Libye : les miliciens s'affrontent sur fond de luttes politiques

La Libye ne relève pas encore de l'emprise des milices.
La Libye ne relève pas encore de l'emprise des milices.

Les combats autour de l'aéroport de Tripoli se poursuivaient mercredi ainsi qu'à Benghazi, deuxième ville de Libye, où l'entrée en fonction du nouveau Parlement a été fixée au 4 août, dans l'espoir de mettre fin au chaos dans lequel s'enfonce le pays.

La Libye est secouée par des affrontements armés entre milices depuis quelques semaines avec en arrière-plan, des luttes d'influence politique pour le contrôle du Parlement. Car il est manifeste que les Libyens, sevrés d'exercice politique par le règne de Kadhafi font pour le moment plus parler les armes que le langage politique. Les islamistes qui semblent avoir perdu leur influence sur le parlement entendent ne pas se laisser faire et ramènent les luttes sur le front armé. L'aéroport de Tripoli est fermé depuis le début le 13 juillet. Des combats entre milices rivales y ont fait au moins 47 morts et 120 blessés, selon un dernier bilan du ministère de la Santé publié samedi soir.

Rien ne va plus entre les anciens rebelles qui ont chassé l’ancien dictateur Mouammar Kadhafi du pouvoir. Dans la nuit de mardi à mercredi, le gouvernement de transition a lancé un nouvel "appel urgent à un arrêt immédiat" des combats pour permettre aux autorités de fournir l'assistance aux civils dans le secteur. Mais les affrontements se sont intensifiés mercredi. Des explosions étaient entendues depuis le centre de la capitale et des colonnes de fumée visibles au dessus du secteur de l'aéroport, selon un correspondant de l'AFP.

"Des roquettes ont atterri sur plusieurs habitations et plusieurs familles fuyaient les combats", a raconté à l'AFP un habitant, Mohamed Farhat. Sa maison, sur la route de l'aéroport, a été touchée par une roquette. Ces affrontements, les plus violents à Tripoli depuis la chute du régime de Mouammar Kadhafi en 2011, ont éclaté après une attaque menée par un groupe armé composé de combattants islamistes et d'ex-rebelles de la ville de Misrata (200 km à l'est de Tripoli) qui tente de chasser de l'aéroport les ex-rebelles de Zenten (170 km au sud-ouest de Tripoli), anciens compagnons d'armes.

Les affrontements ont provoqué des dégâts à l'aéroport ainsi qu'à une douzaine d'avions des compagnies nationales, dont trois ont été ravagés par le feu. Les pertes sont estimées à "plusieurs centaines de millions de dollars", selon une source aéroportuaire. Ainsi Air Algérie a interrompu ses dessertes en direction de la Libye.

Les voisins, l'Algérie et la Tunisie craignent des débordements de violence à partir de la Libye voisine. A Alger, comme à Tunis, on n'ignore pas que les autorités libyennes n'ont aucune prise sur des portions importantes du territoire. La région sud qui permet la traversée vers le Sahel et l'Algérie est ainsi le point noir de la sécurité.

Luttes d'influence

Considérés par leurs rivaux comme le bras armé de la mouvance libérale, les ex-rebelles de Zenten contrôlent depuis la chute de Kadhafi en 2011 l'aéroport de Tripoli ainsi que plusieurs autres sites militaires et civils du sud de la capitale.

Pour des analystes libyens, ces combats font partie des luttes d'influence entre régions mais aussi entre courants politiques, au moment où le nouveau Parlement issu des élections législatives du 25 juin, s'apprête à prendre le pouvoir. Selon des élus et des observateurs, les libéraux auraient remporté plus de sièges que les islamistes, qui tentent désormais de marquer des points sur le terrain militaire.

Le Congrès général national (CGN), la plus haute autorité politique et législative du pays, a annoncé mercredi qu'il allait remettre le pouvoir à la nouvelle Chambre le 4 août, selon une décision publiée sur son site. Le CGN a indiqué toutefois que le lieu de la cérémonie ainsi que celui de la première réunion des élus, seront fixés ultérieurement.

En effet, le nouveau Parlement doit siéger à Benghazi, chef-lieu de l'est libyen et bastion de la révolution de 2011, selon une loi adoptée par le CGN. Les élus sont toutefois divisés, certains d'entre-eux refusant de se rendre à Benghazi en raison de violences quasi-quotidiennes dans cette ville.

Traquer les terroristes

Cette semaine encore, les violences à Benghazi ont connu une nouvelle escalade, faisant au moins 43 morts, selon des sources médicales et militaires. Ainsi, au moins cinq soldats ont été tués mardi soir dans un double attentat suicide perpétré sur une base militaire des Forces spéciales dans le sud-est de la ville, selon l'armée. Cet attentat intervient au lendemain d'accrochages meurtriers entre l'armée et des groupes islamistes déclenchés par une attaque meurtrière des milices islamistes contre une caserne.

Wanis Abou Khamada, le commandant des Forces spéciales de l'armée à Benghazi, a promis de "traquer les terroristes où ils sont", appelant toutes les unités militaires de l'est du pays à se joindre à la bataille de Benghazi.

La force de M. Abou Khamada s'était alliée au général dissident Khalifa Haftar qui conduit depuis le 16 mai une opération pour "éradiquer le terrorisme à Benghazi". Les groupes radicaux, dont celui d'Ansar Asharia classé organisation terroriste par Washington, font la loi à Benghazi depuis la chute du régime de Kadhafi et sont pointées du doigt dans plusieurs attaques contre les intérêts occidentaux et des dizaines d'assassinats de soldats.

L.M./AFP

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Commentaires (1) | Réagir ?

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Michel J. Cuny

Bonjour,

Il semble bien que la diabolisation de Muammar Gaddhafi soit une pièce essentielle dans la stratégie visant à masquer, aux yeux du peuple français, certains points d'impact des rapports de force déployés par l'impérialisme occidental depuis la seconde moitié du vingtième siècle jusqu'au temps présent.

Peut-être gagnerions-nous à y prêter attention.

Je vous recommande : www. francoisepetitdemange. sitew. fr

Cordialement,

Michel J. Cuny