Bouteflika, Messali, le PPA et les idiots utiles

Bouteflika, Messali, le PPA et les idiots utiles

Intéressé par la tenue d’un Colloque à Tlemcen sur Messali Hadj, Ali Agouni, l’actuel président du PPA s’est dressé à Madame Benkalfat Messali, présidente d’honneur de ce Colloque, pour qu’elle intervienne auprès du Président Bouteflika ? qu’elle couvre de louanges ?, pour que le PPA créé par son père, le 12 juin 1962, en remplacement du MNA, reçoive l’agrément qu’il réclame depuis cinquante ans, afin de participer à la vie politique en France et en Algérie.

Cette requête modeste fut rejetée et avec mépris : "À ces gens j’ai envie de dire : qu’ils laissent le PPA au peuple algérien. Et puis je ne veux pas qu’ils chaussent les chaussures de Messali. Elles sont trop grandes pour eux…" (Djanina Benkalfat Messali, El Watan 16/09/11).

Reprenant à son compte l’argumentaire du FLN au pouvoir, elle signifia que le seul PPA qui appartenait au peuple algérien était celui qui existait jusqu’à la formation du MTLD. Au contraire de la fille de Charles André Julien ou de Catherine Camus qui ont défendu les oeuvres de leurs pères respectifs, Madame Belkalfat a refusé ma proposition de créer une Fondation pour recueillir les témoignages et les documents des milliers de militants du PPA- MTLD- MNA et USTA afin de permettre une écriture scientifique de cette histoire. Ce projet avait été soutenu par Yves Dechezelles, Edgar Morin, Fred Zeller, Mohamed Guenanèche, Pierre Broué, Colette Chambelland, la Fédération de l’Éducation Nationale et le millier de syndicalistes et militants du PPA qui avaient assisté, le 15 mai 1998 à la Journée hommage à Messali Hadj à l’occasion du centenaire de sa naissance. Opposé à ce projet, fallait-il pour autant soutenir les idéologues qui, pendant trente ans, ont ignoré ou dénaturé tout le combat des nationalistes algériens depuis l’Étoile, discrédité l’USTA et traité Messali : "l’éternel enfermé", libéré seulement le 26 mai 1962, comme un « populiste, un « autocrate », un « arabo-islamiste », le Zaïm d’une confrérie, adulé par des fidèles et "un traître". Peut-on déclamer que "les chaussures de Messali sont trop grandes…" pour les militants du PPA, en jetant ainsi dans les poubelles de l’histoire, le dernier combat de Messali et prétendre le défendre dans un colloque financé et patronné par le président d’un État mafieux avec le soutien du ministre de l’Intérieur Daho Ould Kablia.

Peut-on aussi dire avec Mohamed Harbi, ce chef de la Fédération de France du FLN, qui en signant un accord avec la PCF, a créé les conditions politiques pour que son parti massacre la direction de l’USTA, que "le PPA a accompli sa mission et qu’on en reste là." (Le Matin, 20/9) ? Le 12 juin 1962, Messali et un millier de ses partisans ont fondé le PPA, rédigé les statuts, le programme et déposé sa candidature devant le représentant officiel de l’Exécutif algérien à Paris pour participer à la campagne de l’autodétermination. Cette candidature refusée et Messali, interdit de séjour en Algérie, ce que jamais le pouvoir colonial avait osé, le PPA a été construit dans les pires conditions

En 1963, Messali a animé une conférence nationale des cadres à laquelle participait Ali Agouni, et publié une résolution qui reprenait la revendication formulée depuis l’Étoile, à savoir l’élection d’une Assemblée constituante souveraine. Depuis 1963, Messali a publié dans le mensuel du PPA Le Cri du Peuple des analyses sur l’histoire du nationalisme et de la révolution algérienne, comme sur la nature du régime en place et sa politique. Les militants du PPA ont oeuvré pour maintenir l’USTA et transmettre à la jeunesse l’histoire héroïque menée par les travailleurs algériens pour construire un syndicat indépendant et démocratique lié au mouvement français et international. Le PPA a pris acte de la justesse de sa cause en assistant à la faillite totale du FLN, de ses programmes (le Programme de Tripoli, la Charte d’Alger, etc.), de ses structures (le CNRA, le CCE, le GPRA) et celle de tous ses dirigeants (Ferhat Abbas, Benkhedda, Yazid, Ben Bella, etc.) et de l’instauration en Algérie depuis 1962 d’une régime totalitaire "fasciste" selon Aït Ahmed, dont l’appareil d’État a été articulé sur l’armée des frontières, dont l’un de ses membres Abdelaziz Bouteflika, est toujours au pouvoir.

