24 février : récupération des ressources naturelles et après ?

Le pétrole et Sonatrach sont l'épine dorsale de l'économie algérienne.
Le pétrole et Sonatrach sont l'épine dorsale de l'économie algérienne.

La nationalisation des hydrocarbures n’est pas spécifique à l’Algérie, mais elle est apparue avec la prise de conscience de certains pays.

De la problématique

Depuis pratiquement le début des années 80, de nombreuses voix, fortement affectées par l’actualité, tentent en vain d’imputer l‘échec d’asseoir une Politique pétrolière et gazière en Algérie à la nationalisation qu’ils qualifient d’hâtive, émotionnelle et coïncide avec la montée du nationalisme dans les pays pétroliers sans tenir compte de son impacte économique sur leur développement. Cette manière d’analyser un événement passé en s’appuyant sur les données du présent a conduit au dérapage qu’on connaît. Une restructuration organique et financière de Sonatrach en tant qu’instrument de l’Etat au nom du gigantisme pour le regretter amèrement quelques années plus tard. Sa coïncidence avec la commémoration de la date de création de l’UGTA se justifie amplement car sans le mouvement et la volonté ouvrière, ce processus n’aurait pas réussi. En effet, sur proposition du feu Abdelhak Benhamouda au ministre de l’énergie actuel et validé par le président Zeroual, on a donné à cette entreprise un statut de grand groupe pétrolier pour rassembler autour de lui les société ainsi déstructurées afin d’en faire de plus compétitives et redresser les erreurs du passé. Cette équipe, pour protéger ce groupe des convoitises, elle le verrouille pour rendre son unique action inaliénable, insaisissable et incessible par décret présidentiel 98-48 du 11 février 1998.Chakib Khelil est venu plus tard pervertir les objectifs de ce décret pour tenter de déverrouiller le groupe et ouvrir son capital aux entreprise de Dick Cheney si ce n’est encore une fois une très forte contestation populaire pour contraindre les pouvoirs publics de revenir sur leur décision. Ramener donc la nationalisation à son contexte historique contribuerait sans doute à mieux comprendre sa portée et surtout à situer les responsabilités des uns et des autres face au cafouillage qui prévaut actuellement à Sonatrach.

Du contexte historique de la nationalisation

La nationalisation n’est pas spécifique à l’Algérie mais elle est apparue avec la prise de conscience de certains pays qui se sont rendu compte de l’exploitation de leurs richesses par les grandes firmes multinationales. Il y a eu le Mexique en 1938 puis l’Iran de Mossadegh en 1951. Elle n’est pas non plus la conception d’une équipe au pouvoir mais largement explicitée dans les documents doctrinaux comme le programme de Tripoli (1962) et la Charte d’Alger en 1964.Il s’agissait en fait de récupérer les ressources naturelles et contrôler les instruments de régulation de l’économie. Le Code Pétrolier Saharien (CPS),qui était le seul cadre institutionnel avant l’indépendance,s’est trouvé modifié par les accords d’Évian en 1962 dans sa partie consacrée aux hydrocarbures dans un sens encore plus favorable aux intérêts Français et vient ainsi altérer le transfert de la souveraineté au profit de l’Algérie. En dépit de l’accord Algéro -Français de 1965, plusieurs contradictions ont été relevées dans le comportement des sociétés exploitantes:

• Insuffisance des investissements d’exploration;

• Gonflement artificiel des charges d’exploitation dans le seul but de réduire la marge qui revient à l‘Algérie;

• Rapatriement insuffisant du chiffre d’affaire réalisé par le groupe Elf, etc.

