Algérie : nul besoin des gaz de schiste

Il est urgent d'ouvrir un sérieux débat sur l'exploitation du gaz de schiste envisagée par le gouvernement.
Il est urgent d'ouvrir un sérieux débat sur l'exploitation du gaz de schiste envisagée par le gouvernement.

A la veille du réaménagement gouvernemental, Abdelmalek Sellal, alors ministre des Ressources en eaux, déclarait au forum du journal Liberté : "Pour préserver ses ressources en eaux souterraines, l’Algérie a fait le choix de mobiliser au maximum ses ressources en eaux de surface".

Louable mérite qu’il faut certainement reconnaître au nouveau premier ministre. Seulement, persévérera-t-il dans la bonne voie maintenant qu’il est à ce poste ? Ou bien, va-t-il entériner des décisions qui mettront en péril les gigantesques ressources en eaux fossiles des Albiens au sahara ? 

Une exploitation aventureuse

Le dossier de l’exploitation des gaz de Schistes est, autant sur le court terme que sur le long terme, un dossier lourd de conséquences pour nos intérêts nationaux. Exploitation, oui, le terme se justifie par l’objet même de la révision de la loi sur les hydrocarbures envisagée par le gouvernement. Au prétexte de l’échec de plusieurs appels d’offres dans le secteur, il est envisagé d’adapter "les aspects fiscaux" de l’actuelle loi, pour rendre "rentable l’exploitation des hydrocarbures non conventionnels". Il est donc claire que la question n’est pas de rendre possible "l’évaluation" et/ou "la réalisation de puits expérimentaux" mais bel et bien de permettre l’exploitation des gaz de Schistes. 

La manière avec laquelle ce dossier, en tout point névralgique, est traité laisse perplexe. Opacité totale. Imprécision sur les objectifs et la démarche. Tout suggère que l’exécutif ne cherche pas à convaincre, mais à établir un fait accompli. 

Une option à débattre ! 

N’y aurait-il pas matière à débattre, à persuader ? Quel intérêt l’Algérie aurait-elle à exploiter les gaz de schistes ? Leur exploitation aux USA a largement mis à jour leurs méfaits environnementaux, notamment sur les eaux souterraines. Devons-nous rester aveugles aux impacts négatifs qu’elle exerce déjà sur l’évolution du prix du gaz, tirés à la baisse, et sur les débouchées de notre GNL sur les marchés internationaux, fortement concurrencé ? 

Sauf à considérer que les ressources gazières de l’Algérie sont entrées en déplétion, et qu’elles ne permettent plus, à notre pays, d’honorer ses engagements contractuels de livraison de gaz, l’exploitation des gaz de schistes ne peut qu’affaiblir, encore plus, les intérêts algériens. D’autant que l’exploitation envisagée placera l’Algérie dans une situation de totale dépendance technologique. 

Un coût environnemental exorbitant

La technique actuelle de fracturation hydraulique de la  roche a fait toute la preuve de sa nocivité. Envisager de l’introduire dans la zone des grands réservoirs d’eau douce fossile des Albiens ne devrait traverser l’esprit d’aucun responsable soucieux de l’intérêt de la nation. Quel est l’horizon prospectif retenu par nos dirigeants dans l’élaboration de leur décision ? Tout horizon de cet ordre proscrirait l’exploitation des gaz de schiste. Non seulement à ces horizons-là, l’eau deviendra une ressource essentielle, mais il faut parier que les énergies alternatives auront connues une telle maturation que les ressources en hydrocarbures perdront tout intérêt autre que celui de réserves, hypothétiquement, stratégiques.

Par contre si l’horizon retenu est celui de la décennie, on comprend alors que la logique qui commande cette exploitation rejoigne le mercantilisme actuel qui pousse à la monétisation effrénée de nos réserves d’hydrocarbures. Le seuil des 200 milliards d’US $ de réserves de change, projeté pour la fin de l’année, semble encourager au renforcement de cette logique. L’exploitation des gaz de schiste élargira l’assiette des hydrocarbures à monétiser, et il se pourrait que ce soit là le seul objectif recherché.

