Le maire de Zéralda victime d'une justice aux ordres de gros bonnets

Mouhib Khatir, le maire de Zéralda
Mouhib Khatir, le maire de Zéralda

Les circonstances de l’arrestation de Mouhib Khatir, le maire de Zéralda, au-delà de la passion et des spéculations qu’elles suscitent chez les uns et les autres, soulèvent tout de même des questions de fond qui méritent qu’on leur accorde toute l’importance si on ne veut pas compromettre l’avenir de nos institutions par l’ancrage en son sein de l’arbitraire voire même de l’injustice.

Les bavures judiciaires comme outil de manipulation

La première consiste en l’usage abusif de la détention préventive que même la Ligue algérienne des droits de l’homme identifie comme l’un des points faibles du système judiciaire en Algérie. Le cas du jeune maire de cette circonscription d’Alger offre un exemple édifiant d’une manipulation judiciaire extrêmement inquiétante et qui interpelle tout citoyen soucieux de l’amélioration du climat social dans son pays. Devrions-nous avoir toujours des «connaissances pour être à l’abri des nombreuses bavures des procédures judiciaires en vigueur pourtant sur le papier semblent parfaitement claires. Cet exemple, exposé dans ses faits, illustre parfaitement le caractère aléatoire du système judiciaire et surtout son utilisation comme levier de manipulation. Nous décrirons plus loin ces circonstances dans leur fait sans commenter leur légitimité juridique dont on a ni le droit ni la compétence et, ce en fonction des éléments de notre propre enquête sur les lieux et avec les proches de l’intéressé lui-même.

La deuxième question quant à elle est relative à l’application des programmes des communes qui logiquement devront s’intégrer dans un plan national au profit des collectivités locales mais les conditions de leur mise en œuvre devront-elles venir d’en haut ou répondre aux aspirations des administrés de la commune ? Se pose automatiquement la question de l’autorité et du pouvoir du premier magistrat de la commune.

De l’usage de la détention préventive, l’exemple du maire de Zéralda

Selon les témoignages recueillis sur les lieux, le maire de Zéralda était mercredi 6 juillet 2011 en réunion. De retour vers 16h30, il passe comme d’habitude à son bureau pour traiter le courrier urgent puis repart chez lui. Arrivé donc aux abords du carrefour non loin de son domicile mitoyen du complexe touristique de Zéralda, deux voitures le coincent, un homme habillé en civil ouvre sa portière avant et lui demande de le suivre pendant que d’autres, habillés aussi en civil l’attendent dans des voitures banalisées. Ayant été pris de panique, certainement pensant à un attentat terroriste, le jeune maire tente de résister en vain puisque aidé par ses collègues, l’homme en civil l’a mis à terre puis embarqué à une destination jusqu'à tard dans la soirée inconnue. Alerté par des témoins qui ont assisté de loin à cet enlèvement digne d’une scène hollywoodienne, sa femme et son fils ont essayé de comprendre. Il a fallu attendre la nuit pour que des âmes charitables leur apprennent qu’il était à Châteauneuf sur ordre venu d’en haut. Ses avocats apprendront plus tard qu’il sera présenté le lendemain jeudi 7 juillet 2011 devant le juge d’instruction auprès du tribunal de Hadjout. Lorsqu’ils arriveront au tribunal, ses avocats auraient été étonnés de voir la partie adverse accompagnée de son avocat brodant des convocations alors qu’eux, n’en savaient rien. Quelque temps après son principal avocat sort avec une mine défaite pour informer tout le monde que son client est inculpé pour diffamation et escroquerie etc. Et qu’il est mis sous mandat de dépôt et qu’il va être emmené à la prison de Hadjout. Face à ces faits très succincts et incontestables, une première question se pose, par les temps qui courent et les actions terroristes, cette manière spectaculaire d’arrêter n’importe quel citoyen aurait pu se terminer par un crime de l’une ou l’autre partie surtout que les deux étaient armées. Qui a intérêt à cela ? Comment un système judiciaire aguerri et averti aurait pu commettre une telle bavure en cautionnant une telle forme d’arrestation ? Le maire étant accessible, l’audience prévue le lendemain, rien ne justifie ce spectacle. Qu’est-ce qui presse ? Pourquoi ? On est en droit de se poser la question s’il n’y avait pas de témoins, qu’est- ce qui aurait pu se passer ? L’accusé étant contraint de passer la nuit à Châteauneuf, circonscription opérationnelle pour le moins étonnante, pourquoi ce n’est pas celle de Chéraga ou la daïra de Zéralda ? Il faut souligner que la juge d’instruction chargée de l’affaire n’a pas voulu retenir le mandat de dépôt pour le chef d’inculpation de diffamation en dépit de l’insistance du procureur qui a cassé sa décision. Elle l’a mis quand même en prison pour le deuxième chef d’inculpation relatif à l’escroquerie. Le résultat est le même mais en plus, cette situation ouvre la voie aux manipulations de toute sorte. Nous épargnerons le lecteur des polémiques suscitées par cette question précise et qui n’est pas importante pour ce que nous soulevons dans l’intérêt général. Cependant, à en croire des indiscrétions, on apprend que dans le dossier de fond, il n’y a aucune plainte pour escroquerie. La seule plainte présente dans le dossier est celle du maire de Zéralda contre un fournisseur qui a gonflé ses prix. Si ces informations se confirment, on se demande sur quelle base juridique, la juge d’instruction a pu avoir recours à la détention préventive. Il semblerait que le plaignant est en prison alors que l’accusé circule en toute liberté et tout cela par ordre du roi. Il était question selon ses avocats de le confronter à la partie adverse le dimanche 10 juillet 2011 mais à travers des manœuvres successives et spécifiques au système judiciaire ni lui ni son témoin à décharge ne seront entendus à ce jour. Du moins, on apprend que la juge a convoqué le témoin pour le 17 juillet 2011. En définitive et par le génie de ces manœuvres, les affaires judiciaires se multiplient de jour en jour et il se trouve actuellement accusé de deux autres affaires dont la première est d’avoir insulté le fameux policier en civil qui l’a arrêté et la seconde est d’avoir menacé le serveur qui d’habitude lui ramène le café au bureau. Nous attendons vivement ce que nous fera découvrir la boite de Pandore de cette saga judiciaire. La chambre d’accusation près la cour de Blida devra donc statuer le 18 juillet 2011 sur l’éventuel mandat de dépôt pour la diffamation, soit la cassation du procureur de Hadjout et le 25 juillet 2011 pour celui de l’escroquerie. Quand bien même, il sort indemne de ces deux affaires, il aura à répondre de deux autres chefs d’inculpation au-delà du 25 juillet. Tout porte à croire que son sort est scellé et que d’autres affaires apparaitront probablement pour qu’il passe un bon bout de temps en prison. Si nous donnons ces séquences en détail, c’est uniquement pour expliquer la perversion du système que très peu de juristes maitrisent. Il reste bien entendu que le lecteur aura compris le rôle des commanditaires qui agissent en sourdine de telle sorte que la détention préventive soit prolongée afin de faire pression sur le wali délégué pour l’application des articles 32 et 33 du code communal pour suspendre le maire de Zéralda jusqu’au jugement définitif. Ceci est déjà fait et l’intérimaire semble désigné.

