L’Algérie au centre de rivalités coloniales franco-américaines

Vers quelle puissance le pouvoir se penche pour survivre ?
Vers quelle puissance le pouvoir se penche pour survivre ?

En échange de la protection du système politique totalitaire des militaires algériens par les Français, les premiers devaient céder de la souveraineté nationale. Notamment en se pliant aux exigences de leurs protecteurs en matière de relations économiques.

Le projet du "Grand Moyen-Orient", cher aux Américains, se fonde principalement sur trois principaux objectifs : la destitution du nationalisme conservateur et totalitaire représenté par une petite bourgeoisie militaire, qu’ils contrôlaient, protégé et instrumentalisé en tant que moyen de stabilisation de la région, pour préserver les garanties de leur accès à l’énergie et à la sécurité d’Israël, parce que devenu obsolète devant la mutation géostratégique à la suite de la fin de la guerre froide, et inopérant devant la vague de contestation massive des populations arabes, d’une part ; la consécration de démocratie de façade dominée par une idéologie islamiste dit "modérée" et qui en réalité est croupion, facilement maniable et plus perméable à la corruption, capable de maintenir les populations de la région dans un stade prépolitique, pour maintenir les sociétés arabes dans un statu quo ; et enfin la neutralisation des véritables forces démocratiques, porteuses de volonté de contestation des conditions de la distribution internationale des richesses, et de solidarité active avec les peuples en luttent pour leur autodétermination, particulièrement la Palestine et le Sahara occidental.

Le concours des théocraties pétrolières

Ce projet est en train de se réaliser grâce à l’aubaine du "printemps arabe" avec le concours des théocraties pétrolières dont l’Arabie Saoudite et particulièrement le Qatar, qui a investi dans ce chantier sa diplomatie, ses pétro-dollars et sa machine de propagande, la chaîne satellitaire Al Jazira, et avec la complicité d’une petite bourgeoisie conservatrice locale par sa caution de l’idéologie nouvelle "l’islam politique modéré", disposée à ce jeu pour ses intérêts et aussi pour se venger de plusieurs décennies de répression de la part des militaires qui ont régné jusque-là sur la société de façon absolue et sans partage.

Si les régimes nationalistes arabes sont tombés facilement les uns après les autres, le cas de la Syrie reste à ce jour suspendu aux résidus de la fin de la guerre froide, par la résistance de la Russie à son dénouement.

Quant au cas de l’Algérie, il se présente sous une forme très complexe. Passé, après la fin de la guerre froide de la protection du bloc de l’Union soviétique, à une forme particulière de "protectorat" français, tellement les intérêts de ceux-là et de ceux de la petite bourgeoisie militaire algérienne se confondaient. En échange de la protection du système politique totalitaire des militaires algériens par les Français, les premiers devaient céder de la souveraineté nationale, notamment en se pliant aux exigences de leurs protecteurs en matière de relations économiques et à travers une passivité devant les passifs que représentent les crimes contre l’Humanité, commis pendant la période coloniale. Il devient donc vital pour les Français de protéger par tous les moyens le régime militaire algérien pour sauvegarder leurs intérêts avec ce pays. Dans ces conditions, les Français ne trouvent rien à redire sur l’instrumentalisation d’une démocratie de façade et de fausses réformes par le pouvoir algérien, qui sont pourtant rejetés et critiqués radicalement et sans concessions par l’opposition politique, la société civile et par la presse libre.

La situation de la Syrie et de l’Algérie, qui vient contredire le projet du "Grand Moyen-Orient" américain, tel un grain de sable dans les rouages de ce grand chantier colonial, entraîne les Américains dans un bras de fer tactique, aussi bien contre les Russes pour la Syrie que contre la France pour le cas de l’Algérie. Plusieurs indices rendus publics dans les médias ces derniers temps viennent renforcer la crédibilité de cette thèse.

En ce qui concerne l’Algérie, il y a eu d’abord l’assassinat du Professeur Ahmed Kerroumi, un activiste politique qui faisait partie des représentants de la société civile avec lesquels le rapporteur spécial des Nations unies à la liberté d’expression et la liberté de la presse Frank La Rue, s’était entretenu, lors de sa visite d’Oran, de la situation des droits de l’homme dans le pays.

Il y a eu ensuite les révélations du quotidien national El Khabar, que les Américains veulent créer un CNT algérien comprenant les islamistes Anouar Haddam, exilé aux États-Unis, Rabah Kebir en Allemagne, Abassi Madani au Qatar et Saïd Sadi, dans une forme renouvelée de la version du contrat de Rome.

Pour sa part de révélations, la secrétaire générale du Parti des travailleurs (PT), Mme Louisa Hanoune qui s’exprimait lors d’une conférence de presse bilan de la Conférence internationale, organisée conjointement avec l’Union générale des travailleurs algériens (UGTA) sur le thème : "Contre les guerres d’occupation", a révélé que la délégation américaine présente à cette conférence a pu obtenir des informations selon lesquelles le CNT libyen a entrepris des démarches, soutenues par Washington, pour la création d’un CNT algérien, pour renverser le régime en place. Cette information sera corroboré par Wikileaks, qui révèle, qu’un sénateur américain a rendu public, récemment, un document, adressé par Benkhelifa, membre du CNT libyen, à la CIA, dans lequel il a dit que Mostefa Abdeljalil, le président du CNT est prêt pour apporter son soutien à la démarche de création d’un CNT en Algérie.