Un autre aspect, encore plus crucial, de cette problématique n’est pas encore abordé. Apparait-il à l’Exécutif algérien qu’engager l’exploitation des gaz de Schiste relève de la seule souveraineté algérienne ? Les conséquences possibles et probables sur les eaux des Albiens, sortent cette décision de l’espace purement national pour la placer dans le champ des relations avec nos voisins. Les eaux des albiens, même si elles se situent majoritairement en territoire algérien, restent une ressource commune. Leur exploitation est d’ailleurs régie par des accords entre les états limitrophes et a fait l’objet d’accords internationaux. Le projet d’exploitation envisagé tient-il compte de cet aspect ? Ses promoteurs ont-ils une quelconque assurance sur l’adhésion des Tunisiens et des Libyens à l’option retenue ? Ou bien, dans ce domaine encore, la démarche est-elle de mettre ces voisins, avec lesquelles nos relations sont déjà bien difficiles, devant le fait accompli ?

L’Algérie va-t-elle rompre la digue ?

Si l’Algérie rompait la digue qui pare, jusque-là, à l’exploitation des gaz de schiste, il faut s’attendre à ce que d’autres Etats africains lui emboîtent le pas. Et, si la catastrophe écologique ne se réalise pas chez nous, elle aura lieu au Tchad, au Soudan, en Egypte ou ailleurs. Quelle en sera l’étendue, la gravité ? Imprévisible, mais il est, par contre, certain que ce sont les générations futures qui en paieront le prix!

Il demeure une autre certitude, pour les Etats-Unis d’Amériques l’affaire est tout bénéfice. Des débouchées inespérées se profilent pour une technologie qui jusque-là avait tout le mal du monde à quitter leur territoire. De plus, l’entrée en service de nouveaux sites d’exploitation de gaz non conventionnels confortera la tendance baissière que leur exploitation aux USA a déjà imprimé aux prix du gaz. Sans oublier les bénéfices faramineux (que justement, la révision envisagée entend leur garantir) qu’ils vont engranger.

Il serait peut-être temps que des spécialistes en hydrologie, en pétrole, en environnement, en prospective, ou simplement des citoyens prennent la parole pour essayer d’arrêter ce que nos arrière-petits-enfants verront comme le plus grand crime commis dans l’histoire de l’humanité.

Mohand Bakir

Lien pétition http://www.change.org/fr/p%C3%A9titions/abdelmalek-sellal-abandonner-le-projet-d-exploitation-des-gaz-de-schistes

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Commentaires (5) | Réagir ?

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Bey Mustapha BEBBOUCHE

"Pour préserver ses ressources en eaux souterraines, l’Algérie a fait le choix de mobiliser au maximum ses ressources en eaux de surface" disait Abdelmalek Sellal. Mais qu'attendait-il pour le faire depuis l'arrivée de Bouteflika en 1999; c'est-à-dire il y a 13 ans ?

Cela aurait permis à l'algérie d'économiser les dépenses faramineuses des usines de désalement d'eau de mer. Les eaux de pluie de l'année ne sont pas récupérées et s'écoulent vers la mer à longueur d'année; il aurait été plus économique de traiter ces eaux de pluie ou eau de surface que de traiter l'eau de la mer. D'ailleurs, l'eau de mer traitée provient d'un litoral polué par les installations pétrochimiques et par des pétroliers qui déballastent leurs réservoirs au voisinage de nos plages. Notre gouvernement a-t-il évalué les risques potentiels ? Je crois que non !

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Atala Atlale

Qu'en pense Monsieur Hocine Malti ? La corruption s'est généralisée à un point tel qu'à un certain moment la remettre en question nous coûterait la stabilité du pays, la laisser nous mènerait droit vers la plus grande faillite qu'une nation ait connue ! un vrai dilemme ! le DRS peut-il y remédier intelligemment ? Pour le bien et l'avenir de notre pays, il serait judicieux d' y apporter les solutions attendues.

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