Le 10 mai ou la faillite du pouvoir algérien et de la classe politique

Le président Abdelaziz Bouteflika.
Le président Abdelaziz Bouteflika.

Plus de 75 % de la population a boycotté le scrutin du 10 mai dernier.

Ni Bouteflika, ni les généraux, ni Aït Ahmed et encore moins la constellation de partis mise sur pied dans la confusion à la dernière minute pour vendre l’image d’une consultation démocratique à l’étranger n’ont réussi à faire voter massivement le peuple. Et n’était la fraude massive et générale qui a émaillé, le taux de participation n’aurait pas franchi le seuil des 15 %. Une personne sur neuf a voté parmi la population universitaire, alors que chez la gente féminine, en dépit des propositions alléchantes de Bouteflika, une femme sur huit a répondu favorablement au scrutin du 10 mai. De même, la jeunesse qui constitue la majorité écrasante du peuple, plus que bouder les urnes, n’a pas manqué de tourner en dérision cette consultation.

A la clarté de ces éléments, quelle lecture peut-on faire de ces dernières élections générales ? Comment nos élites ont-elles interprété cette situation, d’autant plus vrai que cette fois ci le boycott a dépassé les frontières de la Kabylie active pour se répandre à travers toutes les régions du pays ? Le peuple ignore-t-il les vertus du suffrage universel dans la construction de la démocratie, ou bien forgé par les expériences douloureuses du passé et averti par les échecs répétés du "printemps arabe", il a pris conscience de la réalité en optant pour une entreprise de changement radical plus réfléchie ? Cependant, l’un des éléments de réponse à toutes ces questions nous vient de la réaction instantanée du pouvoir qui, quelques heures après la promulgation des résultats du scrutin, a décidé d’accorder des primes et des augmentations généreuses de salaires à tous les secteurs d’activité pour acheter sa survie.

Ni le soutien à peine voilé de l’Occident, ni la complicité des monarchies arabes, ni les mises en scène vulgairement interprétées par Belkhadem pour faire croire à la souveraineté inviolable de l’État algérien devant les maîtres de la haute finance internationale et de la grosse industrie militaire, ni ces menaces qu’on a fait planer durant des semaines sur le pays et encore moins la participation tactique du leader charismatique de l’opposition n’ont réussi a séduire le peuple et a donner une quelconque légitimité au scrutin du 10 mai. Le peuple refuse de se reconnaître dans les valeurs portées de façon obscure et infidèle par la classe politique (pouvoir et opposition). La faillite est totale et la rupture est définitivement consommée. Alors que les valeurs de novembre 1954 tombent une à une dans la fange de l’histoire, la jeunesse qui constitue plus de 70 % de la population globale du pays tente de se reconstruire une nouvelle identité par delà les interdits et la volonté prétorienne de la junte, dans le sillon des richesses culturelles, scientifiques et intellectuelles produites par la mondialisation. Désormais, les mythes et les symboles de novembre 1954 qui ont permis au pouvoir de se maintenir durant plus d’un demi-siècle, donnent l’impression d’être comme cette diligence de l’avant-dernier siecle qui se retrouve à son insu sur une autoroute conçue aux véhicules du futur destinés à voyager dans le temps et dans l’espace.

Intrigues pour un futur président

C’est dans ce climat obscur entouré d’intrigues et de tractations secrètes que les clans du pouvoir, dans une course contre la montre pour sauver la peau du régime, s’apprêtent à faire accoucher la république d’un futur président par avortement. Un grand auteur français, intervenant devant les parlementaires de l’Assemblée à l’occasion de la célébration de la journée du savoir et de la science, avait dit que "l’ignorance n’est si détestable que parce qu’elle nourrit les préjugés qui nous empêchent d’accomplir nos vraies fonctions, en nous en imposant de fausses qui sont pénibles et parfois malfaisantes et cruelles pour l’avenir du pays." Nos dirigeants et tout particulièrement notre armée ne veulent pas se contenter d’accomplir leur mission qui est celle de restituer au peuple sa souveraineté par le rétablissement de la république sur son trône, leur ignorance et leur cupidité leur font croire qu’ils sont l’œuvre de la providence. Dans leur profonde schizophrénie, dans leur folie autosublimatrice, ils estiment que ce qu’ils accomplissent par le ravage, la terreur et la destruction est une réponse au destin.

Le futur président (puisque tout l’enjeu du dernier scrutin se résume à la succession de Bouteflika) qu’il s’appelle Mouloud Hamrouche, Saïd Bouteflika ou général major à la retraite, est-il un homme du passé construit par la lutte des clans, ou bien est-il un homme de notre époque conscient de la nécessité de faire assoir la république sur les piliers du savoir, de la science et de la démocratie ? Le futur président est-il le candidat d’un clan, de plusieurs clans, d’un parti politique ou du peuple ? Le futur président aura-t-il les coudées franches pour rétablir l’ordre citoyen et politique, ou bien sera-t-il comme ses prédécesseurs, contraint à n’être que ¼ de président soumis aux caprices de l’armée qui va lui tracer les lignes rouges à ne pas franchir ? Comment va faire le futur président pour rétablir la confiance entre le citoyen et les institutions, pour mettre du mouvement dans le statu quo alors qu’il est prisonnier du passé, alors qu’il est le produit de la lutte des clans ? Nous sommes à quelques mois seulement de la succession du despote Bouteflika et le peuple ignore tout de son futur président, de son identité, de ses capacités, de ses défauts et de ses qualités. Et c’est à ce peuple à qui on cache tout et qu’on traite comme un véritable ennemi qu’on demande des sacrifices, faute de quoi on le charge de toutes les tares et de tous les défauts…

Saïd Radjef

Plus d'articles de : Analyse

Commentaires (8) | Réagir ?

avatar
amazigh zouvaligh

L’Algérie et le peuple algérien sont devenus la risée de la planète sur tous les plans !Quelle honte!un peuple qui a oublié la réflexion ;le rationnel et qui se cramponne à l'idéologie rétrograde de l'arabo islamisme primitif, remettant à dieu même leur façon de respirer!

-1
avatar
Ali Mansouri

Votre campagne de salissage à l'encontre de l'Algérie et son peuple reflète votre état d'esprit frustré, malveillant, qui consiste à dénigrer tout un peuple et à faire un vrai travail de sape malsain pour détruire tout espoir qui pourrait rejaillir en lui. Si vous êtes "algérien", comme vous le prétendez alors ajoutez vous dans la liste de ceux qui sont la risée de la planète comme vous le dites. Détrompez-vous, si le peuple algérien n'a pas voté à 75% c'est qu'il est loin de ce que vous dites "il est la risée de la planète" regardez ce qui se passe autour de l'Algérie, des pays en guerre civile et en proie à l'anarchie, Dieu merci le peuple algérien n'a pas succombé aux chants des sirènes maléfiques du "printemps arabe" qui s'est avéré une arnaque, un piège diabolique, un printemps islamiste ça oui il n'y a aucun doute!!!

avatar
koceila ramdani

Pauvre Algérie, et pauvre peuple, j'ai peur que les Amirouche, Si L'Houes, les Ben Mhidi, et autres n'éxistent plus, car il y a énormément de travail à faire encore sur cette terre qu'est l'Algérie, et vous, que Dieu tout puissant ait vos Ämes, vous êtes partis sans achever le travail commencé en 1954.

visualisation: 2 / 6