L’indice le plus spectaculaire et le plus près de nous, est l’arrestation et la demande d’extradition le 16 janvier de Mourad Dhina, en exécution d'un mandat d'arrêt international émis par Alger, suite à une condamnation par la justice algérienne en 2003. Mourad Dhina est cadre du FIS dissous, et membre fondateur du mouvement d'opposition islamiste en exil Rachad, qu'il avait fondé en 2004 avec notamment des officiers dissidents, dont le colonel Mohamed Samraoui (*), ancien officier du contre-espionnage qui a déserté sa fonction et s’est réfugié en Allemagne, il est également directeur exécutif de l’ONG de défense des droits de l’homme Karama, basée à Genève,

Pourquoi Mourad Dhina fut arrêté ce jour-là et non pas avant ? Pourtant, ce dernier se rendait régulièrement à Paris, où les militants du mouvement Rachad activent publiquement, en ayant un bureau et un studio d’enregistrement pour la chaîne de télévision Rachad TV.

Tout porte à croire que le mouvement Rachad est associé au projet de création d’un CNT algérien pour renverser le régime d’Alger. Il y eut d’abord, le 11 janvier, le rassemblement organisé par ce mouvement justement, devant l’ambassade d’Algérie à Paris pour dénoncer la dictature militaire. Selon un membre du bureau politique de Rachad, le jour de son arrestation, il venait d’assister à une réunion, au cours de laquelle, ce mouvement a décidé d’une initiative politique importante impliquant toute l’opposition. Auparavant, le 13 janvier, des militants de Rachad ont participé à la réunion de fondation du mouvement Agir pour le changement et la démocratie en Algérie (ACDA), dont Rachad est co-auteur de la rédaction de la charte de ce mouvement.

L’ACDA dans son objectif inavoué, comme relaté dans mon article : "Impasse à la crise politique et danger de recolonisation", paru sur le Matindz.net le 17 janvier, envisage de rassembler le maximum de militants et des personnalités de l’opposition algérienne, pour faire front commun et aller ensemble à une constituante, qui ne peut se faire logiquement que par le renversement du régime d’Alger, dans le cadre d’un CNT. La charte de ce mouvement, qui est ambiguë sur la question de la séparation du religieux et du politique, vise notamment à rassembler toutes les tendances idéologiques à ce projet, et activer sans porter le soupçon sur elle d’être associée à la mouvance islamiste Rachad, ni au projet de CNT américain.

Contacts DCI et Rachad

Selon un membre du bureau politique de Rachad, quelques jours avant son voyage à Paris, Mourad Dhina a eu un entretien avec un émissaire du général Bachir Tertag, nouveau patron de la DSI (Direction de la sécurité intérieur). La réponse de Mourad Dhina n’a pas été satisfaisante aux attentes du régime d’Alger, qui, à défaut d’arrangement, a opté pour le contre offensif. La France avait tout à gagner à s’exécuter par l’arrestation de Mourad Dhina, pour déjouer le projet américain, et préserver ses intérêts dans sa relation avec l’Algérie. Le bras de fer franco-américain ne fait que commencer.

L’Algérie, d’une façon ou d’une autre, court à sa perte. La solution pour elle de préserver sa souveraineté nationale et sa paix civile est de trouver une solution interne, par la normalisation de la vie démocratique et de trouver un compromis assez juste pour les passifs de la décennie noire en matière de morts, de disparitions, de destruction des bien publics, ainsi que la dilapidation de l’argent de la rente pétrolière qui se poursuit à ce jour.

Youcef Benzatat

(*) Le colonel Samraoui est rentré en Algérie l'année dernière.

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Commentaires (17) | Réagir ?

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azdine necir

C'est quoi cette histoire du CNT libyen bricolant un CNT algérien ? Moi j'ai entendu parler d'un CNT ukrainien voulant faire un CNT anglais (contre la dictature de la reine).

Soyez sérieux, et arrétez de récolter des bribes d'infos (AFP et autres) pour les assembler à votre guise.

L'Algérie a des lois, deux chambres, des partis et des journaux libres (comme celui dans lequel j'écris en ce moment). Celui qui veut que ça change a le droit de se présenter devant les urnes.

Tout le reste c'est de la propagande : il n'y a qu'à voire les imbécilités dans le net, youtube etc...

c'est plein de maroc, d'israel, de france, de démocratie soit disant bafouée et d'armées algérienne criminelle : on voit que ces loufoques ne connaissent rien ni à l'Algérie ni à l'armée algérienne.

J'ai même connu un type à Alger; qui me disait : "L'Algérie perçoit tant de milliards à vendre son pétrole, eh bien moi je veux ma part et tout de suite".

Enfin je vous invite à méditer ce qu'a dit JP Sartre : "Quand au Parthénon on dit liberté, au fin fonds de l'Afrique on entend té té té... "

Une dernière chose : si par hasard, il y a création d'un "cnt" algérien (qui résiderait donc à Tripoli, je serais le premier à aller les zigouiller, même si je dois en crever.

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khelaf hellal

On connait trop bien le double jeu des islamistes purs et durs qui consiste à faire de l'opposition tout en ayant un ancrage dans le pouvoir pour le phagocyter sur tous les cotés jusqu'à ce qu'il leur tombe entre les mains. Ils mangent ainsi dans la main de leur protecteur tout en lui fauchant l'herbe sous les pieds. Ils parasitent et polluent toutes les organisations citoyennes de la véritable opposition pour mieux les noyauter et délégitimer leurs nobles luttes rendant ainsi un grand service à leurs commanditaires qui se frottent les mains en coulisse. Des islamistes bien rodés dans l'infiltration et la ruse capables de toutes les transmutations pour arriver à leur fin. Ils avancent à petits pas par doses homéopathiques sans se découvrir jusqu'à neutraliser et absorber cette ANP qui leur est restée en travers de la gorge et qui les a battus et stoppés dans leur projet d’Afghanisation de l'Algérie.

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