Merzak Allouache : un film contre "l'amnésie du silence"

Merzak Allouache.
Merzak Allouache.

Avec "Le Repenti", Merzak Allouache est présent sur la Croisette, dans le cadre du festival de cinéma de Cannes.

"Il faut parler, parler de tout. Une société qui se respecte aborde tous les sujets sans tabou. Pour avancer". Le réalisateur algérien Merzak Allouache a présenté à Cannes "Le Repenti", un film pour interroger "l'amnésie et le silence" qui règnent dans son pays. Film rude, dense, qui tient le spectateur en haleine, ce long-métrage se penche sur le parcours de Rachid, jeune jihadiste qui quitte les montagnes et le maquis pour regagner son village.

En vertu de la "Concorde civile", initiée en 1999 par Abdelaziz Bouteflika qui allait entraîner la reddition de milliers d'islamistes, il se rend à la police et restitue son arme pour bénéficier du statut de "repenti". Mais dans les villages, la haine est à vif et sa vulnérabilité évidente l'expose à toutes sortes de marchandages. Le réalisateur algérien qui vit en France interroge la façon qu'a eu son pays de tourner la page d'une "décennie noire" qui, à partir de 1992, a fait plusieurs dizaines de milliers de morts.

"J'ai eu envie de poser des questions sur l'amnésie qui règne en Algérie. Il y a beaucoup de gens qui vivent cette douleur et qui la vivent en silence", explique-t-il. "On essaye de montrer un pays apaisé, mais la violence qui continue montre que rien n'est apaisé en Algérie", ajoute le réalisateur de 67 ans dans un entretien à l'AFP.

"Mon film n'est pas contre la Concorde civile", prend-il soin de préciser, mais contre "le fait de tourner presque arbitrairement la page" en "passant sous silence des années de violence, de plomb". "Il y a une partie de la société algérienne à l'aise dans cet "apaisement"" qui porte les affaires. "On fait des affaires, laissez-nous tranquilles, ne nous parlez pas des révolutions arabes", ajoute la réalisateur du seul film du continent africain dans la Quinzaine des réalisateurs.

"Or ces gens sont poussés par une génération nouvelle qui arrive et qui exige des comptes", ajoute-t-il avec énergie, relatant ce filmé "tourné en 20 jours, dans la rage", après "des attaques odieuses" d'une partie de la presse algérienne.

Il s'est vu refuser une aide financière du ministère algérien de la Culture qui lui reprochait, entre autres, d'avoir "montré un policier véreux" dans un de ses précédents films. "On ne m'a pas donné d'aide mais on ne m'a pas empêché de tourner", précise-t-il. Comme dans ses précédents films, Merzak Allouache explore les zones grises de la corruption, de la manipulation.

Sans qu'on comprenne exactement de quoi il s'agit, Rachid fait l'objet d'une forme de chantage de la part du policier chargé de lui accorder son statut de "repenti". "Ta vie est entre mes mains", lui rappelle-t-il, menaçant.

"L'Algérie est un pays très riche où chacun essaye de prendre sa part du gâteau. Il y a beaucoup d'hypocrisie, de silences. Tout étranger qui arrive à Alger s'aperçoit, au bout de deux heures, qu'il y a quelque chose qui cloche".

Le film qui vient d'être acheté par un distributeur français, sortira-t-il un jour sur les écrans algériens ? "J'espère mais, franchement, je ne me pose plus vraiment de problème sur la distribution des films", répond la réalisateur. "La ville où j'ai tourné, sur les hauts plateaux, n'a aucune salle de cinéma, aucune librairie, on se demande comment vit la culture, la création. Puis, vous tombez sur des gens qui vous disent : "J'ai vu ton dernier film!", car ils ont une chaîne de télévision par satellite, internet ou des DVD pirates".

Reste la question, lancinante, de l'autocensure. "L'autocensure, c'est cette espèce de peur diffuse de ce qu'on peut montrer et de ce qu'on ne peut pas montrer. Il n'y a pas que les choses politiques. Montrer ce personnage dès le début du film qui boit deux verres de vin ? Montrer cette fille qui prend sa douche ?"

Avec AFP

Plus d'articles de : Culture

Commentaires (3) | Réagir ?

avatar
Service comptabilité

merci pour les informations

avatar
mustapha ouahadda

Lorsqu'on veut tuer son chien on dit qu'il est enragé!! C'est l'Exemple de Monsieur Merzak Allouache, réalisateur de film, homme de valeur. La pseudo-ministre en l'occurrence Khalika Toumi, la versatile, celle qui a tourné le dos aux principes qu'elles avaient. Cela dit, elle a choisi un autre chemin celui de l'argent et du confort et ce grace au rcd. Bouteflika peut-être l'avait séduit avec ce poste qu'elle occupe. On voit bien tous les cinémas livrés à eux-mêmes à savoir : Le francais, l'abc, le roxy, le musset, le douniazad, sierra maestra, debussy, le select, le paris, l'afrique, etc, etc.. Ils ont tué la culture, tous ces cinémas me rappellent de bons souvenirs. Aujourd'hui, ces cinémas sont fermés, c'est quand même bizarre! Cela dit, M. Merzak Allouache est un homme de principe, je dois dire qu'il nous a fait rire avec son film omar gatlato et bien d'autres films, il représente aussi le vieil alger. Par contre, ceux qui ont flirté avec le régime le paieront tout un jour, car ils nous détruisent le vieil Alger et l'Algerie entière.

visualisation: 2 / 3