Plusieurs mois de négociation ont confirmé la position de la France de refuser l’alignement du pétrole algérien sur le régime fiscal pratiqué par les pays de l’OPEP et de se conformer à un contrôle de gisement par l’Algérie. C’est donc avec la souveraineté nationale et le libre exercice de disposer de ses richesses qu’il fallait peser les conséquences de la nationalisation du 24 Février 1971. Elle consistait en fait :

  1. de récupérer 51% des intérêts français dans la production du brut;
  2. la nationalisation totale des réserves gazières;
  3. La nationalisation de tous les moyens de transport

La réaction française était violente mais prévisible : les compagnies ont essayé entre autres de faire un Embargo sur le pétrole algérien en le déclarant « rouge »

Il ne s’agit pas ici de déclencher la symbolique des années70, mais juste souligner le caractère combatif de ce processus qui a exigé pour se concrétiser un acte de grand courage et une mobilisation très importante d’où son lien indéfectible avec l’organisation syndicale "d’antan" bien entendu.

Après avoir récupérer ces richesses qu’en a-t-on fait ? Ont-elles servies réellement au développement de l’économie nationale? Quels sont les questionnements à considérer aujourd’hui?

De l’importance des hydrocarbures dans l’économie de l’Algérie

Le poids des hydrocarbures dans l’Économie nationale est devenue un vrai casse tête, une préoccupation primordiale et un problème sérieux pour les décideurs. La rente pétrolière représente plus 46% du PIB 2011, prés de 98% des exportations. La contribution au PIB du secteur industriel ne cesse de diminuer, il est passé de 8.5 en 2003 à 5.3 en 2011. Seules 400 entreprises publiques représentent le parc industriel de l’État. Investissement public pèse 10% PIB. Production locale hors hydrocarbures n’est que 39% du PIB et repartie comme suit : agriculture 8% BTP 7% Industrie 5%, services privés 19% PIB. Les importations quant à elles ont un poids de prés du 1/3 du PIB. On peut donc déduire que la réorientation économique des années 80, suivie juste après par les événements liés aux terrorismes ont complément déconnecté voire même dévié les recettes pétrolières de leurs objectifs doctrinaux. Résultat : à part un effort visible entrepris dans l’infrastructure routière et à quel prix ! car l’affaire de l’autoroute est-ouest n’a pas encore livré tous ses secrets, plus de 178 milliards de dollars sont déposés dans des banques étrangères sans une idée précise de leur utilisation éventuelle pour le développement national.

Des alternatives proposées en débat à ce jour

• L’ouverture des capitaux des entreprises ou la privatisation.

Il a été constaté que désormais les investisseurs notamment étrangers s’intéressent plus aux secteurs à forte croissance pour la partager avec les algériens et leur laisser la prise en charge du coût social au risque d’enflammer le pays. Quant aux algériens, ils s’emparent des activités accessoires et ancrent leurs ventouses dans le seul but de sucer la rente pétrolière. Selon l’Office National des Statistiques (ONS), organisme étatique en la matière, il a été recensé en 2011 prés de 959 718 entités économiques en Algérie dont plus de 853 370 unités soit 88,92% restent versées soit dans le commerces soit dans les services, toujours est-il, très éloignées de la production proprement dite.

• Diversifier l’économie

Depuis pratiquement 1985 que les experts n’arrêtent pas de lancer cette formule générique sans pour autant circonscrire les domaines dans lequel l’Algérie pourrait exceller pour faire face au marché international. Que reste t-il de l’agriculture, de l’industrie, de l’éducation, des services etc. l’informel guide l’économie aujourd’hui. C’est un fait incontestable.

• Ne plus vendre du pétrole

Le laisser dans le sous-sol ne garantirait pas le maintien de sa valeur dans le temps et surtout ne fructifierait pas son rendement sauf si les cadres algériens sont réellement en panne d’idée.

• Investir les fonds souverains à l’étranger

Si les cadres algériens n’ont pas réussi à utiliser ces fonds pour le développement national, comment pourraient-ils le redéployer à l’international face aux mastodontes des investissements.

Ce débat autour d’une stratégie alternative au pétrole dure dans le temps. Mais l’objet autour duquel se situe cette discussion interminable, demeure une source tarissable. Alors, avons-nous assez de temps pour continuer ce débat ? Pour répondre, nous faisons un rappel de l’existant en matière de ressources en hydrocarbures en Algérie.

