Christian Mercier, porteur de valises du FLN

Christian Mercier.
Christian Mercier.

Cinquante ans après l’indépendance algérienne, Christian Mercier, Français vivant dans le département de la Sarthe, se souvient de ses années passées au côté des militants de la Fédération de France du FLN.

Défenseur patenté des droits de l’homme, Christian Mercier est cependant discret. Il faut insister pour l’entendre parler de sa "modeste participation à la lutte de libération du peuple algérien", comme il le dit.

"Mon intérêt pour le combat des Algériens remonte à ma période au lycée de Rouen, un ville ouvrière où je suis né. A 15 ans, j’avais monté une cellule communiste au lycée. Mais j’ai vite compris que le Parti communiste avait une position pas très claire sur l’Algérie, du moins pas en faveur de lutte pour la libération. D’ailleurs, j’ai été exclu du parti pour mes positions. J’y avais par ailleurs deux camarades algériens dont les parents étaient des militants du FLN. Ils les avaient placés dans ce lycée pour leur faire épargner une arrestation et les désagréments de la clandestinité. J’échangeais beaucoup avec ces lycéens algériens sur le combat que menait le FLN. Il faut dire que mon père était un partisan de Mendès France, un militant de la gauche humaniste. Toutes ces influences ont contribué à me sensibiliser à la question de la décolonisation.

A 17 ans, je suis venu à Paris au lycée Voltaire. Cet établissement était à l’avant-garde des luttes politiques anticolonialistes. Il y avait un nid de militants trotskystes et communistes particulièrement actif. Je faisais partie du comité de la paix, un mouvement engagé dans l’anticolonialisme entre autres. J’étais un sursitaire, mais les choses étaient claires pour moi, si j’avais reçu mon ordre d’appel pour aller me battre en Algérie, j’aurais refusé.

En 1960, j’habitais dans le 17e arrondissement de Paris, un quartier populaire où il y avait beaucoup d’étrangers. C'était là que j’ai été contacté par des militants de la Ve Internationale, dirigée par Michel Raptis, dit Pablo (*) pour aider comme ils me l’ont dit les nationalistes algériens. Ce mouvement trotskyste était impliqué dans la lutte pour l’indépendance algérienne. Bien entendu, j’ai accepté la proposition sans hésiter. Puis j’ai eu un premier contact avec des militants du FLN dans un bistrot à Barbès. C’était un après midi. Ils m’ont chargé de convoyer une valise. Ce que j’ai effectivement fait. Je l'avais emmenée d'un bistrot à un autre. Je pense que c'était pour tester au début. Il va de soi que je ne savais pas ce que contenait cette valise, ni d'ailleurs les autres. Je ne me posais pas la question. Je faisais ce que j’estimais être mon devoir, sans plus. D’ailleurs même si je connaissais le contenu, que ce soit de l’argent ou des armes, ça n’aurait pas changé grand-chose. J’avais épousé totalement le combat des nationalistes algériens. Au demeurant, je connaissais les risques que je prenais si je suis pris. C’était minimum une condamnation à 10 ans de prison. Et avec les droits communs car le combat des Algériens n’était pas considéré comme étant politique.

Pour aider les nationaliste algériens, à la VIe internationale, on était organisé en cellule de quatre personnes. On avait tous des pseudonymes. On m’appelait Berger, notre chef c'était Kaiser. On ne connaissait pas les autres cellules, tout était cloisonné pour éviter d’éventuelles fuites ou arrestations. Notre cellule n’a pas été démantelée d’ailleurs par la police qui exerçait une pression constante et terrible sur les nationalistes algériens et leurs soutiens. Je n’étais pas loin pendant le massacre du 11 octobre 1961. J’ai vu la police de Maurice Papon réprimer dans le sang des manifestants pacifiques. C’était insoutenable.

J’ai porté donc les valises de la Fédération de France du FLN jusqu’à l’indépendance. En 1962, j’ai cessé toute activité politique. Contrairement à de nombreux militants français de la cause algérienne, je suis resté longtemps avant de venir en Algérie. Mais depuis quelques années, je me rends régulièrement dans ce pays. La dernière fois, j’étais à Tizi Ouzou pour un colloque avec Salah Guemriche, j’ai fait aussi l’Est du pays. L’accueil qu’on m’y fait est toujours chaleureux, extraordinaire. Cela m’avait vraiment touché. J’y compte dans ce pays beaucoup d’amis qui me sont chers.

Bien sûr, je ne me suis pas battu pour voir le FLN piquer dans les caisses, ni pour assister à un régime répressif ou autoritaire. Cela dit, je ne regrette rien de ce que j’ai fait. C’est évident. Et j’ai bon espoir pour ce pays riche de sa jeunesse."

Hamid A.

(*) Figure centrale de la Quatrième internationale, Michel Raptis avait soutenu le combat du FLN en Europe. Il était notamment dans un réseau de fausses monnaies au profit du FLN. Il a même été arrêté et condamné pour cette affaire. Pablo a par ailleurs contribué à la mise en place de l'usine d'armes du FLN au Maroc. A l'indépendance, il était devenu un temps le conseiller spécial du président Ahmed Ben Bella.

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Commentaires (2) | Réagir ?

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Atala Atlale

Un homme, un idéal et une conviction. L'Algérie, celle pour laquelle sont tombés nos martyrs et d'autres encore vivants, comme vous, mais qui ont gardé intactes leurs idées d'une Algérie libre et démocratique, ils sont nombreux, très nombreux même ; ils demeurent cependant silencieux, pour combien de temps, seul Dieu le sait. Toute notre reconnaissance M. Mercier Christian.

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Borek Bats

Les militants communistes algériens et européens c'est hram, ils n'ont rien a voir avec l'indépendence de l'Algérie ! C'est ce qu'ils nous enseigné à l'école ! Le résultat ce sont les années 1990 !

L'arabisation et l'islamisation de l'école était une catastrophe et comme d'habitude en Algérie, au lieu de s'en prémunir, non on s'y enfonce encore !

Monsieur Christian Mercier, au nom de la vraie et humble Algérie, Merci camarade et frère.