Pour changer le système algérien, il faut changer de paradigme

Malgré le divorce entre le peuple et le pouvoir, ce dernier est loin de se réformer.
Malgré le divorce entre le peuple et le pouvoir, ce dernier est loin de se réformer.

La différence entre ce qui semble être impossible et possible est dans la mesure de la volonté de l’homme.

La problématique qui se pose à notre pays relève du changement de paradigme. Il ne s’agit pas de prôner le changement sans en avoir au préalable déterminé vers quel changement et comment faire passer le changement. Ce qui est préoccupant est la constance dans la récupération et la prédation sous couvert de toute sorte d’association, de ce souffle de changement par des gens qui sont imprégnés des mêmes vieux paradigmes néfastes, quelque soit la couleur politique qu’ils affichent, surtout ceux qui sont dans le système, c’est-à-dire ceux qui participent à cette mascarade démocratique, en tant que gouvernants ou en tant qu’opposants.

Le territorialisme, la corruption, le clientélisme, le défaut de moralité, la déliquescence de la société, l’abus de pouvoir, le passe droit, le non respect des valeurs humaines, la gestion de la rente au lieu de la gestion de l’intelligence, le manque de courage, la stupidité et la médiocrité sont les effets pervers du paradigme relatif à une culture bureaucratique et dictatoriale. Il faut se le dire, qu’on le veuille ou pas, on ne peut aller à l’encontre de ce qui est naturel, tout ce qui est contre nature ne dure jamais, c’est juste une question de temps. Les exemples dans l’histoire abondent, il s’agit de ne pas être un mauvais élève. La question qu’il faut se poser est : comment gérer ce changement d’une part, et la transition d’autre part, vers une situation désirée, avec douceur ? N’oublions pas que les projets sont des extrants uniques, s’ils ne répondent pas aux finalités attendues en termes de développement humain ils seront considérés comme des projets ratés. En effet, tous les grands projets de transformation menés, dans notre pays, ont été ratés. Oui, nous avons raté notre projet d’indépendance, raté notre projet du passage du parti unique au multipartisme et raté notre projet du passage de l’économie planifiée à l’économie de marché.

Les gens créent des idées, que ce soit de la théorie, des hypothèses, des cadres conceptuels, des modèles mentaux, des schémas, des paradigmes, des perspectives, des perceptions, des croyances, des points de vue, des opinions, ou quoi qu'autrement vous souhaitez les appeler. Ceux-ci nous permettent d’interagir de la façon que nous faisons et de créer des choses dans notre monde qui nous entoure. N’oubliez pas, gens, idées et choses dans cet ordre. Étant donné qu’on ne peut ignorer le contexte social dans lequel nous évoluons, alors il est question de personnes et non pas d’accessoires, c’est-à-dire, de choses. Nous pensons que nos énormes buildings avec leurs vitres en verres et les ateliers avec leurs machines et leurs bruits ont une existence qui est séparée de nous, il n'en est rien. Nous pensons que ces structures existantes sont peuplées de "travailleurs" et "gestionnaires" qui fonctionnent comme des accessoires dans une pièce de théâtre, ce n'est pas vrai. Les machines, les bâtiments, les Mercédès, le bruit et le ronflement sont des accessoires. Les gens sont des joueurs, tous les jours ils écrivent la pièce et la jouent, puis ils se demandent pourquoi ils n'aiment pas la partie qu’ils se sont donnés. Eh bien allez parler à vous-mêmes, une introspection honnête ne ferait pas de mal.

En effet, les dirigeants des organisations pensent que c’est leur façon de faire qui est la clé du succès. "Les nouvelles idées les dérangent et les rendent incertains. Il est plus confortable pour eux de continuer comme avant. C’est plus confortable, mais c’est plus dangereux." Les bonnes idées sont rejetées par des gens bien pensant. Les dirigeants des organisations estiment que le futur est purement une extension du passé et que les idées qui nous ont mené jusqu’à aujourd’hui sont les mêmes qui nous mèneront jusqu’à demain. Alors, ils résistent au changement en réprimant, car ils sont contrariés par les nouvelles idées. L’histoire a démontré que ce sont ces nouvelles idées qui ont prévalue. Pourquoi cette résistance ? Qu’est-ce qui empêche de voir, d’accepter et de comprendre les nouvelles idées ? Les nouvelles idées changent le monde à jamais, nous poussent à réévaluer notre façon de faire, nous ouvrent les yeux sur des possibilités que nous n’avions pas vus auparavant et elles nous libèrent de nos limites. Alors, qu’est-ce qui nous empêche d’accepter les nouvelles idées ? Tout ceci est, en fait, une affaire de paradigme.