De quelques chiffres du secteur des hydrocarbures en Algérie

L’Algérie jouit d’un vaste domaine minier estimé à plus de 1.536 442 Km2 dont uniquement 774 688 Km2 sont utilisés. Un peu moins de la moitié soient 761 754 Km2 restent vierge et susceptibles de renfermer des hydrocarbures. 371 850 Km2 sont soit en phase de prospection soit en celle de recherche. Ceci est un atout considérable que seuls les Français et, partant les Américains en sont conscients. Le cadre législatif a évolué depuis 1986 dans un souci d’attirer les investisseurs pour trois raisons:

  1. Partager le risque d’exploration;
  2. Explorer les zones en profondeur du Sahara;
  3. Augmenter les réserves.

Il y a eu successivement :

• La loi 86-14 du 19 août 1986 amandée en 1991, pour alléger les dispositions fiscales;

• La loi très contreversée sur les hydrocarbures 05-07 du 26 avril 2005;

• L’ordonnance 6-10 du 29 juillet 2006

On est donc passé d’un régime de partage de production à un autre dit de concession évoluée. Il faut souligner que depuis la promulgation de cette dernière ordonnance, les investisseurs ne se bousculent pas pour prendre les blocs proposés par l’agence Alnaft. Ceci devra contraindre les pouvoirs publics à revoir leur copie pour certainement assouplir le système fiscal. En général, il est admis en exploration qu’entre le moment d’investir et le début d’exploitation, il faut compter au moins 5 ans pour la phase de recherche et de délinéation et de 2 à 4 ans pour le développement, donc toutes les découvertes actuelles sont l’œuvre des contrats de partage de production qui ont conduit depuis 1986 à plus de 266 découvertes dont 155 ont été faites par Sonatrach seule et 111 en association. On annonce 4 autres découvertes en 2012.Selon le revue de BP statistical Review of World Energy, on attribue à l’Algérie les réserves de:

• Pétrole : 12,2 milliards de barils soit 18,5 ans au rythme de production actuel

• Gaz : 4500 milliards de m3 soit 55,3 ans

Ces chiffres sont contestés par le milieu officiel et le ministre de l’énergie et des mines a déclaré le 4 janvier 2011 que nos réserves ne vont pas s’épuiser dans ces délais sans donner d’autres chiffres. On peut uniquement se contenter des déclarations du PDG de Sonatrach dans sa conférence de presse du 7 février 2012 qui situe leur augmentation de 40 à 50% ces dix dernières années

De la nouvelle donne du marché des hydrocarbures

Elle dicte de revenir aux fondamentaux avec des projections quantifiées. En dépit de la crise européenne, toutes les études prospectives s’accordent pour prévoir:

• Une demande de pétrole, alimentée surtout par les pays émergents et oscillerait autour de plus ou moins 2%/an et notamment en diminution cette année ;

• Malgré la croissance modeste, la part des hydrocarbures reste prépondérante ;

• Une importance marquée du gaz naturel ;

• La production de pétrole restera concentrée dans les pays du Moyen-orient, l’OPEP est amenée à doubler sa production pour passer de 30 à environ 60 Mbj à l’horizon 2030 ;

Les marchés des hydrocarbures sont plus que jamais globalisés, ceci implique :

• Les réformes de libéralisation /privatisation des industries énergétiques ;

• L’amélioration des conditions d’accès aux ressources et des codes pétroliers des pays producteurs ;

• Le développement généralisé des marchés spots, à terme, futurs etc. ;

• Le débat sur la prise en compte du pétrole à l’OMC se précisera dans les deux à trois années à venir ;

• La mondialisation suivie de ce qu’on peut appeler le « printemps Arabe » pose enfin la question des réformes politiques et de la démocratie dans les pays producteurs ;

En ce qui concerne le jeu des acteurs, on peut retenir :

• De plus en plus, un jeu complexe se noue entre les acteurs-clés du marché pétrolier: États-unis, OPEP (l’Arabie Saoudite), Russie, Chine et maintenant le Qatar ;

