Bouteflika crée "une confusion créative" dans le champ politique (2e partie et fin)

Bouteflika jette un voile noir sur l'avenir proche de l'Algérie
Bouteflika jette un voile noir sur l'avenir proche de l'Algérie

Le président assume une grande responsabilité dans le gâchis de Chakib Khelil pour être averti en temps opportun

3- Les spécificités de l’Algérie par rapport aux pays du printemps arabes

Il faut peut être préciser au passage que tous les soulèvements dans les pays dans le cadre de ce qu’on pourrait appeler communément le printemps arabe, ont commencé pour des raisons économiques. L’idée de liberté et de démocratie est venue un peu plus tard à travers un processus communicatif d’échange par le net à travers le monde. L’Algérie n’en fait pas exception à quelques nuances près. En octobre1988, la crise économique due à l’effondrement des prix du pétrole et des cours du dollar ont fortement affecté le pouvoir d’achat des algériens. La grève de Sonacom de Rouiba, l’affaire de l’escroquerie des banques par des fils de hauts responsables ont été les ingrédients suffisants pour un ras-le-bol de la population. En Tunisie, Bouazizi s’est immolé parce que l’extraversion à outrance de l’économie sous le régime Ben Ali a crée une misère qui a fortement humilié la population tunisienne. L’étalement de la fortune des Trabelsi à travers tout le territoire Tunisien devait accélérer les choses. En Libye, la tribu de Maâmar faisait la loi et transférait une part importante de la rente vers l’étranger et à son propre profit. Le déclic de la révolution devait apparaître à partir d’un cas de Hogra au tribunal de Benghazi. L’Egypte de 2010 était au bord de la faillite économique. Les caisses de l’Etat étaient chroniquement vides. Selon un journaliste libre Abdellah Houssam Skandar, vivant actuellement aux Etats-Unis, Moubarak et son équipe réfléchissait sur une possibilité de plantation et de commercialisation de la drogue pour renflouer les recettes publiques. Heureusement qu’il y a eu la révolution de 25 janvier 2011 sinon avec ses 85 millions d’habitants, ce pays aurait pu devenir la plaque tournante du trafique de drogue dans le monde. Avec tout cela, le président se permettait de lancer ses enfants dans la politique pour l’hérédité du pouvoir. En Syrie, les mesures libérales adoptées en 2005 ont eu trois effets négatifs : une augmentation des inégalités sociales ; l’exclusion sociale de plus en plus diffuse dans les banlieues de Damas ; la dégradation des conditions de vie de la population. Au même titre que les autres pays sus- cités, l’étalement des richesses de la famille Assad ont précipité la révolution. La nuance évoquée plus haut est le fait qu’à la différence de l’Algérie, ces pays ont un champ politique rempli.

Il y existe une élite politique. Ses éléments se débattent maintenant dans la recherche de compromis pour relancer leurs économies. Cela peut prendre du temps mais ils y arriveront tôt ou tard. Ce n’est pas du tout le cas de l’Algérie, la scène politique, est amorphe, dominée par le système rentier qui s’agrippe au pouvoir. Ce système est formé d’opportunistes du parti unique et de ses excroissances qui en voulant perpétuer l’ordre établi, refusent, voire même résistent aux changements. Cette configuration contrairement aux autres pays du printemps arabe est largement entretenue dans le cas de l’Algérie par la rente. Le secteur privé encre ses ventouses pour puiser sur la manne financière en profitant d’un marché tout acquis sans aucun effort de marketing encore moins de créativité. Pendant que les citoyens consomment et s’endettent sans penser au lendemain, ces privés préparent leur avenir outre mer à travers des transfert illicites en faisant fondre cette mannes. Les millions de fonctionnaires se sont repliés sur eux-mêmes pour faire « tout » afin récupérer la part qui leur revient de la rente. Les jeunes se confondent dans l’informel, seule voie pour un gain facile. L’effort d’aide des pouvoirs publics aux couches défavorisées à travers le processus de subvention va au bénéfice des habitants des frontières avec les pays voisins dans la contrebande opérée par des Algériens eux-mêmes etc. Personne ne produit et tout le monde est content de son sort d’aujourd’hui sans penser aux générations d’après. Dans cet ordre établi, chacun en définitif trouve son compte. Donc il ne peut y avoir de changement tant que la rente est là pour faire fonctionner le système. C’est pour cela que jusqu’à présent et à six mois de l’échéance électorale, il n’y a pas eu un engouement populaire pour la simple raison que personne n’aspire ou œuvre pour le changement. Très peu de personnalité charismatique a émergé du champ politique avec un programme pour assurer une autre alternative. Les efforts méritoires du Dr. Benbitour n’ont apparemment pas convaincu grand monde et son sociogramme n’est toujours pas bouclé pour des raisons diverses entre autre son appartenance au système par avoir gérer avec l’équipe au pouvoir tout au début. Said Sadi a jeté l’éponge, Hamrouche a disparu de la circulation que reste t-il ? Les autres ne feront que perpétuer le système existant. Pendant que les analystes ici et ailleurs se noient dans les scénarios conflictualistes en ennuyant les citoyens avec leurs clans au pouvoir, Bouteflika qui a compris tout cela, prend sa revanche recouvre sa santé tranquillement et s’accommode en agissant à sa guise.

