cologne pose questions.
L'affaire des viols à Cologne pose questions.

Nous l’avons vue naître, cette plume, puis grandir très vite, s’aiguiser et prendre de l’assurance.

Parfois trempée dans l’acide, et parfois tendre d’amour. Concise, mais percutante. Insolente. Dérangeante. Et nous en fûmes fiers parce que, justement, ‘’elle était née chez nous’’. Le Verbe, dans son esthétique et sa profondeur. La notoriété méritée. Nous avons un peu grincé des dents quand les billets commencèrent à s’écrire d’un café au Sénégal, d’une terrasse au Vietnam, d’une chambre d’hôtel à New-York, ou de derrière une vitre à Bruxelles par mauvais temps, mais nous nous sommes dit qu’il fallait bien que ‘’jeunesse se fasse’’. Et puis, soudain, Cologne. L’Allemagne de Merkel, généreuse, qui ouvre ses portes aux damnés de la Terre plus grand que la France toujours frileuse. Par une nuit de St-Sylvestre, froide et joyeuse. Le viol. Cent, ou deux cents, ou davantage, on ne sait pas. Les migrants, les nouveaux ou les anciens, d’autres gens, on ne sait pas non plus. La plume s’anime, accuse et s’acharne. Le ciel se froisse, puis se déchire. Stupéfaction. Silence. Doute. Est-ce bien de la même plume qu’il s’agit. Le faux-pas qu’il ne faut pas faire quand on est célèbre, et qui a donné motif à jouissance au ‘’gang des 19’’ (des chercheurs, se dirent-ils).

Relecture. L’évidence qui engendre la déception, puis la colère et l’indignation, le sentiment d’avoir été trahis par l’un des nôtres. Comment se tromper à ce point ? Un viol reste ce qu’il est, un outrage fait à une femme par usage de la force, l’œuvre d’un voyou, d’un délinquant, et qui mérite châtiment. N’entre en compte ni son statut ou sa couleur, ni sa nationalité ou sa religion. Le viol est une lâcheté qui se commet dans un métro parisien, dans un parc aux Etats-Unis, ou à plusieurs dans un bus en marche en Inde. Il est le problème qui se pose à la femme depuis la nuit des temps. Comme celui d’être battue. Il se pose quel que soit le régime du pays où il se produit, dans les démocraties, comme les dictatures ou les monarchies. Il est le drame éternel de la femme, quelle que soit sa couleur ou son pays, elle aussi, son âge ou son statut. On a récemment violé une camerounaise à Oran, et malgré la plainte de cette dernière, la justice s’est honteusement cachée dans sa robe noire. On a violé une journaliste française en Egypte, en collectif, lors de la chute de Moubarek. En France, on ne compte pas les viols par des blancs, suivis parfois de l’assassinat des victimes. Et si l’on devait ajouter les abus sur mineurs de l’armée française au Mali, ou des faiblesses de F.Mitterand (qui fut ministre de la culture) pour les éphèbes thaïlandais, le tourisme sexuel au Maroc ou en Egypte, le débat serait infini. Mais les journalistes sont payés pour rapporter les faits, et la justice pour sévir. Cependant, bien qu’il s’agisse d’un événement grave et répugnant, ce qui s’est passé à Cologne entre dans ce qu’en ont fait les hommes : une insupportable banalité. On peut s’en émouvoir (et on doit s’en émouvoir), mais il faut s’en émouvoir tout le temps, et partout où cela se produit. C’est comme lorsqu’un attentat terroriste a lieu : en France, il génère Charlie, en Algérie, pendant plus d’une décennie(en fait jusqu’à nos jours), il n’a suscité que de l’indifférence. Alors, la question demeure : pourquoi un écrivain renommé, primé au Goncourt, a-t-il jugé nécessaire de s’en saisir? Et avec cette forme qu’on ne lui connaissait pas ? La question cause perplexité, embarras et déception. Nous aurions tant aimé de lui, par exemple, et particulièrement pour cette nuit de la St-Sylvestre, qu’il nous charme, comme il sait le faire si bien, de la comparaison entre ces femmes blondes allemandes, repues et habillées de chaud, fêtant l’événement dans l’allégresse, la bière et le sexe consenti, et ces migrantes terrées dans des tentes, le ventre à peine apaisé et grelottant de froid, angoissées, terrifiées par la promiscuité imposée au milieu de centaines de migrants mâles. Quelque chose qui perfore les cœurs, et nous fait nous attendrir sur ces nigériennes qu’on voit dans nos rues. Oui, un cri qui interpelle les consciences européennes sur ces migrantes qui ne sont pas venues de leur plein gré, mais qui ont fui le cauchemar de la guerre dans leurs pays, abandonnant leurs biens, ayant traversé des terres et des mers dans des chaloupes de fortune et vu la mort emporter le petit Aylan, rançonnées par des passeurs impitoyables, observées par des gardiens européens dans les douches, souvent malmenées et victimes d’attouchements ( lire dans la Tribune de Genève ‘’Le calvaire des migrantes sur la longue route de l’Europe’’, par Cathy Mecherel, en date du 19 janvier 2016). Des guerres, faut-il le rappeler, créées par les américains et les européens. Non, notre écrivain, lui si plein de lucidité, a pris le sujet par un angle surprenant, et préféré philosopher sur le désir et l’interdit. C’est dommage, et c’est même révoltant, car il y avait là une occasion, et une formidable occasion, d’accuser non pas le migrant, mais la cause qui a fait de ces gens des migrants, car c’est bien là le vrai problème. Laisser la loi allemande traiter le cas des violeurs (tant pis pour eux, personne ne songera à s’apitoyer sur leur sort), et pointer du doigt l’hypocrisie des occidentaux. ‘’L’asile du corps’’, c’est parce que l’Occident est le premier responsable de ce qui se passe en Afghanistan, en Irak, en Libye et en Syrie, que cela doit devenir un droit ; ajouter, en concomitance, "l’éducation des âmes" est déraisonnable car, tout adulte est responsable de ses actes, dans son pays, et surtout en terre étrangère, et donc passible de condamnation s’il transgresse les lois en vigueur. Il faudrait, nous semble-t-il, commencer à écrire pour démystifier l’Occident, dans ce domaine précisément où notre sympathique chroniqueur trouve sa prédilection, à savoir le corps féminin ; différencier entre l’américaine lambda et les actrices d’Hollywood, ne pas confondre la française moyenne avec les mannequins de Chanel. En faire des femmes ordinaires que leurs petites libertés ne prémunissent pas contre l’hégémonie des hommes.

