Aït Ahmed : nationaliste supérieur, patriote dans les limites du nationalisme

Ait Ahmed avec les signataires du contrat de Rome.
Ait Ahmed avec les signataires du contrat de Rome.

Au-delà de la disparition de Hocine Ait Ahmed, monument du nationalisme algérien, ce sont probablement de nombreux secrets, non encore éventés, qui viennent d’être scellés peut-être à jamais. Des clefs nécessaires à la compréhension de moments importants d’inflexion de notre histoire moderne immanquablement perdues ?

L’homme, militant précoce de la cause nationale aura traversé aux avant-postes l’histoire tumultueuse de notre mouvement de libération nationale. De la création de l’organisation secrète aux péripéties de l’intronisation du régent Bouteflika, le témoignage de Hocine Ait Ahmed, en l’état actuel de sa publicité, est pour le moins parcellaire sinon sur de nombreux aspects inexistant.

Jusqu’à l’été 1965, il aura fonctionné en binôme, un peu à la Poutine-Medvedev, ou, devrais-je plutôt dire que c’est ce binôme russe qui fonctionne à la Ben Bella-Ait Ahmed. Il n’est donc pas évident d’évaluer quelle étendue mémorielle est ensevelie avec la disparition d’Ait Ahmed, sans l’examen du long parcours commun avec son compagnon. Pilotage de l’OS, gestion de la crise du PPA-MTLD de 1949, survie du démantèlement des réseaux paramilitaires au début des années 1950 ; puis cet enfoncement lourd de conséquences dans les intrigues du Caire, notre Casablanca.

L’épisode carcéral de la prison de la Santé, n’est certainement pas l’intermède qu’il peut paraître et il n’est pas en reste pour ce qui est des secrets à jamais ensevelis. A l’indépendance, c’est le fameux coup de force de l’été 1962 contre les institutions nationales de l’intérieur et de l’extérieur. Là, le lien se relâche entre les deux compères, mais se rompt-il ? Il se raffermit juste avant le coup d’Etat, après qu’ils se soient fait la guerre. Les "évènements", doux euphémisme, les sépareront pour deux décennies avant qu’ils ne se retrouvent à Londres en 1985 pour échouer à s’ériger en incontournable représentation de l’opposition au gouvernement. Qu’est ce qui fait qu’ils affichent longtemps une certaine distance, puis qu’ils se retrouvent chez les prêtres de saint Egidio aux côté du FIS ?

Au nombre des secrets sellés, figurent l’évasion d'Aït Ahmed de la prison des 4-Hectares et l’exfiltration à partir de Maison Blanche. Il y a aussi les liens suivis avec certains secteurs des milieux sécuritaires du régime, et, plus tard, avec les dirigeants de l’islamisme dans ses segments séditieux ou entristes. Sans oublier le rôle de l’internationale socialiste dans les phases les plus récentes de notre histoire. "Le combattant", "pacifiste" a-t-il eu le temps, la volonté et le désir d’écrire ses mémoires ?

Son itinéraire peut à lui seul illustrer la complexité de la jeune mais tumultueuse histoire moderne algérienne. Incontestablement, il est un historique, au sens de la part qu’il a prit dans l’engagement et la conduite du combat pour l’indépendance ; mais aussi au sens de son inscription dans son époque, donc nécessairement dans les limites de celle-ci et de son personnel politique, celui d’une étape.

Que l’homme, authentique algérien, supérieur dans les rangs nationalistes et patriote dans les limites même de ce nationalisme, repose en paix. Que son œuvre puisse un jour faire l’objet d’études sereines et fécondes.

Mohand Bakir

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