Au sujet des prochaines assises de la culture

Alger souffre terriblement d'espaces culturels dignes d'une capitale.
Alger souffre terriblement d'espaces culturels dignes d'une capitale.

C’est en prévision des prochaines assises de la Culture, qu’ont débuté lundi 14 juillet 2014 des rencontres entre le ministère de tutelle et les plasticiens ou professionnels des arts visuels.

Portant sur des préoccupations immédiates, ce dialogue initié sous forme de réunions conviviales a permis aux participants d’évoquer la formation continue des enseignants, la réactualisation des programmes dispensés au sein des écoles régionales des Beaux-Arts d’Alger, notamment celle supérieure d’Alger, les mécanismes de reconnaissance attribuant une meilleure visibilité aux plasticiens, la multiplication des espaces d’exposition. Sur ce dernier point, la nouvelle locataire du Palais Moufdi-Zakaria indiquera à son auditoire que des lieux situés au niveau du Riadh-el-Feth et des voûtes de la place des Martyrs sont résolument à exploiter. Récemment offerte par le wali d'Alger, cette ultime opportunité va dans le sens de ce qu’émettait le 06 octobre 2013 le texte "À propos de la pétition les Abattoirs d’Alger, une aubaine pour l’art : impressions, avis et suggestions d’un sociologue dubitatif". Son auteur invitait alors les rédacteurs du plaidoyer à tourner le dos à une improbable croyance et à "zyeuter" plutôt vers le projet "Alger vit la nuit", ne serait-ce que pour examiner si l’ultimatum de l’Assemblée populaire communale (APC) recommandant la réfection des 450 magasins du centre-ville pouvait entraîner des disponibilités locatives. Les passionnés d’art ou de littérature avaient de la sorte à saisir d’éventuelles vacances, cela d’autant mieux et plus que plusieurs endroits appartiennent encore à l’Office de promotion et de gestion immobilières (OPGI), donc à l’État ou encore aux départements de Mohamed Kebir Addou (le wali d’Alger) qui certifiait en octobre 2012 qu’à «(…) présent, nous sommes aptes à recevoir des artistes de renommée mondiale.». Nous poussions donc les intéressés de tous bords à aller frapper à la porte de son cabinet pour réclamer des surfaces en cessation d’activité afin de les transformer en ateliers, librairies, voire en librairies-galeries, d’échapper par là même à la restriction des circuits promotionnels. Il semble donc que la contribution épistolaire ait connu des échos favorables. Quant aux Abattoirs d’Alger, ceux-ci bénéficient d’un arrêté entériné le 06 mars 2013 conformément aux attributions de la ministre de la Culture.