Au fond, peut-être que l’auteur de ‘’Meursault, contre-enquête’’ a raison de vouloir se consacrer dorénavant à la littérature, car la chronique est dangereuse. Quand à l’idée émise récemment d’un comité de soutien en sa faveur, elle est tout simplement, et franchement, saugrenue. Quoi, devrions-nous, par patriotisme, lui donner le statut de la Palestine ‘’dhalma aou madhlouma’’. Le soutenir contre qui, l’impérialisme, la main étrangère, ou seulement contre ses propres démons?

Bacha Ahmed

universitaire

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Commentaires (2) | Réagir ?

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Ahmed Reggab

En somme, Monsieur Bacha, ce que vous demandez à Kamel Daoud pour mériter votre respect, c’est de faire partie du troupeau, de cette masse sans couleur qui rend responsable l’Occident de tout ce qui arrive dans les pays arabes et musulmans, de ces groupes qui hurlent, à chaque occasion, à partir d’Alger, qu’ils soutiennent la Palestine « dhalma ew madhlouma », et qui, je suppose, sortent l’épouvantail du séparatisme chaque fois que la Kabylie se rebelle ou qui font les sourds et les muets lorsque les Mozabites se font assassiner.

Ce que vous voulez c’est que Kamel Daoud verse dans la prose misérabiliste, qu’il vous mette en parallèle les « Allemandes repues et au sexe consenti (peut-être vouliez-vous dire consentant) » et ces pauvres migrantes grelottant de froid et de peur dans leurs tentes de fortune.