• L’accès au pétrole du Moyen-Orient restera plus que jamais un enjeu majeur pour les grandes économies importatrices ;

• La question de la sécurité d’approvisionnement est toujours posée par l’Europe

• La question de la domination pétrolière mondiale par les Etats-Unis est sérieusement posée et implique un décryptage de la politique pétrolière extérieure américaine en fonction des élections en cours dans ce pays. Doit-on conclure qu’avec les recollements des morceaux suite aux derniers scandales, Sonatrach reste très loin de ces préoccupations stratégiques…….

Rabah Reghis, consultant et économiste pétrolier

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Commentaires (2) | Réagir ?

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Atala Atlale

Mr. Idir Yahiaoui, c'est un triste constat basé sur la réalité, nous avons affaire à des irresponsables qui s'imposent avec un seul but détruire ce pays, son avenir et celui de ses générations. N'importe quel responsable doué de bon sens d'honnêteté et sans sortir des grandes universités aurait réussi à faire de ce pays, une terre prospère pour ses habitants, compte tenu des ses immenses richesses. Il faut y mettre un terme avant qu'il ne soit trop tard. Une nouvelle constituante devrait nous éviter ces graves dérives, avec une justice réellement indépendante afin de traduire ce gang de souteneurs devant les tribunaux, les nôtres et étrangers ! Votre post résume toute la situation. Cela fait mal, vraiment mal !

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Idir yahiaoui482

L'Algérie économie de services. Durant ses trois mandats au pouvoir le Président Abdelaziz Boutefika a offert presque gratuitement l la principale industrie de la sidérurgie aux Indes, le ciment a Lafarge France, les télécommunications, le raffinage de l amoniaque et les mines d or aux Égyptiens, la gestion des ports algériens aux émirats, et une parie des hydrocarbures aux français et autres pays... c est a dire il a brade les ressources les plus importantes du pays pour tout simplement de la chipa a ses membres du gouvernement. Il n a pas reussi a creer une seule usine de production importante telle que l aviation, l automobile, les trains, d'équipement agricole ou d irrigation.

Il s'est tout simplement contente de faire comme les monarchies arabes c est a dire acheter de tout, même de la bouffe sauf des hot dogs. Il ne réalise même pas qu'il a rendu ce pays mercantiliste comme le plus gros acheteur de services sur la planète.. L argent dépensé par le gouvernement du président Boutefika ne sert qu'à payer des firmes étrangères pour venir en algerie installer des équipements, construire des appartements et universités et autoroutes et routes. On dit que 33 milliards de dollars ont été payes en commission a ses amis par toutes ces firmes étrangères de services.

L'Algérie ne produit aucun produit industriel... elle acheté tout... équipements ou raffineries clés en main. Les compagnies étrangères emploient surtout des universitaires algériens pour ne faire que de la distribution de leurs produits. je pense que ces trois mandats du president ont ete un désastre économique.

Il fait signer des ententes avec beaucoup de pays mais ne les respecte pas toujours... par exemple sa politique de coopération sud sud avec l'amérique latine... Il préfère acheter des avions Bombardier du Canada alors que le Brésil a de très bons avions Embraer... Et nous savons combien le Premier ministre canadien monsieur Harper est anti Arabe et anti islam... surtout anti Palestinien... et aveuglement pro Israel. Le president Boutefika n est pas consistant avec ses politiques...

Cependant il faut lui donner le crédit sur la lutte anti terroriste et un certaine sécurité de la circulation sur le territoire national surtout durant le jour. Algerie après trois mandats du président se retrouve au point de départ des années 60. A part la construction domiciliaire et les routes et les barrages. Ou sont les grandes entreprises nécessaires au developpement économique de l Algerie... ? Mon inquiétude est cette association et alliance avec les grands financiers du moyen orient qui finiront par avoir une très grande influence sur la culture algérienne de nos ancêtres libéraux.