Barbès Café à la Villette, l'âme algérienne chantée

Barbès Café à la Villette, l'âme algérienne chantée

Le café se confond avec l'immigration. C'est dans cet espace que sont nés les plus grands tubes.

Tout est dit par cette lumière un peu folle. Lucette, tenancière de bistrot, parle de ses clients. Tous arrachés à leur être. Leur pays. Ils sont tirés à quatre épingles, comme Mouloud qui envoie sa voix et sa douleur dire les mots de El Hasnaoui. Les écrans géants qui narrent les ancêtres en noir et blanc nous remettent sur le chemin de l'histoire.

Subitement, une note fuse c'est Slimane Azem, embrigadé dans les services du travail obligatoire (OST) après avoir été un bel ouvrier dans l'industrie française.

Aujourd'hui, il est enterré à Moissac. L'Algérie refuse encore de lui reconnaître le statut d'artiste fondateur. Tant pis ! Méziane Azaïche, Mohamed Ali Allalou, Aziz Smati, ces valeureux compatriotes, avec Nasserdine Dalil, la liste est trop longue, ont décidé d'écrire une page de l'histoire. Ils ont réussi l'exercice. Saâdi, un ami qui m'accompagnait le jour où j'ai décidé d'aller voir le spectacle a pleuré. Je ne cherchais pas les larme. Les artistes qui étaient sur scène ont scoré. Ah Rafik au clavier ! Hafid au chant ! Tous ! Tout ce village qui m'a replongé dans l'enfance, les tirs, la mort, la vie, la résistance. La découverte du drapeau ! En aucun cas, il n'est possible qu'un spectacle, un opéra presque improvisé, déclenche autant d'émotions.

Barbès Café fait tout ça. Il faut remercier Naïma Yahi et toute l'équipe qui l'a rejointe pour avoir déterré notre mémoire. Il faut penser à embrasser Mohamed Ali Allalou et Aziz Smati, ces victimes de l'obscurantisme et du terrorisme. Et qui continue tout de même à croire à leur pays.

Sami, Yanis, Mehdi … quatorze ans. Musiciens accomplis, enfants de musicien, surtout pleins de foi et de certitudes. Ils tuent par leur virtuosité ! Entre deux titres, la vie ressurgit. Le café. Un lieu qui lorsque l'Algérie était coincée a joué un rôle majeur.

Le café se confond avec l'immigration. C'est dans cet espace que sont nés les plus grands tubes. L'immigration n'a pas connu les grandes scènes. Son vécu a été consumé dans les petits cafés, ceux de Barbès notamment. Rachid Taha a compris cela, c'est ainsi, sûr, qu'il s'est intéressé au souvenir.
Qui peut témoigner des assassinats d'octobre 1961 si ce n'est les artistes ?

Barbès Café a été conçu ainsi. Tel un livre d'histoire, il dit les moments, les beaux et les mauvais, vécus par nos pères. Il n'est pas sûr que ce café ait tout dit. Nous sommes, cependant, certains d'avoir écouté les plus beaux textes récités par ceux qui sont partis avant nous.

Le Cabaret Sauvage, sans être méchant, s'est mis en tête d'être gentil, de rapprocher les géniteurs de leurs enfants. Rien n'est plus évident que cette entreprise. Il reste encore des choses possibles: la musique soude ! Surtout celle qui vient du fond du corps. De l'âme. Barbès Café, c'est cela. C'est l'âme.

Méziane Ourad

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