L’aube des peuples et le crépuscule des tyrans

Abdelaziz Bouteflika
Abdelaziz Bouteflika

A voir les images de la capture et la mort de Mouammar Kadhafi, on ne peut que penser à cet autre dictateur arabe : Saddam Hussein retrouvé après des semaines de cavale dans un trou.

Deux règnes autoritaires, sanguinaires et une fin franchement peu glorieuse, voire vulgaire. Il y a loin des grands palaces où ils ont tous deux vécus aux égouts où ils ont fini comme des rats. Les images crues, terribles d’un Mouammar Kadhafi sanguinolent, sale et implorant les combattants de l'épargner tranchent avec celles où en février dernier, le même Kadhafi, mais avec beaucoup de morgue et de mépris, jurait de "purifier la Libye, maison par maison, quartier par quartier". Cet homme qui narguait tout le monde, méprisant son peuple et les pays vient de tomber comme un vulgaire malfrat.

Gouverner c’est prévoir a dit quelqu’un mais les tyrans ne prévoient jamais leur fin. Et l’histoire réserve de ces accélérations que rien ni personne ne peut arrêter.

Ce qui s’est passé dans les trois pays du Maghreb est simplement historique. Renversant. Des peuples qui prennent leur destin contre leurs bourreaux. La fin de règne des trois dictateurs devrait être une leçon pour ceux qui se maintiennent au pouvoir dans cet arc de la rive sud de la Méditerranée. Les révoltes devraient leur donner à réfléchir. Passer des soupapes de décompression à une véritable ouverture politique. Mais non, aucun des dirigeants de la région ne semble prêt à opérer des réformes volontaires, courageuses, dignes des attentes de leur peuple. Le roi du Maroc, Mohammed VI, a consenti quelques réformes tout en gardant la haute main sur le pouvoir. Le Makhzen est loin de la monarchie constitutionnelle. Il a sans doute gagné du temps en reportant l’espoir de changement. Il y a également la Syrie, où Bachar Al Assad mène une répression particulièment sanglante contre le peuple. Plus de 3000 morts, des milliers de blessés et une dizaine de milliers de disparus. Un triste palmarès qui dénote que l'irréparable a été franchi. Ce régime autoritaire par essence, brutale et autiste par conviction n'est pas prêt de céder une once de pouvoir. Ses opposants le savent. Ses soutiens (la Russie et la Chine particulièrement) aussi. Les promesses données de temps à autre par Bachar Al Assad ne sont que des leurres.

Où on en est l’Algérie ?

L’insaisissable calendrier du président nous joue des tours. Bouteflika tient la montre et ses réformes sont annoncées par à-coup. Parcimonieusement. Il y a comme une gestion du temps avec un objectif : anesthésier l’opinion et la scène politique. On s’attendait à voir une montagne, on découvre une souris. Tout semble changer mais rien ne change en réalité. Le pouvoir et ses clients ne sont pas disposés à mener de véritables réformes ; ils préfèrent organiser le statut-quo.

Certains diront que le pouvoir ne peut scier la brancher sur laquelle il s’assoie. C'est effectivement dans sa logique. Car disons-le nettement, depuis le discours du 15 avril quoi de neuf sur la scène politique ? Rien. Nada. Le même personnel politique qui mené le pays dans la situation de népotisme, corruption et paralysie économique est toujours là. L’assemblée et le conseil de nation qui ont avalisé le viol constitutionnel, fermé les yeux sur les scandales de corruption, les violations des droits de l’homme, l’assassinat de 126 jeunes en Kabylie sont toujours là, au pouvoir. Le gouvernement avec ses ministres, ceux-là même qui ont réussi l’échec dans leur secteur malgré une manne financière jamais engrangée par le pays n’a pas fondamentalement changé depuis 10 ans. On prend les mêmes et on recommence. Impensable ! L’assemblée croupion si décriée et issu d’élections truquées, est invitée par le président à avaliser ses réformes.

Depuis 1999, Bouteflika déplace les ministres dans un jeu de chaises musicales sans rien changer ; la préférence régionale est une donne cardinale sous le règne d’Abdelaziz Bouteflika. Au mépris des équilibres régionaux et de l’efficacité, il installe les gens de sa région dans les postes les plus sensibles pour garder la main sur les leviers de décision. Une douzaine de ministres, un nombre incalculable de conseillers, walis et officiers supérieurs sont issus de l’ouest. La stratégie a ses limites. Le pouvoir ne peut acheter tout le monde et tout le temps. Il arrivera un moment, si de sérieuses réformes ne sont pas entreprises, où les plaques tectoniques sociales bougeront dans un formidable élan qui risque de coûter très cher au pays.

Sofiane Ayache

Plus d'articles de : Chroniques

Commentaires (13) | Réagir ?

avatar
Afifa Ismail

Contre tous ces maux que connaît l'Algérie je n'ai qu'un petit mot à dire:

"Faites tomber les barbes des hypocrites de la djellaba,

Faites taire les armes des généraux trop gras,

Algérie mon amie, ton ventre pourri!

ô peuple ne vois-tu rien venir?

Afifa

avatar
Dahmane Laroum

Si on ne retenait contre le nabot-mégalomane, 3/4 de marionnette, qui "dirige" l'Algérie, uniquement la fraude électorale à deux reprises et le viol de la constitution nationale, il serait déjà coupable de haute-trahison envers l'Algérie et le peuple algérien!!

En effet, la fraude électorale est le premier vol et la première trahison envers le serment donné à la nation. Et tous ceux qui ont accepté d'être associés à ces mascarades électorales sont objectivement des complices, même si on parle de complicité passive.

C'est en cela que les dictatures sont irrémédiablement condamnées par l'histoire. Que notre dictateur-mégalomane n'ait pas encore compris cela est pour le moins compréhensible et triste. Votre fin est proche Inchallah.

visualisation: 2 / 13