La sortie du PDG de Sonatrach confirme la dérive de l’entreprise

Abdelhamid Zerguine, PDG de Sonatrach, nommé le 17 novembre dernier.
Abdelhamid Zerguine, PDG de Sonatrach, nommé le 17 novembre dernier.

Pour sa première sortie médiatique, Abdelhamid Zerguine le nouveau PDG de l’un du plus grand groupe pétrolier au monde conforte l’absence d’une stratégie à même de garantir la préparation de l’après-pétrole et l’espoir d’un redressement possible de ce qu’il reste de Sonatrach.

Abdelhamid Zerguine s’est contenté selon toute vraisemblance de lire des chiffres et d’assumer des contradictions sans se rendre compte bien entendu. On aura retenu que l’entreprise nationale pourrait entrer dans le capital d’Orascom pour continuer sa dérive diversificatrice qui l’éloigne encore plus de son métier de base. Plus de 90%, voire parfois même 100%, de la pièce de rechange du secteur des hydrocarbures proviennent de l’importation. Des unités entières sont immobilisées pour des garnitures en plastiques ou de revêtement que les cadres de cette entreprise n’arrivent pas ou parfois ne veulent pas sous-traiter en Algérie.

Le public pour lequel est destinée cette consommation de chiffres souhaitait de la nouvelle direction des projets d’intégration dans les deux sens dans des grands groupes pétroliers afin de transférer et de consolider le savoir et le savoir-faire dans ce vaste domaine et qui lance les jalons de cet après pétrole tant attendu. On aurait aussi apprécié la stature du personnage qui s’est contenté de suivre ce qu’on lui dicte d’en haut pour la consommation du grand public, surtout local puisque pour les étrangers, cette situation arrange leurs affaires. C’est en commis de l’Etat que ce PDG se présente pour la première fois depuis sa nomination mais à aucun moment il s’est comporté en "manager" d’un grand groupe de la tranche et de l’ambition de cette entreprise. Quant au grand public pour lequel sont destinées ces informations, il connaît très bien les pratiques à Sonatrach à travers les membres de sa famille, pratiques qu’il est inutile de rappeler ici par respect aux lecteurs.

Les 40 à 50% de renouvellement des réserves, lancées en grandes pompes, restent selon les spécialistes étriquées comparées aux résultats d’autres pays de niveau de développement similaire à l’Algérie. La Libye avec toutes les difficultés qu’elle a rencontrées ces dernières années et avec un domaine minier plus restreint en a fait mieux sur la même période. Les pays du Golfe de Guinée ont réussi à doubler leurs réserves. Et nous nous passerons de celles de certains pays du Moyen-Orient où le taux de découverte dépasse les 50%. L’Algérie dont le domaine minier avoisine les deux millions de km2 et qui n’est exploré qu’à son tiers devrait avoir honte d’énoncer de piètres chiffres. L’exportation qui a atteint le chiffre de 72 milliards de dollars en 2011 contre 56 seulement en 2010 et 44 l’année d’avant n’est pas dû à un effort intensif de créativité des cadres de cette entreprise mais de la montée du cours de notre pétrole de référence, le Sahara Blend qui est passé en moyenne à 112,2 dollars le baril en 2011 contre 80,1 et 61,9 les années d’avant. Soit une hausse évaluée à prés de 40%. Pour preuve la vice-présidente de la branche commercialisation a indiqué aux journalistes présents que "les clients de Sonatrach sont en train d’utiliser les conditions contractuelles au maximum, mais nous restons dans les quantités contractuelles en sachant que dans tout contrat, il y a une flexibilité pour permettre une modulation". Et de préciser en savourant : "Nous n’avons reçu aucune demande officielle pour des volumes additionnels en dehors des quantités prévues." C’est la preuve par 9 de l’immobilisme qui prévaut dans cette entreprise. Aucun effort d’imagination ou de marketing mais développer une culture d’attendre au chaud dans le bureau que le client se manifeste pendant que d’autres compagnies et notamment celles du Moyen-Orient vous raflent les quantités en vous prenant des parts de marchés en Europe et surtout en Italie où Sonatrach dispose d’une filiale qui commercialise le gaz à juste titre.

Beaucoup de questions en suspens

Il n’y a rien d’extraordinaire à ce que la fiscalité soit en hausse de près de 20% en 2011, pour la simple raison que la base fiscale a augmenté durant la même période pour des causes totalement extensives et en dehors du système productif. Maintenant de nombreuses questions restent à poser en tenant compte des chiffres annoncés. Si le taux de renouvellement des réserves se situe à 122% en 2011 avec une vingtaine de nouvelles découvertes, quelles sont les années où il a été de 8% pour arriver à une moyenne de 40 à 50% comme c’est annoncé ? Quel est le niveau de ces découvertes ? Sont-elles d’ordre marginal ? Ou économiquement exploitables tenant compte du prix et des conditions techniques actuelles ? Ces 687 puits d’exploration et 660 de développement à forer sur cinq ans concernent-ils les gisement déjà découvert ou ceux à découvrir ou en voie de l’être ? Un élément d’une importance capitale vient sciemment ou inconsciemment affermir la marginalisation de ces gisements car Abdelhamid Zerguine indiquait à juste titre que "la production des gisements opérés par Sonatrach seule est de 147 millions de tonnes équivalent pétrole (TEP)". Les gisements de Hassi Messaoud et celui de Hassi R’mel en sont pour 75%. Si l’on croit ces chiffres, la différence en ajoutant les volumes produits par les associés n’est que de 1 million de TEP puisqu’il est explicitement déclaré que "le volume total de la production vendue s’est élevée en 2011 à 148 millions de TEP dont 111 exportés."

Enfin, il faut tout de même souligner que la performance de l’amont pétrolier ne se mesure pas en nombre de puits tout court mais en ceux forés au km2. Nous sommes actuellement à 13 puits forés aux 10.000 km2 contre une moyenne mondiale de 105 pour une même superficie. C’est dire que le dicton ancestral qui affirme en toute logique qu’"au pays des aveugles,le borgne est roi" ce qui est normal. Mais notre situation tendrait à dire plutôt qu’au royaume des borgnes, l’aveugle est roi. Toute la question est jusqu’à quand ?

Rabah Reghis, consultant et économiste pétrolier

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Commentaires (7) | Réagir ?

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Amar Ath Tsouathi

Si la sortie de ce PDG confirme la dérive de Sonatrach, son intronisation également.

Mr Reghis que je salue au passage (je le connais bien) a fait une analyse généraliste et documentée à travers une presse pas très proche de la source. Mr Reghis, qui est un ancien de Sonatrach, aurait pu appréhender le problème autrement. C'est à dire à travers, la mauvaise évaluation en Ressources Humaines et qui a donné lieu à une 'faune' d'incapables et de pistonnés. Je l'aurais souhaité pour ma part.

Quant aux questionnements de Mr Reghis sur le volume des forages, il sait parfaitement que ceux ci sont répartis selon l'Exploration et le Développement (Il l'a précisé également). En introduisant la donnée des nouvelles découvertes et des anciens gisements, cette répartition aura du mal à être comprise par des lecteurs pas ou peu induits.

En bref, le problème de SH est dans le Management de sa ressource humaine (dans son évaluation). A commencer par la nomination de ce présent PDG...

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Mehdi marekchi

Je n'irai pas par quatre chemins, Feu Ferhat Abbas avait vu juste. Nous ne ferons jamais une nation

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