Par-delà la contestation

La rupture entre le peuple et le pouvoir est consommée.
La rupture entre le peuple et le pouvoir est consommée.

La jonction des contestations sociales et politiques et l’inéluctable mobilisation citoyenne qu’elle provoque sont au fondement des changements historiques. L’Algérie se retrouve en cette période de son histoire devant ce tournant cyclique, dont elle doit saisir l’opportunité, avant qu’il ne soit trop tard et se retrouver des décennies en arrière, sans perspectives et sans horizons.

Les années 2013 et 2014 annoncent un tournant historique comparable à celui qui présida à la préparation du renversement de l’ordre colonial, qui ne reconnaissait au peuple algérien ni autonomie politique, ni une quelconque souveraineté. Aujourd’hui, le peuple est confronté de la même manière à un système de pouvoir, qui a exclu d’emblée, depuis l’émancipation de l’emprise coloniale, toute souveraineté pouvant émaner de la volonté populaire. Autrefois, elle fut justifiée par le colonisateur dans l’alibi "civilisateur", et depuis l’indépendance nationale, par une patrimonialisation explicite du pouvoir, sous couvert de la continuation du combat libérateur dans l’œuvre de construction nationale, qui devrait revenir "naturellement" à une tutelle, qui se considère comme dépositaire de cette émancipation coloniale sous le vocable de "famille révolutionnaire". À chaque fois, dans un cas comme dans l’autre, l’alibi de légitimation de l’exercice de la tutelle s’est vu discrédité par l’aspect pervers qui le caractérise : ni l’émancipation du peuple algérien vers les lumières, ni celui de la construction nationale n’ont atteint leurs objectifs. Aujourd’hui, le système de pouvoir qui a succédé à l’emprise coloniale n’a réussi, ni la construction d’un État national républicain, ni restitué la souveraineté à la volonté populaire. Il n’y a pas de quoi s’étonner de ce double échec, car, la construction nationale ne peut être l’objet d’une quelconque tutelle, mais d’une réelle volonté populaire souveraine, qui lui imprime son identité, sa forme et sa pérennité. C’est la volonté populaire qui, dans un débat souverain, est seule légitime à s’édicter pour elle-même sa propre Loi fondamentale, garante de l’identité qui l’a définie et la constitue. C’est reproduire le discours de légitimation pervers de la tutelle, que d’appeler cette même tutelle à remédier à son propre échec au détriment d’une volonté populaire souveraine. C’est au nom de la volonté populaire souveraine que la tutelle de l’ordre colonial fut discréditée. Il en va de même aujourd’hui en ce tournant historique que présage la mobilisation citoyenne en cours, initiée depuis l’arrivée à saturation de la perversion de la tutelle de la "famille révolutionnaire", depuis la dernière violation sournoise de la constitution pour un troisième mandat présidentiel à son profit. 

On assiste en fait depuis cette date à une rupture prononcée du peuple avec le système de pouvoir, qui se radicalise de plus en plus sous différentes formes : le boycott des élections pour la représentation nationale, régionale et locale, suivi par un mouvement de contestation qui se généralise de plus en plus à tous les secteurs de la société. Notamment, les chômeurs, les professionnels de la santé, de l’Éducation nationale, les demandeurs de logement, etc., qui luttent pour le recouvrement de leurs droits sociaux. Tout devient prétexte à mobilisation pour la contestation. Ainsi, sont régulièrement contestés la cherté de la vie, la qualité et les difficultés d’accès aux services publics tels que : l’Éducation nationale, la santé publique, le logement social, l’électricité, l’eau et même le droit d’accès aux nouvelles technologies d’information et de communication ( NTIC), etc. Grace à ces mêmes NTIC, la contestation se politise de plus en plus, par une critique sans concessions de la propagation dans les structures de l’État et de ses institutions des phénomènes de corruption, de la fraude et de l’évasion fiscale, ainsi que de la perversion de l’économie de la rente et ses retombées négatives sur le développement national. Sont également contestées les violations enregistrées des droits garanties par la Constitution et des conventions internationales tels que : le droit de grève et le droit de manifester, etc. La contestation a atteint une généralisation à tel point qu’elle a débordé les frontières du territoire national pour s’exprimer à travers les populations expatriées à l’étranger. Ainsi, lors de la célébration de la commémoration de la date anniversaire du 1er novembre, une manifestation s’est déroulée à Paris pour dénoncer le faste avec lequel la représentation diplomatique dans cette ville gaspillait les deniers de l’État, assimilé au gaspillage des richesses nationales en général. Le jour de samedi 18 mai 2013 est organisé devant l’ambassade d’Algérie, de la même ville de Paris, une manifestation de dénonciation de la déchéance de la santé publique conséquente de la politique sanitaire du pouvoir algérien. En écho à cette manifestation, une autre manifestation similaire est organisée à Alger le même jour et à la même heure par solidarité.

Cette jonction, comme celles, nombreuses, qui l’ont précédée, entre différents secteurs de la vie sociale, sont le signe précurseur d’une cristallisation vers un mouvement de mobilisation citoyenne à l’échelle nationale, pouvant constituer un facteur déclenchant dans l’engagement radical d’une demande de changement organisée du système de pouvoir, d’une manière ou d’une autre. Au même moment, des appels à mobilisation de la société pour le renversement du système de pouvoir se cessent de se multiplier et n’attendent à leur tour ! que se produise cette même forme de jonction, pour faire de ce moment un tournant historique, comparable à celui qui présida à la préparation du renversement de l’ordre colonial et lui imprimer un référent nouveau pour orienter cette nouvelle étape de l’histoire nationale. 

Autrement que peuvent attendre les mouvements de contestation, qui peinent à inscrire leur action dans la perspective d’une vision historique globale en privilégiant l’action en rangs dispersés, se contentant de manifester pour faire pression sur le pouvoir dans l'objectif d'améliorer égoïstement leurs propres conditions sociales. Devant un pouvoir autiste, conforté dans l’illusion de sa posture tutélaire et qui ne se préoccupe que de son maintien et de ses privilèges, sa réponse ne sera que répression féroce et à un moindre coup un aménagement salarial pour atténuer leur ardeur. 

Youcef Benzatat

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Commentaires (6) | Réagir ?

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Khalida targui

il ne reste rien de bon de normal dans ce bled, Allah yastourna c'est la devise de tout le peuple algerien

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Guel Dring

Autant je n'ai pas saisi l'entêtement de religieux à chercher midi à 14 heures en se cristallisant la veille de chaque ramadhan à la nuit du doute alors qu'il est prouvé, par les horaires des prières qui sont scrupuleusement respectées, par les éclipses qui sont localisées et déterminées à la seconde près, autant je ne saisis pas pourquoi cet empressement à ce débarrasser des aléas de la vie. Il faut bien un peu de tout pour faire un monde. Tout arrive à point pour qui sait attendre et le meilleur moyen d'attendre c'est de s'imprégner que Dieu est Omniscient et Omnipotent.

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