Alger ou les incalculables tête-à queue diplomatiques

Alger ou les incalculables tête-à queue diplomatiques

Le sacro-saint concept de "stricte neutralité dans les affaires internes de la Libye" vient donc d’être battu en brèche par ses plus fervents défenseurs. L’Algérie accueille tout une partie de la famille de Mouammar Kadhafi : Safia, son épouse, sa fille Aïcha et ses deux fils ainsi que leurs enfants.

On n'en est plus à la première contradiction. Le geste édifie, encore une fois, sur cette diplomatie de la palinodie que cultive depuis des mois Alger. "C’est un geste humanitaire", explique-t-on à Alger. Mais en quoi ces personnes par ailleurs compromises dans l'une des dictatures les plus brutales du Maghreb mériteraient-elles d’être accueillies plus que tous les Libyens qui souffrent le martyre depuis des mois face aux brigades kadhafistes ? L’humanisme de deux poids, deux mesures relève du cynisme.

Avant d'en venir au fond du sujet, plusieurs questions demeurent : est-ce vraiment lundi que les Kadhafi sont arrivés en Algérie ? L'affaire des Mercedès blindées entrées en Algérie n'était-elle pas vraie ? Si c'était le cas, la rencontre de Medelci avec un responsable du CNT lors du sommet de la Ligue arabe n'avait-elle pas pour sujet la famille Kadhafi ? On ne nous dit pas tout.

Bref...

Renversement de situation donc ou suite logique de la politique menée jusque-là ? Plutôt le second que le premier. L’Algérie qui gardait un silence complice de Mouammar Kadhafi met donc les deux pieds dans le plat libyen. Ce tête-à-queue diplomatique constitue sans doute la vraie position du gouvernement sur ce conflit. Mais alors, acceptera-t-elle de livrer Mohamed et Hannibal Kadhafi au nouveau pouvoir si celui-ci les lui demandait ? Ou enverra-t-elle sur la paille le CNT qu’elle refuse toujours de reconnaître ?... Dilemme cornélien…

La diplomatie algérienne affirme que l’information de l’accueil des Kadhafi "a été portée à la connaissance du secrétaire général des Nations unies, du président du Conseil de sécurité et de Mahmoud Djibril, président du Conseil exécutif du Conseil national de transition libyen". Seulement, l’Algérie refuse de reconnaître le CNT. Pourquoi alors l’en informer ? Décidément …

Brouillée, inaudible, c’est l’image d’une certaine Algérie respectée qui en prend un sérieux coup. C’est un peuple fier de ses hautes luttes qu’on a dépiauté de son aura. Il clair qu’il ne sert à rien d’essayer de lire dans le marc du café pour comprendre le fonctionnement du régime. Car il semble naviguer à vue, à tâtons.

Pourquoi ? Parce qu’il y a quelque chose d’incohérent, de malsain dans les réponses qu’avait avancées le pouvoir sur la question libyenne. Dire une chose est faire son contraire est de l’inconséquence. Qu’on ne nous dise pas que l’accueil des enfants Kadhafi relève de l’intérêt de l’Algérie ! L’intérêt de l’Algérie se trouve parmi ce peuple qui vient de briser les chaînes de 42 ans de règne absolutiste. Contrairement aux règles de bon voisinage, le régime n’a, à aucun moment de la guerre civile, montré un quelconque signe de solidarité avec le peuple voisin. Pire, le comportement de l’Algérie, son silence devant la guerre civile libyenne, et maintenant l’accueil d’une partie de la famille du tyran déchu vont sans aucun doute à l’encontre de ce qu’attend la rue algérienne de nos décideurs.

Que l'on sonde l'opinion du peuple, que l'on écoute la rue et l'on comprendra que l’Algérien soutient le peuple libyen dans sa lutte pour la liberté. Donc veut le changement.

En un mot comme en dix, le conflit libyen est le signe le plus éclatant que le président et son équipe ne sont pas près de faire leur aggiornamento. La formidable dynamique de changement opérée en Tunisie, en Egypte, en Libye (voire même au Maroc) les indispose, les gêne aux entournures. La raison ? C’est simple, on est le seul pays dans la région à être dirigé par un personnel politique des années 1960. C’est dire qu’on est résolument encalminé dans le passé. La contagion révolutionnaire fait peur donc, car quand on observe les voisins c'est à soi que l'on pense.

En attendant peut-être de voir débarquer Mouammar Kadhafi et ses autres fils à Alger, que ceux qui doutent se désenvoûtent, le pouvoir est prêt pour le changement, mais dans la continuité.

Sofiane Ayache

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Commentaires (8) | Réagir ?

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khelaf hellal

Le soutien diplomatique de l'Algérie aux dictatures des pays arabes dont la Libye n'a rien de fortuit, elle procède d'une intelligence et d'une solidarité indéfectible entre dictatures bien assises pour continuer à opprimer, aliéner et spolier leurs peuples leur faisant croire qu'elles sont là pour son bien et son développement. En réalité, ce sont des dictatures fantoches et campradores qui servent les interêts des puissances occidentales avant ceux de leurs propre peuples qu'elles préfèrent abandonner à son ignorance, son arriération. Elles ont fabriqué des peuples sous-développés, assistés et quémandeurs permanents de produits technologiques, alimentaires et autres que Siadhoum leur expédient par contenaires bien remplis. Elles poussent ainsi leur peuple à vivre d'opium et d'illusions pour l'empêcher de relever la tête et de remettre en question le système dictatorial qu'elle ont mis en place qui les arrangent à tout point de vue et qui les fait perdurer dans le temps.

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oziris dzeus

Pourquoi en vouloir à l'Algérie ce que l'Arabie Saoudite fait part deux fois (Ben Ali et Salah Abdellah) pour ce dernier elle soutient ses initiatives idiotes de maintenir le système en place au Yémen. Et puis ce famaux CNT est composé en majorité par des gens issus du système Kadhafi qui sont autant responsables que les Kadhafi ou plus puisque c'est grâce par leurs complicites diverses que Kadhafi s'est maintenu 42 ans. Abdeldjalil,

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