De la mise en œuvre du programme communal

Jusqu’au début des années 90, un maire une fois élu sous l’égide du parti unique, applique ses orientations qui ne doivent en aucun cas être en contradiction avec les directives du pouvoir en place. Il se distance progressivement de la base qu’il l’a élue pour se consacrer au système. En général, cette manière de gérer était très profitable aux élus locaux qui sortent enrichis matériellement parfois végètent dans le poste à travers des mandats successives. L’avènement du multipartisme et des listes indépendantes bien qu’encore embryonnaire a quelque peu bouleversé le paysage politique des élections municipales. En effet, les maires éluent sur des listes indépendantes des partis politiques et ils sont plus de 1541 communes, tentent de mettre en œuvre leur programme promis durant la compagne électoral et tire leur légitimité de leur base électorale. C’est une réalité difficilement acceptée et reste incompatible avec les habitudes dans le climat des affaires municipales. Il se trouve selon nos informations recueillies auprès de notables de la ville de Zéralda que le maire de cette ville élu sur une liste indépendante a respecté ce qu’il a promis à ses administrés et axé ses efforts sur trois volets : les débarrasser des lieux de débauche situés en pleine zone de forte habitation ; tenter de reprendre en main les locaux de la commune pour renflouer sa caisse ; faire bénéficier les citoyens de la ville des logements sociaux.

Malheureusement pour tout le monde, l’assainissement entrepris au lendemain de son installation a du chambouler les habitudes voire même toucher quelques «grosses têtes» c’est bien dommage mais on ne peut pas faire une omelette sans casser les œufs. Une dame, au demeurant très respectable, exploite un cabaret. Il se trouve que dans un cabaret, on s’embrasse pas sur le front mais on danse, on boit etc. tout le monde connait cela. Ce commerce est pratiqué dans pas mal de lieux en Algérie. Les citoyens le prennent comme un lieu de débauche il n’y a rien de diffamant à cela mais là où il se pratique dans cette ville, le lieu n’était pas approprié. Dans la foulée et c’est aussi regrettable, cet assainissement a fait ressortir aussi qu’un procureur fortement influençable, favorisait avec la complicité de certains élus locaux des membres de sa famille pour s’approprier d’une manière illégale à travers de faux documents des logements destinés aux citoyens de cette ville. Cela ne pouvait plus continuer, surtout avec le vent qui secoue actuellement tout le monde arabe. Les locaux et les édifices appartenant à la commune devaient être récupérés pour servir la base financière de la recette municipale etc. La situation explosive que traverse ces dernier mois notre pays ne permet à aucun responsable d’être complaisant dans ce genre d’affaire. Et la loi 01 -06 relative à la prévention contre la corruption l’oblige dans son article 49 de dénoncer tous les dysfonctionnements une fois appris sous peine d’en d’être complice. Il se trouve que cette démarche n’a pas plu à certains. Ils ont donc décidé de l’entraver, quitte à monter des affaires mais jusqu’à présent on ne voit que des broutilles. Emprisonné le maire de Zéralda ou un autre responsable ne mènera à rien et ne réglera pas le problème de cette lutte pour la main mise de certaines communes comme celles de la côte de l’ouest, voire même de l’Est par la maffia de la drogue, du sable et de la prostitution. La vulnérabilité des élus locaux n’est plus d’actualité. La tendance est aujourd’hui à la prise de conscience de jeunes élus pour servir leurs communes. Les changements sont en cours et elles sont irréversibles. Nous assistons désormais à l’anéantissement des affaires scabreuses. Le dossier du maire de Zeralda est vide, il restera combien de temps en prison ? Ce n’est pas parce qu’un membre est pourri qu’on généralise cette pourriture à tout le corps. Je suis persuadé que les magistrats censés réguler la vie de la société sauront faire triompher la vérité pour notre bien et celui des générations futures.

Reghis Rabah, consultant international

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Commentaires (13) | Réagir ?

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madjid ali

Il se pourrait qu'il soit liquidé en prison.

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Hadj BELGUERGUID

Accéder à un poste représentatif (maire, député, syndicaliste etc...) c'est assurer son avenir et s'en foutre de ce que font les autres. C'est un monde de mahonnêteté et de trahison, ce que M. le maire ne savait pas.

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