Depuis cinquante ans, la faillite des différents régimes a validé tout le programme du PPA.

C’est ainsi que pendant le débat ouvert sur la Charte par Boumediene en 1975, quatre dirigeants du FLN : Ferhat Abbas, Benkhedda, Lahouel et Kheireddine se sont prononcés dans un "Appel public au peuple algérien" pour "un débat public à l’échelle nationale" conduisant à "l’élection au suffrage universel direct et sincère d’une Assemblée Nationale constituante et souveraine". Cet appel fut approuvé par les dirigeants de l’opposition : Boudiaf (PRS), Aït Ahmed (FFS), Lebjaoui (RUR) et Tahar Zbiri (ex-chef d’État-Major. Preuve éclatante du caractère contre-révolutionnaire mené par le FLN contre le nationalisme libérateur porté par le MNA.

Aujourd’hui où les régimes des pays de l’Afrique du Nord et du Moyen-Orient sont ébranlés par une vague révolutionnaire et que Ben Ali, Moubarak et Kadhafi ont été chassés en attendant Assad, il est normal que des idéologues et dignitaires de l’État FLN, instrumentalisant des idiots utiles, montent en première ligne pour sauver le soldat Bouteflika. Pour atteindre cet objectif, ils n’hésitent pas à récupérer Messali Hadj qu’ils ont toujours combattu, en proposant une sortie douce du régime, à savoir une Assemblée constituante, qui serait comme toutes les constitutions précédentes, octroyées par le pouvoir.

De la même façon qu’il est ridicule de vouloir repousser la marée avec un balai, il est vain de croire qu’il est possible d’empêcher indéfiniment le peuple algérien d’éradiquer ce régime totalitaire et d’édifier sur son cadavre, à l’issue d’un processus constituant, une Algérie souveraine fondée sur les principes de la démocratie sociale et politique. Quelles que soient les critiques à faire au PPA de Messali dirigé par Ali Agouni, sa requête d’obtenir l’agrément pour son parti est légitime.

Jacques Simon, historien
Ancien membre de la direction de l’USTA.
21 septembre 2011

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Commentaires (7) | Réagir ?

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ali khaled

Messali était un grand homme, il n'y a rien de ressemblant avec sa fille Djenina qui fait de l'histoire de son père un fonds de commerce, Messali a toujours été trahi par les siens (responsable du parti) Bouteflika, celui qui faisait référence à "Aissa met le chapeau de Moussa" au sujet de ses prédécesseurs, fait pareil, change la constitution à sa guise afin de garder le pouvoir. Quant au PPA d'aujourd'hui il n'en reste que des "militants" nostalgiques du passé, éparpillés en Algérie comme en Europe. Ce monsieur Ali Agouni n'est en rien le président ou le représentenat de ce parti. En effet depuis quand serait-il le président ? Y a-t-il eu congres ? Ou ce serait-il fait et par quel moyen ? Messali a été le seul représentant de ce parti depuis 1927, et le PPA a été enterré avec lui.

Madame Belkhafat Djenina, depuis quand n'avez vous été sur la tombe de vos parents ? De votre frère Ali ? Sans doute que vos voyages Paris/Montreal qui vous font rencontrer les élégants hommes du FLN "Zehouni et cie" ne vous en laissent pas le temps.

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Simply

Sans passé, il n’y aura pas d’avenir. Notre passé doit être connu de tous les Algériens, avec tout ce qu’il comporte, ses côtés sombres et ses côtés clairs et lumineux. En 2012, les archives, que le colonisateur français nous a pris, seront accessibles. J’espère qu’elles le seront pour tous les Algériens. Il en est de même, pour les archives Algériennes. Je signale au passage, que l’Algérie manque cruellement d’historiens. Nos ennemis le savent et nous manipulent encore.

Je pense qu’il est urgent et indispensable d’ouvrir aussi large, que possible, le débat, où chacun pourra apporter sa contribution et s’interroger sur l’histoire de tous nos leaders, qui ont guidé à un moment donné, notre peuple, durant la longue nuit coloniale glaciale.

A l’issue d’un débat franc, généreux et ouvert, une décantation presque naturelle se produira, inévitablement. Comme dit le célèbre dicton « ma yabka fi El oued ghir ahdjarou ».

Au bout du compte, je suis convaincu, que tous les Algériens seront confiants, sereins et déterminés à construire d'une part, une démocratie réelle et des institutions très solides, qui survivront aux hommes et d'autre part, un pays fort et puissant sur les plans social, culturel, économique et militaire.

Les bonnes questions, sont celles qui font réfléchir et réagir.

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