Peut-être savez-vous, Monsieur, que ces migrants, avec tous les risques et les difficultés qu’ils savaient avoir à affronter, ont préféré l’Europe aux pays musulmans, la Turquie, la Jordanie, dans lesquels ils se sont retrouvés après avoir fui la Syrie ou l’Irak. Peut-être aussi, pouvez-vous expliquer pourquoi les Européens doivent faire intervenir les navires de l’OTAN pour essayer de réduire le flot des migrants puisque ces derniers sont si malheureux de se retrouver de l’autre côté de la mer Egée ?

Et si nos écrivains, comme vous le souhaitez, renonçaient à écrire ce qu’ils écrivent pour rejoindre cette belle unanimité dont le programme se borne à dénoncer, à l’infini, l’hypocrisie des Occidentaux, qui mettra en évidence notre hypocrisie à nous et qui nous fera toucher du doigt les immenses tares que nous portons et qui nous condamnent à être les éternelles victimes de l’Histoire? L’Islam, avec tous les archaïsmes et les conceptions rétrogrades dans lesquels il nous enferme, est notre boulet, qui nous empêche d’accéder à la modernité comme sont en train de le faire tous les peuples de la Terre. De même qu’il est à l’origine de tous les déchirements que vit le monde musulman depuis une vingtaine d’années.

Et d’ailleurs, pourquoi le chaos en Syrie et en Irak ? Vous savez, bien sûr, qu’il y a, en premier lieu, les Etats-Unis et certains pays européens (rappelez-vous, la France a refusé de participer à l’invasion de l’Irak !) ; cela tout le monde le sait, mais il faut aller plus loin, plus profond, à la racine du problème; ce que vous ne faites pas mais que Kamel Daoud a le courage de faire. En 1992, le FIS nous disait « l’Islam est la solution », aujourd’hui, Kamel Daoud, comme Boualem Sansal, nous dit « l’Islam est le problème», un Islam devenu objet de surenchère, revendiqué dans son intégralité par le wahabisme d’Arabie Saoudite, réclamé par les mollahs de la théocratie iranienne et disputé par toutes les autres factions, des frères musulmans d’Egypte à Boko Haram au Nigéria.

Si Bachar El Assad était loin d’être un enfant de chœur et si les portes de l’enfer ont effectivement été ouvertes par les Etats-Unis en 2003, l’embrasement actuel du Moyen-Orient est essentiellement le résultat des rivalités malsaines et hypocrites à l’intérieur du monde musulman : l’Arabie Saoudite qui veut voir partout triompher sa doctrine rétrograde et l’imposer par le sang et la terreur, l’Iran qui cherche à faire barrage à l’Arabie Saoudite pour asseoir sa propre hégémonie et s’affirmer comme puissance régionale, la Turquie qui rêve de reconstituer l’Empire Ottoman avec, à sa tête, le sultan Erdogan, sans oublier ce nouveau venu, Daesh ou EI, qui lui ne rêve ni plus ni moins que de faire revivre le califat, comme au temps des Abbassides !

Vous refusez de décerner à Kamel Daoud le statut de la Palestine. Grand bien vous fasse, Monsieur! Pour ma part, je considère que c’est l’émergence de personnalité ayant le talent et surtout le courage de Kamel Daoud qui permet encore l’espoir dans ce pays que nous appelons l’Algérie.

Ahmed Reggab

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Massinissa Umerri

Merci pour la forme, et domage pour le fond. Particulierement, tout le passage quote' a la fin de ce commentaire.

Pour commencer, notons qu'aucun des interpelle's n'est ne' en Kabylie, meme si je concois que y figurent, certainnement, des Kabyles Arabise's - mais pas necessairement. Le lot des DITS agresseurs, provient de gens au statut politique de "refugie' politique. " - certainnement via les parents.

En ce qui concerne les Algeriens, il s'agit du "FIS en Exile", malgre' leur reconcialiation avec le regime. Le standing de vie ne venant pas avec cette reconcilaiation, ils preferent celle (reconcialiation avec le COFAR.

La cause Kabyle, n'etant pas encore officiellement reconnue, c. a. d. non-officielle, elle n'a pas de statut, tout comme les Kabyles.

