L’autoritaire président du Turkménistan réélu pour cinq ans

Gourbangouly Berdymoukhamedov
Gourbangouly Berdymoukhamedov

Sans surprise, le président turkmène Gourbangouly Berdymoukhamedov vient d’être réélu « triomphalement » avec 97,1% des suffrages, dimanche 12 février 2012.

Dans ce pays d'Asie centrale, un des plus opaques au monde, où le parti unique vient d’être aboli sans pour autant disposer ne serait-ce que d’un semblant d’opposition, les élections se suivent et se ressemblent. A chaque scrutin présidentiel, les Turkmènes font preuve d’un enthousiasme qui ne se dément pas. Succédant au "président à vie" Saparmourat Niazov mort fin 2006, Gourbangouly Berdymoukhamedov est élu en février 2007 avec 89% des voix. C’est déjà bien, mais les Turkmènes ont eu à cœur de montrer qu’ils pouvaient faire mieux en atteignant cette fois un score de 97,1% pour une participation dépassant les 96%. Un triomphe que n’a pas manqué de souligner le président de la commission électorale en ces termes sobres : "C’est un chiffre très élevé et nous en sommes très heureux".

Réformes promises, réformes oubliées

Dentiste de formation, âgé de 54 ans, M. Berdymoukhamedov s’est donné pour mission dès son arrivée au pouvoir, de démocratiser le pays et de le sortir de son isolement. Il revêt ses habits de réformateur en autorisant le cinéma, l’opéra et le théâtre et en abolissant, il y a à peine un mois, le système du parti unique. Mais sa nouvelle tenue compte bien des accrocs. Plus de parti unique, certes, mais pas d’opposition non plus. Ce qui n’a pas empêché sept autres candidats de se présenter à la présidentielle qui tous, sans exception, sont des partisans du président. C’est d’ailleurs cette absence de compétition qui a fait renoncer l’OSCE (Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe) à envoyer une mission d’observateurs à la présidentielle de dimanche.

En cinq ans, le président turkmène qui est aussi Premier ministre, s’est attaché à ne pas laisser retomber le culte de la personnalité que son prédécesseur avait érigé en épine dorsale du pouvoir. Même si M. Berdymoukhamedov a abandonné le calendrier local célébrant la famille Niazov, il n’en conserve pas moins des pratiques surprenantes à des yeux non avertis. Ainsi, pas plus tard que le mercredi 8 février 2012, le journal officiel du Turkménistan a-t-il annoncé qu’une unité militaire et un musée seront dédiés au père du président pour le remercier d’avoir élevé un fils "infiniment fidèle à son peuple". Dans le même genre "hommage à la lignée présidentielle", les statues de son père et de son grand-père se multiplient en même temps que les portraits du président s’accrochent à chaque coin de rue.

WikiLeaks

Il y a belle lurette que, dans ce pays de six millions d’habitants et malgré la chute de l’URSS en 1991, les opposants sont soit exilés, soit en prison. Et ce n’est pas dans les médias officiels, les seuls autorisés, que les Turkmènes risquent d’en entendre parler malgré les dénonciations répétées par les ONG de défense des droits de l’homme. Les dérives totalitaires du bon docteur Gourbangouly Berdymoukhamedov ont alimenté les pages de WikiLeaks. Selon les câbles diplomatiques américains révélés en janvier 2010 par le site, "Berdymoukhamedov est vaniteux, méfiant, réservé, strict, très conservateur, menteur invétéré et bon acteur"…

Ainsi habillé pour l’hiver, le président turkmène n’en conserve pas moins de bons amis à l’étranger. Et parmi ceux-ci, la France qui l’a reçu officiellement en février 2010. Il faut dire que M. Berdymoukhamedov a des arguments de poids quand il s’agit de parler affaires fort des fabuleuses réserves de gaz, quatrièmes du monde, dont regorge son pays. Et, comme nombre de ses semblables dictateurs, le président turkmène a une passion pour le bâtiment.

L’occasion donc de conclure bien des contrats, notamment avec le numéro un du BTP français, Bouygues qui a construit entre autres dans la capitale Achkhabad, le siège du ministère des Affaires étrangères et plusieurs bâtiments abritant des instituts comme celui de la recherche sur le pétrole et le gaz sans oublier un gigantesque complexe présidentiel de 70 000 mètres carrés. Partenaire depuis 1994 de cette ex-République d’Asie centrale, Bouygues a réalisé plusieurs des projets les plus grandiloquents du défunt dictateur Niazov. Depuis cette époque, Bouygues a réalisé une cinquantaine de bâtiments au Turkménistan pour plus de 2 milliards d’euros. Avec une croissance du PIB qui frôle les 10% en 2011, le Turkménistan ne ressent pas les soubresauts de la crise mondiale. Pays rentier mais population pauvre : en 2008, un quart de ses habitants vivait avec 1,25 dollar par jour.

Claire Arsenault

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