Torture, enlèvements : la Libye plongée dans le chaos, selon Amnesty

Un milicien libyen.
Un milicien libyen.

Notre nouveau rapport, intitulé Rule of the gun: Abductions, torture and other abuses by militias in western Libya, indique qu'il est probable que des groupes armés aient exécuté sommairement, torturé ou soumis à d'autres formes de mauvais traitements des détenus se trouvant sous leur responsabilité, et prennent pour cible des civils en raison de leurs origines ou de leur loyauté supposée à un parti.

De même, des images satellite montrent que des combattants de tous les camps au conflit font preuve d'un mépris total pour les vies civiles, effectuant sans discernement des tirs de roquette et d'artillerie contre des zones civiles densément peuplées.

Dans la Libye d'aujourd'hui, la loi des armes a pris racine. Groupes armés et milices sont devenus incontrôlables. Ils lancent des attaques sans discrimination dans des zones civiles et commettent des violations de grande ampleur, notamment des crimes de guerre, en toute impunité».

Hassiba Hadj Sahraoui, directrice adjointe du programme Moyen-Orient et Afrique du Nord d'Amnesty International

Des images satellite montrent les dégâts considérables causés à des biens civils dans la région de Warshafana, notamment à l'hôpital Al Zahra, qui a essuyé d'intenses tirs de roquettes. L'Unité de soins intensifs de l'hôpital de Zawiya a également été touchée par une roquette qui a blessé 10 personnes, dont des médecins, des infirmiers, des patients et des visiteurs.

La Libye plongée dans le chaos

Des dizaines de civils ont été enlevés par des groupes armés à Tripoli, Zawiya, Warshafana et des villes des monts Nafusa, et retenus otages parfois jusqu'à deux mois dans un contexte de multiplication des attaques en représailles, du fait de leur ville d'origine ou de leurs affiliations politiques supposées. Dans certains cas, des civils ont été enlevés afin d'être utilisés dans le cadre d'échanges de prisonniers.

Des résidents de Tripoli, originaires de Zintan, ont déclaré à nos chercheurs que les milices d'Aube de Libye avaient mené des «chasses à l'homme» en frappant à toutes les portes afin de saisir des personnes en fonction de leur appartenance tribale ou de leurs affiliations politiques présumées. Cela fait trois ans que les autorités libyennes s'abstiennent de demander des comptes aux milices, ce qui a enhardi celles-ci et perpétue leur impression d'être au-dessus des lois».

Hassiba Hadj Sahraoui

La communauté internationale a en grande partie fermé les yeux sur le chaos dans lequel la Libye a sombré dans les années qui ont suivi le soulèvement de février 2011, même si la Cour pénale internationale reste compétente pour enquêter sur les crimes de guerre et crimes contre l'humanité commis dans le pays depuis lors. Étant donné que personne n'est tenu de rendre des comptes, il est probable que la situation des droits fondamentaux en Libye continue à s'aggraver.

Tortures et autres formes de traitements

Un grand nombre de personnes ayant été victimes d'un enlèvement nous ont dit à qu'elles avaient été torturées ou soumises à d'autres formes de mauvais traitements - et avaient notamment été frappées à l'aide de tubes en plastique, de bâtons, de barres ou de câbles métalliques, avaient reçu des décharges électriques, été suspendues dans des positions douloureuses pendant des heures, avaient gardé les yeux bandés et des menottes pendant des jours, été privées de nourriture et d'eau, et forcées à endurer de mauvaises conditions d'hygiène.

Un chauffeur de poids lourd, enlevé par un groupe armé à Warshafana parce qu'il vient de la ville de Zawiya, a déclaré que ses ravisseurs l'ont battu à coups de barre de fer et lui ont infligé des décharges électriques avant de l'asperger de carburant et de menacer d'y mettre feu.

Journalistes, militants, membres de communautés, cibles des milices

Depuis juillet, au moins 287 000 personnes (selon le Haut-commissariat des Nations unies pour les réfugiés) ont été déplacées à l'intérieur du pays par des attaques menées sans discrimination et à cause de la crainte d'être visées du fait de leurs origines ou affiliations politiques présumées. Craignant pour leur vie, quelque 100 000 autres ont dû fuir le pays.

Des dizaines de journalistes, militants de la société civile et défenseurs des droits humains ont quitté la Libye ou sont entrés dans la clandestinité, se sentant de plus en plus en danger face aux menaces à répétition et aux attaques des milices. Selon Reporters sans frontières, au moins 93 journalistes ont été pris pour cible au cours des neuf premiers mois de 2014.

Des membres déplacés de la communauté tawargha - soupçonnée de longue date par de nombreux Libyens d'être pro-Kadhafi - sont également parmi les individus pris pour cible par certains groupes armés ; des dizaines d'entre eux ont été enlevés depuis août, et un de leurs camps a été visé par des attaques en représailles.

L'ensemble des milices et des groupes armés doivent relâcher immédiatement et sans condition toute personne enlevée simplement en raison de ses origines ou affiliations politiques. Les commandants doivent clairement signaler que la torture et les autres formes de mauvais traitements ne seront pas tolérées, et exclure de leurs rangs tout individu soupçonné d'avoir été impliqué dans de tels actes.

A.I.

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Commentaires (2) | Réagir ?

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gestion

MERCI

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Khalida targui

c'est l'Algerie des années 90 quoi