4- Les raisons logiques qui poussent Bouteflika de rester au pouvoir

Il existe au moins deux bonne raisons logiques qui pourraient expliquer le revirement de Bouteflika pour rester au pouvoir. La première serait qu’il agisse en homme profondément touché dans son amour propre. La presse, la classe politique dans son ensemble n’ont pas été compatissantes lors de son transfert à Val de Grâce et sa convalescence aux Invalides. Les uns ont brillé par leur silence, les autres ont réclamé carrément l’application des disposition constitutionnelles, notamment l’article 88 pour constater la vacance du pouvoir. Il refuse selon toute vraisemblance de comprendre la légitimité populaire de s’inquiéter de la conduite des affaires politiques du pays. Il tentera de démontrer à ses détracteurs qu’il n’est pas rejeté par la population. Comment ? Ses troupes sont convaincues qu’au stade actuel de la configuration politique nationale, dès l’annonce de sa candidature tous les autres prétendants se retireront pour lui laisser la place pour une victoire très large et certainement automatique.

Pendant que les autres concurrents politiques continuent de rêver des élections propres et transparentes, rien que les traditionnels partis politiques alliés au chef de l’Etat, à leur tête le FLN, le RND et le PT auxquels se joindront le TAJ de Amar Ghoul et le MPA de Amara Benyounès, nouveaux satellites de la galaxie présidentielle lui assureront une victoire semblable à celle de 1999 sinon plus. Il ne faut pas oublier les effets des différents comités de soutien qui se multiplieraient dans l’ensemble des wilayas. Ils auront un appui inconditionnel de l’administration local pour faire la fête d’une quatrième victoire comme les scrutins antérieures. La deuxième raison pourrait être liée à son inquiétude des conséquences de son départ de la présidence. C’est un homme politique qui a eu par le passé une traversée du désert de prés de 20 ans suivie de démêlés avec la cours des comptes. Il connaît bien le rouage administratif de l’Algérie, ceux qui applaudissent aujourd’hui lui tourneront le dos une fois parti. Ils justifieront leur attitude par le fait qu’ils sont au service d’un Etat et non d’une personne. Donc, il devient vital de se protéger, lui et ses proches contre d’éventuelles poursuites.

