50 ans de déligitimation solidaire de l’esprit de la résistance populaire

La délégation du GPRA à Evian
La délégation du GPRA à Evian

A chaque commémoration de leur mémoire collective, les Algériens sont requis par le tribunal de l’histoire de l’ancienne puissance coloniale pour se repentir d’avoir réclamé de garder leur terre et leur identité.

Chez nous, nous sommes convoqués par des rentiers de la mémoire, aussi peu nombreux que très influents, pour nous rappeler que nous leur devons les bienfaits de l’indépendance de l’Algérie. 50 ans après les Accords d’Evian, l’Algérie et la France restent les otages d’un passé permanent. Cette situation n’est pas singulière dans l’histoire des nations mais elle se distingue par le fait que nous assistons à une confusion délibérée entre bourreaux et victimes, une sorte de légitimation de la colonisation et par conséquent un déni de légitimité à notre résistance.

S’il est vrai que le monde occidental a fait d’immenses progrès dans les sciences et les techniques, il a cependant très peu évolué dans sa dimension humaine. L’arrogance des puissants n’est pas propre aux rapports sociaux internes, elle marque également les relations entre Etats. Elle est servie chez nous, il faut reconnaître, par les égoïsmes et notre incapacité à valoriser l’une des plus marquantes révolutions populaires de l’histoire contemporaine.

Le débat sur la repentance comme écran de fumée :

La France refuse de reconnaître le colonialisme comme un système de domination et reproduit un discours politique dont l’esprit emprunte à l‘anthropologie coloniale du 19 siècle et la lettre à la condescendance que confère la puissance. Il est faux de faire porter aujourd’hui la responsabilité du blocage dans nos relations au pouvoir politique algérien car du premier prédisent de l’Etat algérien renaissant, Benyoucef Benkhedda au président Bouteflika aucun chef d’Etat n’a jamais réclamé la repentance de la France. Cette manœuvre du premier cercle du président Nicolas Sarkozy était destinée avant tout à provoquer un rejet social et politique en France et à présenter l’Algérie comme un pays qui ne veut pas tourner la page et cherche à rompre la cohésion nationale en raison de la présence d’une forte communauté algérienne en France. Des officiels algériens ont relayé un discours aussi irréfléchi que contreproductif sur cette question de repentance. Cet écran de fumée a servi à faire différer les propositions de refondation des relations algéro-francaises sur la base de la reconnaissance des crimes de la colonisation et la mise en place d’un cadre de relations stratégiques commandées par la géopolitique et les intérêts bien compris des deux pays. Cette perspective avait suscité et suscite encore diverses oppositions aussi bien en France qu’en Algérie.

Les harkis, traîtres à la nation et alibi électoraliste

La classe politique française est l’otage consentant d’une minorité agissante de rapatriés, de harkis et de nostalgiques de l’Algérie française, présentés comme des victimes. L’argument électoraliste n’est que la face apparente de la persistance au sein de la classe politique française d’un fort ressentiment à l’égard de l’indépendance de l‘Algérie. Il est difficile de comprendre que les rapatriés, si bruyants soient-ils, puissent peser autant dans des relations aussi denses entre les deux peuples et les deux Etats. Il en est de même des harkis, traitres à la patrie, qui devraient avoir l’indignité de se taire à jamais et se réjouir de la magnanimité de l’Etat algérien qui avait dès 1962 rendu impossible toute poursuite judiciaire contre eux. Ils mesurent aujourd’hui qu’ils ont manqué de bravoure et d’amour de la patrie et qu’aucune société, pas plus la française qu’une autre, ne s’accommode du défaut de loyauté envers la patrie. L’adoption récente d’une loi pour protéger ces harkis de l’opprobre suffit à elle seule à reconnaître leur déshonneur au sein de la société française.

La déligitimation de Novembre, une responsabilité partagée

Le gouvernement français actuel a réussi, il faut reconnaître, à placer notre anniversaire dans une perspective de politique intérieure. Il a obtenu, dit-il, l’assurance du chef de l‘Etat algérien de le célébrer solidairement dans la sérénité et la modération. Les français ont le savoir faire et les moyens de le faire et ont déjà proposé aux institutions algériennes, pour mieux les neutraliser, une démarche commune. Elles sont réduites à attendre les consignes pour répondre aux propositions de leurs interlocuteurs français car incapables d’articuler une vision sans en en référer au pouvoir politique .

Tout ceci donne le sentiment que la démarche française règle le ton de l’événement qui a déjà placé le bourreau et la victime au même niveau de souffrance.

L’Algérie officielle, par la voie de son Président, a élevé il y a moins d’un mois au rang du 1er novembre 1954 les prochaines élections législatives du 10 mai. Déjà en 2008, il avait mis fin à la première constitution dans le monde arabe qui limitait à deux les mandants présidentiels pour installer la présidence à vie en convoquant l’esprit de Novembre. La décision politique étant centralisée et l’autonomie de pensée assimilée à la rébellion, la classe politique et les organisations censées défendre la mémoire avaient applaudi des meures et des gestes qui nourrissent aujourd’hui cette œuvre de désacralisation de Novembre 1954.

L’on se réclame avec force de la légitimité de Novembre, qui n’est pas le début de la libération, et l’on participe en toute insouciance à la déconstruction de son socle doctrinal pour ne laisser au peuple que la souffrance comme héritage de la mémoire de la résistance populaire. S’il est vrai que chaque algérien doit être conscient des souffrances endurées nous devons cependant nous prémunir de la tentation de la construction d’une identité de la souffrance. Nous n’avons pas que les traumatismes comme patrimoine commun.

Abdelaziz Rahabi

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Commentaires (7) | Réagir ?

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algerie

nice article thanks for your information

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algerie

merci

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