Publié dans le n°16 du Journal officiel du 23 mars 2014, il classe un édifice «(…) historique, témoin de la période industrielle de l’Algérie, considéré parmi les infrastructures industrielles qui ont contribué à la naissance du quartier d’Hussein Dey» (Art. 2). Considéré "bien culturel", le site est géographiquement identifié comme suit : au nord, immeuble d’habitation, rue Kouadri ; au sud, chemin Fernane Hanafi ; à l’est rue Merbouche Mohamed ; à l’ouest rue Ammoura Abdelkader, soit une étendue de 24.000 m² protégée 200 mètres à partir de ses propres délimitations. Constructions ou interventions sur et dans ses abords immédiats sont par conséquent proscrits afin «(…) de ne pas gêner la visibilité du monument.» (Art. 3.). Ce bien public de l’État (nature juridique) fut géré par un ministère de l’Agriculture et du Développement rural qui dans le délai imparti de deux mois n’a pas présenté d’objections écrites à la responsable culturelle de la wilaya d’Alger (Art. 5.). Cette agent est chargée d’exécuter un décret (Art. 6.) dont les servitudes notifiées par Khalida Toumi au wali d’Alger (Art. 4.) laissent un espoir aux divers prétendants de l'Association "Pour les arts de la cité" (Cit'arts) créée le mercredi 07 mai 2014 à Alger. La zone de protection de l’ex-centre d'abattage ne concernant pas explicitement les aménagements intérieur des anciennes salles ou écuries, elle préserve les vœux pieux ou désidératas de postulants comptant œuvrer via l’étiquette "Fabrique culturelle Dzaïr". Néanmoins, la mesure patrimoniale ne leur accorde à ce jour aucune priorité, comme le démontre par ailleurs l’appui mesuré d’une nouvelle ministre de la Culture soulignant dans le journal La Tribune du 07 juillet 2014 qu’il faut plutôt «(…) réhabiliter les infrastructures sous-utilisées (…) et ne pas se focaliser sur un seul espace». Nadia Cherabi-Labidi a beau avancer que le dit «(…) terrain est si vaste qu'il peut y avoir de la place pour tout le monde», elle sait sans doute que si il échappe aux impératifs fonciers d’entrepreneurs maffieux, c’est la nomenklatura compradore qui fera main basse sur ses principaux locaux, de la même manière qu’elle a raflé les boutiques du Riadh-el-Feth, jusqu’à parfois les détourner de leur affectation initiale. Le pôle historico-culturel les Abattoirs d’Alger conviendrait pourtant à l’organisation d’une réelle Biennale d’art contemporain susceptible de corriger les errements de celles de 1987 et 1989 (à l’époque conditionnées par les référents symboliques du 1er Novembre 1954 ou 05 juillet 1962). Des acteurs culturels compétents devront dessiner un profil discursif mettant à l’épreuve les certitudes d’une dernière venue assurant que «le temps des politiques pensées et appliquées à la base est révolu.», que l’harmonisation de la culture sera «(...) laissée aux artistes pour la mise en place de mécanismes favorisant la création».

C’est précisément sur ce terme galvaudé de "création" qu’insiste régulièrement le Groupe autonome de réflexions sur l'art et la culture en Algérie (GARACA) dont le secrétaire reste Saadi-Leray Farid. Avant de soumettre l’ensemble de ses propositions, ce sociologue tient d’abord à mentionner son incompréhension au sujet des intervenants appelant à la formation de critiques d’art. Cette discipline étant habituellement assumée par des individus forgés sur le long court d’une érudition livresque, elle ne relève d’aucun apprentissage stéréotypé, pas plus d’ailleurs que celle de curateur. Certains prétendent pourtant favoriser l’initiation de commissaires d’exposition dans un pays privé de cette indispensable séquence cognitive qu’est l’histoire de l’art. C’est là une autre aberration soutenue par Mohammed Djehiche et Mustapha Orif, respectivement directeurs du Musée public d’art moderne et contemporain d’Alger (MAMA) et de l’Agence algérienne pour le rayonnement culturel (AARC), une structure administrative devenue un établissement public à caractère industriel et commercial (EPIC). Son budget de fonctionnement demeure depuis opaque alors que des sommes colossales ont été investies dans des productions cinématographiques souvent sans retombées médiatiques et financières, cela au dépend du développement d’autres secteurs toujours privés de publications spécialisées alors qu’un magazine (bimensuel ou trimestriel) sur l’art est parfaitement réalisable, à l’image de la revue marocaine Diptyk. Parmi les communicants convoqués aux prochaines assises de la Culture, certains auront également à expliquer le modus opérande du MAMA, un établissement qui, selon nous, a pour principale prérogative l’installation des balises conceptuelles permettant justement de cerner les locutions incontournables de création et d’artiste-créateur. À contrario, son administrateur maintiendra dans le journal El Moudjahid du 16 décembre 2013 que «(…), franchement, nous n’avons pas de grands artistes d’art contemporain en Algérie.»

Puisque Madame Nadia Cherabi-Labidi soutient par voix de presse qu’elle prendra en compte analyses et critiques constructives, le Groupe autonome de réflexions sur l'art et la culture en Algérie (GARACA) fait connaître ici son souhait d’intervenir efficacement en aval puis en amont des futures conférences nationales sur les arts visuels prévues aux environs de septembre-octobre 2014. Aussi, aimerait-il connaître la liste des membres composant la commission préparatoire censée enregistrer toutes les doléances.

Saadi-Leray Farid, sociologue de l’art et secrétaire du Groupe autonome de réflexions sur l'art et la culture en Algérie (GARACA)

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