Enquête Sonatrach : une situation cocasse et des dégâts incommensurables

Chakib Khellil, ancien ministre de l'Energie
Chakib Khellil, ancien ministre de l'Energie

Après plusieurs mois d’instruction qui a vu défilé plusieurs cadres dirigeants y compris l’ex-DG, Mohamed Meziane, le juge d’instruction a saisi la Direction générale de Sonatrach pour lui fixer un deadline de 45 jours afin d’évaluer les préjudices financiers engendrés par les contrats qui ont été à l’origine de cette affaire.

Après plusieurs mois d’instruction qui a vu défilé plusieurs cadres dirigeants y compris l’ex-DG, Mohamed Meziane, le juge d’instruction a saisi la Direction générale de Sonatrach pour lui fixer un deadline de 45 jours afin d’évaluer les préjudices financiers engendrés par les contrats qui ont été à l’origine de cette affaire. Cette demande faite le 23 novembre 2011 est restée sans réponse si ce n’est l’insistance du magistrat qui a forcé les responsables à répondre pour lui permettre de boucler son dossier. Sur le plan des pratiques de la gestion à Sonatrach, le Président-directeur général retransmit cette requête aux responsables juridiques pour lui permettre de préparer un projet de réponse qu’il étudie avec ses conseillers puis ne l’envoie à la justice que lorsqu’il requiert le consensus au moins au niveau de l’entreprise. Le nouveau PDG de Sonatrach, Abdelhamid Zerguine, a confirmé que les quatre contrats qui ont déclenché cette enquête ont effectivement engendré un préjudice financier au groupe. Sa lettre évalue un premier préjudice à 26,19 millions de dollars sur le marché avec la société Contel-Funkwerk et relatif au système de télésurveillance.

Pour le cas de la réalisation du GK3 par la compagnie Saipem, les pertes avoisinent les 334,64 millions de dollars. En ce qui concerne la rénovation de l’ancien siége du groupe à l’entrée haute de l’avenue Ghermoul, il relève carrément un écart de 40,40 millions de dollars en soulignant la non-exécution du contrat de réalisation. Le directeur de la cellule juridique de Sonatrach, certainement chargé par son PDG de représenter l’entreprise, a tenté selon des indiscrétions de semer le doute dans l’esprit du juge d’instruction pour d’abord contredire l’écrit de son responsable et tenter de minimiser les dégâts en se cachant "maintenant" derrière le manque d’expertise à Sonatrach pour procéder à une évaluation objective. Ce sont là des faits reconnus et révélés par la presse nationale, maintenant que dire d’une telle situation selon toute vraisemblance comique digne d’une république bananière d’antan ? Sur le plan de la forme, la demande de la justice à Sonatrach revient au scénario où un juge demande à un accusé qui reconnaît son forfait de déterminer les conséquences causées à sa victime, forcement, il minimise. Les citoyens et la justice sont très au courant des procédures de gestion à Sonatrach. Lorsqu’il n’y aucun problème ces même juristes se bousculent pour s’occuper des dossiers afin de profiter des missions à l’étranger avec des dépenses faramineuses mais en cas de pépins, ils cherchent des dérobades pour fuir leur responsabilité, pourtant établie.

D’autre part, il n’est pas extraordinaire que ce directeur juridique considère que ce préjudice estimé à un total de près de 400 millions de dollars n’est qu’une goutte d’eau dans un océan, eu égard à ce qu’il a vu passer. Toujours est-il, un tel comportement aura montré l’esprit d’équipe et la légèreté avec laquelle on gouverne une entreprise dont l’importance est vitale pour l’économie algérienne. Sur le fond, Sonatrach est régie par un statut de SPA défini par le décret présidentiel 98-48 du 11 février 1998. Depuis l’arrivée de l’ancien ministre Chakib Khellil, cette entreprise fonctionne en infraction avec le code du commerce algérien bien que l’article 9 du décret sus-cité définit en toute clarté son statut et son mode de fonctionnement. Tous les groupements créés avec les étrangers ne figurent pas dans ce code pourtant, ils sont formés avec la complicité de tous les juristes qui ont occupé ces postes. Son organisation semble matricielle, mettant les branches d’activité en avant mais dans la pratique c’est le style staff and line qui définit les procédures de gestion. En effet, en dépit de leur nomination par décret présidentiel, l’exécutif n’a qu’un rôle fonctionnel. Il conseille le PDG dans l’activité qui le concerne mais n’encoure aucune responsabilité des conséquences de la décision qu’il prendra. Pourtant, il est bien spécifié par l’article 11 de ce décret, qu’il est assisté dans sa gestion par les directions exécutives dont justement la juridique en est une. La composition du conseil d’administration renferme quant à lui deux représentants du ministère de l’Energie et des Mines et trois autres des Finances dont un d’une banque publique, des représentants des travailleurs et d’au moins quatre membres du comité exécutif de Sonatrach. Alors ! Comment se fait-il qu’aucun de ces membres ne soit au courant de cette supercherie ? Lorsqu’ils font valoir leur droit au quitus, ils sont les premiers mais pour situer des responsabilités des délits, ils ne savent rien, à commencer par le représentant de l’Etat qui est lui-même président de l’assemblée générale.

La stratégie des uns et des autres est toute claire : emmener le magistrat à revenir aux aspects purement juridiques des procédures dans une entité qui n’a jamais respecté la loi pour complexifier ses tâches et conclure à l’incompétence. Pourtant, les préjudices non seulement financiers mais aussi moraux sont causés à tout le peuple algérien à travers l’Etat qui le représente et la justice en est la garante. C’est donc au procureur général, et partant le juge d’instruction que revient la tâche de désigner des experts afin d’évaluer les conséquences de ce drame. A moins que tout cela n’est que de la poudre aux yeux.

Rabah Reghis, consultant et économiste pétrolier

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Commentaires (5) | Réagir ?

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samidou

vous avez volé tous nos rêves et tous nos argent, notre peuple et pauvre c'est très triste.

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madjid ali

Combien ce pourri a boufé de dollars ?

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