Un paradigme est un filtre à travers lequel les personnes perçoivent la réalité, c’est-à-dire, les évènements, les idées, les techniques… Ce filtre représente leurs valeurs et leurs croyances. Il est basé sur leur expérience, leur éducation, leur culture, ou tout autre aspect influençant leur perception. Par exemple, les réformes devraient constituer un changement de paradigme et non pas reproduire les pratiques du passé ou bien passer de la charrette à la Mercedes. Alors, comment se peut-il que ces réformes peuvent mener à des résultats significatifs quand les décideurs des organisations restent ancrés dans leurs vieux paradigmes (leurs vieilles façons de faire et de voir les choses) ? Au lieu d’être dans le futur et tirer vers le haut, c’est-à-dire debout dans le futur et ramener les autres à soit, ils ne font que pousser les autres, c’est-à-dire qu’ils sont positionnés dans le présent, en réalité dans le passé, et pousser les autres vers le futur. Les mesures que notre psychologie nous amène à nous imposer, assurent que cette situation est verrouillée en place à travers de vieux paradigmes. En effet, ces vieux paradigmes empêchent d’appréhender et d’accepter les changements, ils font en sorte que nous acceptions seulement ce que nous voulons ou croyons possible. Ces vieux paradigmes empêchent leurs porteurs de découvrir de nouvelles stratégies, de saisir de nouvelles occasions, de percer de nouveaux marchés et de trouver des solutions à des problèmes.

Les paradigmes déterminent la carte de nos modèles mentaux à travers laquelle on perçoit la réalité. Ils établissent des frontières et délimitent un contour en termes de règles ou de règlements. De plus, ces règles et règlements nous donnent la clé du succès en mettant en évidence les solutions aux problèmes à l’intérieur de ces frontières. Par exemple, j’ai mainte fois consulté des cahiers des charges, de grosses entreprises, décrivant les objectifs à atteindre en termes de mise à niveau. Leurs ambitions sont honorables, mais le choix du "comment faire" pour y parvenir est irréaliste. Imaginer les dirigeants d’une entreprise qui affichent une ambition d’aller sur la lune, mais ils déterminent des critères de choix qui favorisent des menuisiers pour les accompagner à construire la fusée. Le résultat ne peut être qu’une fusée en bois, et ces gens là se demandent pourquoi cette fusée ne décolle pas. Pourquoi les gens ne réussissent pas souvent à anticiper les développements importants ? Tout simplement à cause de leurs vieux paradigmes. Ces derniers sont des filtres qui tamisent les données perçues.

Quand on parle de changement, il faut comprendre un changement de paradigme. Par exemple, passer de la culture de la médiocrité à la culture de l’excellence constitue un changement de paradigme. De même, passer d’une culture d’entreprise de type bureaucratique à une culture d’entreprise de type organique, c’est aussi un changement de paradigme. C’est ce qu’on appelle le retour au point zéro. "Lorsqu’un paradigme change tous retournent au point zéro." Le nouveau paradigme fera repartir les gens à zéro. Les succès du passé ne garantissent rien du tout. Si on n’est pas vigilant, les réussites du passé peuvent bloquer votre vision du futur. C’est pourquoi, il faut vous ouvrir l’esprit aux nouvelles idées et explorer d’autres nouvelles façons de faire. Car, ce n’est que la largesse d’esprit qui vous permettra de garder une porte ouverte sur le futur.

Les paradigmes affectent nos prises de décision et notre jugement de façon dramatique en influençant nos perceptions. Si nous voulons prendre de bonnes décisions pour le futur ou anticiper le futur avec succès, nous devons être capables de reconnaître nos paradigmes actuels et être prêts à regarder au-delà de ses paradigmes. Lorsque l’on est fermé à toute nouvelle idée, on fait face alors à une maladie appelée la paralysie paradigmatique. C’est une maladie mortelle causée par la certitude, elle est très contagieuse - un management dinosaurien ne peut enfanter que des dinosaures - et a détruit plusieurs organisations et entreprises. "Donc, ceux qui croient qu’on ne peut pas faire une chose devraient céder la place à ceux qui sont entrains de la faire." Ceux qui créent de nouveaux paradigmes sont en général des étrangers au système relatif au vieux paradigme. Ils ne font pas partie d’un groupe ayant un paradigme bien enraciné. Ils sont parfois jeunes, parfois vieux, l’âge n’a absolument rien à voir. Mais, une chose est sûre, ils n’ont rien investi dans le vieux paradigme et ils n’ont strictement rien à perdre en créant le nouveau paradigme. Les nouveaux paradigmes sont à l’extérieur du centre, ils sont à la périphérie, car la plupart du temps les nouvelles règles se forment à l’extérieur du système.

Les praticiens du vieux paradigme qui choisissent de changer à un nouveau paradigme au premier stade de son développement sont des pionniers du paradigme, ils doivent avoir bien du courage. Car, les évidences apportées par le nouveau paradigme ne leurs prouvent en rien qu’ils sont sur la bonne voie. La personne qui adopte un nouveau paradigme à ses tous débuts doit le faire souvent au mépris de l’évidence fournie par la solution d’un problème. Elle doit surtout être confiante que le nouveau paradigme réussira à résoudre tous les grands problèmes qu’elle affronte, en ayant comme donnée que le vieux paradigme a échoué face à certain d’entre eux. Une décision de ce genre ne peut se prendre que dans la conviction. Les traits marquants d’un vrai pionnier d’un paradigme sont d’un grand courage et une confiance en son jugement.