Comment ? En contrôlant l’échéance 2014 pour s’assurer de la docilité de son successeur ou continuer tant qu’il le pourra de rester là où il est. Il faut rappeler qu`à chaque affaire de corruption qui surgit, un de ses proches se trouve cité pour le moment à tord ou à raison (BRC, Khalifa, autoroute est-ouest, Sonatrach I et II etc.). Il assume une grande responsabilité dans le gâchis de Chakib Khelil pour être averti en temps opportun. Il a commencé par signer un décret donnant droit à tout ce monde d’un passeport diplomatique pour les prémunir contre ce qu’ils appellent un règlement de compte mais ces derniers temps de nombreuses affaires ont dépassé les frontières algériennes et ces mesures préventives semblent de ne plus suffir. La mise sous contrôle du ministère de l’intérieur, celui de la justice et les services clés de la DRS lui permettront dans le contexte politique actuel de coopter qui il veut pour le succéder, et ce, dans le cas où il se sentirait physiquement incapable. Il pourrait aussi sans trouver aucune résistance sur le terrain d’allonger de deux ans son mandat en cours. En effet, il s’est absenté de la scène politique depuis plus de six mois mais rien ne s’est concrètement passé, même si on évoque des dossiers bloqués mais tout fonctionne normalement. Le leader politique, Moussa Touati n’a-t-il pas déclaré il y a de cela trois mois que l’appareil fonctionnait mieux sans Bouteflika ? Comment une classe politique qui ambitionne un changement peut-elle «gober » un discours de circonstance en rotation de 180 degrés.

En effet, le gouvernement remanié dit exactement le contraire de ce qu’il disait il y a moins d’un an et il y arrive à obtenir facilement l’adhésion populaire. Ainsi le secteur de l’habitat qui se débattait pour trouver des assiettes foncières afin de satisfaire les demandes de 2001/2002, prétend aujourd’hui avoir livré 1200 000 logements entre 2004 et 2011 et qu’il est en mesure de répondre favorablement aux 900 000 souscripteurs de l’AADL. Le ministre de l’énergie, le 24 février dernier au forum d’El Moudjahid alertait l’opinion publique sur une croissance importante de la consommation interne qui pourrait, si elle persiste sur ce trend de contraindre le pays de basculer d’ici une décennie du state d’exportateur à celui d’importateur net. Son secteur pourrait, selon ses récentes sorties, doubler les réserves des hydrocarbures en une décennie. Début de cet été, face à une légère diminution du prix du baril de notre brut fortement concurrencé sur le marché américain par le pétrole de schiste, le ministre des finances devait briller par son appel à la rigueur pour les équilibres budgétaires. Maintenant, selon lui, même si les prix du baril descendent jusqu’au seuil de 71 dollars, il n’y a aucune crainte pour équilibrer les budgets etc. Ces discours sont très productifs dans notre système social entretenu par la rente pétrolière. Le peu d’Algérien qui ont compris cette situation et pense agir par leur silence en s’abstenant se leurre car abstention ou pas, les comptes y seront.

5- Conclusion

Dans le contexte actuel de la composition du champ politique algérien, il est réellement très peu probable qu’un changement du régime puisse venir par le bas. Celui d’en haut, ne fera que réaménager un changement dans la continuité. Le seul événement qui pourrait créer un déclic pour un changement profond du système serait d’ordre "divin". C’est pour cela qu’au lieu de créer à en perdre le souffle, il vaudrait mieux prier.

Rabah Reghis, consultant et économiste

Lire la 1re partie : Bouteflika crée "une confusion créative" dans le champ politique (1re partie)

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Commentaires (4) | Réagir ?

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klouzazna klouzazna

cher consultant... la CONFUSION n'est jamais CREATIVE elle est plutôt DESTRUCTIVE !!!

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Guel Dring

C'est juste un rappel 51/55 " Et rappelle; car le rappel profite aux croyants. ". D'une personne qui vous parle, le langage traduit sa pensée, de pulsions en sons de la communication verbale et la pensée reflète fidèlement ses intimes convictions, sauf lorsqu'il y a une volonté manifeste d'induire en erreur comme dans le cas de l'hypocrisie. Ce cas est rapidement décelable par le fait accompli. Mais dans d'autres cas qui relèvent de la perversité immuable les réactions sont stéréotypées, marquent une tendance innée que l'on finit par accoler à la personne comme dans le cas d'un tab djenanou. Depuis le temps des premières impostures, l'habitude est devenue une seconde nature

Mais il ne faut surtout pas croire que Dieu est inattentif à ce que font les injustes. La royauté des cieux et de la terre et ce qu'ils contiennent relèvent du Decrét Divin. Il y a toujours le facteur temps qui entre en jeu : entre la contamination et les premiers signes de la maladie il y a une période d'incubation, nous en sommes en phase de prescription d'une ordonnance pour traiter ce cas de septicémie.

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