Le point qui a echappe' a KD est la, a mon avis. Il fallait chercher permis les acuse's, ceux qui s'exprimaient en Allemand, car rapportent-on, les aggresseurs etaient Germanophones. Pour avoir comme 1ere langue l'Allemand a 20-25 ans, il fallait etre ne', ou avoir appris l'Allemand a l'ecole elementaire, en Allemagne et entre 1990 et 1995. De quelle Surate ou quel evenement/calendier de la Hijr, la St. Sylvestre est derive'e?

S'il y avait un endroit ou cela devait se produire, c'est certainnement l'Allemangne ou la Russie, pas les Scandinaves, avec leurs drapeaux tous portant une CROIX, mais ces mauvais Chretiens Allemands, qui s'interdisent tout language moraliste/religieux dans les ecoles et institutions, ou le fantasme d'effacer leur passe'-recent en l'occultant.

Le rapport fille-garcon, c. a. d. la matiere-premiere ou la commodite' de l'entreprise religieuse (generique). Or, l'education morale, dans les democraties occidentales et, en Alemagne, revient aux parents et la communaute' - ou ces rapports sont observe's et appris moyennant des "faut | faut pas". C'est presque l'equivalent des Boeurs de france, qui vandalisent pas leurs potes (personnes prive's de meme statut citoyens avec peut-etre meme meme lit et docteur de naissance (clinique) Francoise, mais les symboles publiques.

Bref, ces jeunots, dans leur comportement expriment l'expression de l'exercise du patriotisme. En France il datent de quelques generations et mure/naturel, alors qu'en Allemagne il est recent et artificiel.

Etre refugie' islamiste, c'est etre un terroriste desactive'/controller. Ni ressource, ni travail. Tout a la charge de la societe', incluant l'education des enfants. Je ne suis pas sur qu'il y ait eut de viol, mais du CALLAGE, a GOGO ! Les Homos Allemands devaient etre enrage's. Pour les autres Maroc-Algerie, c'est de la diplomatie officieuse, c. a. d. qu'elle aboutira dans l'emergeance du tourisme, comme un nouveau secteur.

Une chose est sure, ou est la responsabilite' et des Americains et des occidentaux ? et surtout des guerres mene's par les USA ? Ils C'est vraiment la condamnation AUTOMATIQUE des USA. Il y a un dicton Anglais qui dit "Doomed if you do, doomed if you d'on't !".

Particulierement ce passage: " Des guerres, faut-il le rappeler, créées par les américains et les européens. " - Je suis desole', mais il ne creent RIEN. Ils supportent, la volonte' exprime'e et demontre'e, des locaux. Et seuls les Islamistes alignent le discours et l'action. Voila donc, la reponse d'un Americain a votre diagnostic: "... C’est dommage, et c’est même révoltant, car il y avait là une occasion, et une formidable occasion, d’accuser non pas le migrant, mais la cause qui a fait de ces gens des migrants, car c’est bien là le vrai problème. ... "

Mais, conjugaisant votre article et celui de KD, ils en sortira " Chah !, elles auraient dut rester a la maison ou avoir un copain musulman qui les auraient bien calle'e en prive' (comme elles le desirent reellement - sous-enttendu). Dans le votre position (proche de Tarik Ramdan), le Chah demeure et vous l'attribuez au choix par les officiels occidentaux a leur choix de l'interlocuteur.

Faut etre realiste, le probleme de l'Americain est plein d'essence a Christina (la fille) et de cartouches a son papa, pour descendre le moindre loubard qui chercherait midi a minuit. Et j'adhere !

Au passage, le viol n'est pas a SENS UNIQUE. C'est une question de consentement et non de force.

Bouteflika (officiel comme l'offcieux) ont leur argument de la necessite' d'une religion d'Etat, alors que c'est l'inverse qui est demontre'.

"...

Des guerres, faut-il le rappeler, créées par les américains et les européens. Non, notre écrivain, lui si plein de lucidité, a pris le sujet par un angle surprenant, et préféré philosopher sur le désir et l’interdit. C’est dommage, et c’est même révoltant, car il y avait là une occasion, et une formidable occasion, d’accuser non pas le migrant, mais la cause qui a fait de ces gens des migrants, car c’est bien là le vrai problème. Laisser la loi allemande traiter le cas des violeurs (tant pis pour eux, personne ne songera à s’apitoyer sur leur sort), et pointer du doigt l’hypocrisie des occidentaux.

... "