Vous avez le choix de changer les règles, les humains n’ont pas un code génétique qui les force à voir le monde d’une seule façon. Vous pouvez choisir de vous débarrasser d’un paradigme et d’adopter un autre paradigme. Vous pouvez choisir de voir le monde d’un autre œil. Vous pouvez assouplir vos paradigmes en posant la question du changement de paradigme : "Qu’est-ce qui, aujourd’hui, est impossible à faire dans votre entreprise ou votre institution, mais que, si cela devenait possible transformerait du tout au tout votre travail actuel ?" Réfléchissez bien à cette question, posez-vous cette question, jouez avec les idées, posez la régulièrement à tous les niveaux de votre organisation. Car, les réponses à cette question vont vous conduire aux frontières de votre paradigme, et lorsque vous y serez prêt à entrevoir ou à sentir le prochain paradigme, rappelez-vous que ce qui est impossible aujourd’hui sera peut être la norme très bientôt, car tout système engendre ses propres mesures. Votre défi est soit d’en être la cause, de ce changement, alors ça sera une révolution, soit d’en être le pionnier et appellera cela une amélioration, le choix est entre vos mains, car, la différence entre ce qui semble être impossible et possible est dans la mesure de la volonté de l’homme.

Ammar Hadj-Messaoud,
Expert international en amélioration des capacités compétitives des organisations

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Commentaires (8) | Réagir ?

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ranaferhanine bezafbezaf

Le paradigme est une operation ou action qui consiste a chasser les intellecontuels algeriens d'Algérie -qui sont incapable de faire une revolution ou d participer ou d en etre les initiateurs- et d en ramener -importer des intellectuels, des vrais du CHILI qui vont certainement reflechir trouver des solutions, en choisir une, la meilleur qui nous convienne, lancer des actions politique en vue d unir les acteurs de la societe civil et declencher le processus révolutionnaire et nous vivrons enfin tranquille comme toutes les nations du monde civilise. bien entendu le paradigme consiste aussi mais surtout a garder les intellectuels chilien et oublier "nos" intellecontuels, qui parle beaucoup beaucoup et qui Pete a longueur de journee dans les salons de the.

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Guel Dring

Mais qui sont donc ceux qui doivent changer de paradigme, les tenants du pouvoir ou les "suppliciés" du pouvoir ? Ne serait-pas plutôt que rien ne se perd et que tout se transforme. Nous avions bien assisté à des bancs de FLNistes rejoindre le RND, pour retourner vers le FLN et autres. Puis de paradigme à un autre je préfère celui qui conditionne la vie humaine dans tous ses aspects à un paradigme Divin. Il suffit de croire, mais d'une certaine façon parce que les sujets ne sont pas les mêmes : nous pouvons croire à un récit aventurier ou à un acte quelconque de la vie quotidienne qui n'est pas le même que la croyance en Dieu, la Foi. Est-ce un paradigme que de concevoir, que lorsque tous les gens qui se trouvent sur la même longitude ou le même méridien, ils pratiquement en faits les mêmes habitudes. A 8 heures du matin, à Paris (heure d'hiver), à Alger, c'est l'ouverture des administrations, à midi, c'est le reflexe de pavlov qui joue son jeu pour les mêmes endroits ; c'est la disposition à déjeuner qui prend le dessus. Pour les musulmans pratiquants, à 12 heures 30 c'est à peu près la prière du dhohr, quand il est 21 heures, c'est la nuit pour tout ce beau monde de la partie européenne autant que celle d'Afrique, jusqu'en Afrique du sud, c'est le moment du dodo ou bien les virées de nuit, toujours est-il que l'homme subit la rotation terrestre sans en ressentir la moindre gêne. Autant pour la politique, que la vie sociale en général, il y a des fois où l'on a l'impression de maitriser notre travail, mais il se peut qu'un évènement extérieur intervienne et ne change l'aspect de la situation. N'a-t-on pas vu un gardien de but renommé ou un joueur qui pour le premier se fait marquer un but "bête" qui renverse la physionomie de la rencontre en 5/5, et pour le 2ème rater un penalty fatal. Le principe de peter : tant qu'il y a un déséquilibre des forces (et quel déséquilibre avec 42, 90 de participation "avancée) , il n'y aura jamais de paix sociale. Le problème est là. Tant qu'il n'y a pas de justice indépendante, dont le rôle serait d'harmoniser ces déséquilibres par le droit, il ne faudrait plus s'aventurer à se faire un paradigme que j'ai presque confondu avec pragmatique. Parce que pour certains du pouvoir, c'est la devise du marche ou crève !

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