Guerre d’Algérie (1954-1962) : archives inexistantes ou manipulées

Guerre d’Algérie (1954-1962) : archives inexistantes ou manipulées

Pendant la guerre de libération de l’Algérie (1954-1962), le peuple algérien a consenti le plus lourd tribut du continent africain pour arracher d’entre les griffes de fer du colonialisme français, son droit d’être un homme, sa dignité et sa liberté. Effort qui a forcé l’admiration du monde entier. Hélas ! Cette révolution a été confisquée et pervertie à tel point que le peuple, dans son écrasante majorité, se trouve rabaissé à un rang inférieur à celui qui était le sien sous le joug colonial, plongé dans des misères : culturelle, morale, économique, sociale, etc., inadmissible dans un pays riche en ressources naturelles comme l’Algérie. Témoignage.

Le 5 juillet 2012, l’Algérie franchira le seuil du 50e anniversaire de son « Indépendance ». Sans doute que le pouvoir le algérien va-t-il marquer cet évènement avec grand faste soigneusement drapé de mensonges historiques. Récemment, M. Mohamed Harbi, un homme d’action, de réflexion, universitaire, connu pour être un historien de référence, intègre et courageux, dans une récente interview qu’il a donnée au journal francophone algérien, à El Watan, il a clairement laissé entendre que les archives de la guerre d’Algérie, qui, selon lui, vont faire l’objet de déclassement en 2012, sont : « sensibles », « explosives », « de la lave en fusion », « De nature à discréditer la politique », et à « dévaloriser la Révolution ». S’agissant d’archives qui ne sont pas encore déclassées, par définition ni Harbi ni aucun autre historien ne les a encore consultées. Comment peuvent-elles, a priori, être qualifiées ainsi ?

Il faut se souvenir et accepter que les « évènements d’Algérie » ont opposés la France : une nation, une puissance culturelle, scientifique, économique, financière, industrielle, électronique, militaire, membre de l’OTAN, à des tribus algériennes de culture traditionnelle. Il arrive souvent que lorsque l’homme traditionnel rencontre la modernité, il se précipite pour se dépouiller de ses valeurs traditionnelles pour faire siens des vices de la modernité. Nous sommes des milliers de bergers et fellahs, dépositaires authentiques de parcelles de l’histoire des « évènements d’Algérie » que personne ne veut entendre.

Je suis originaire de l’arrière pays de Gouraya, département de Tipaza, précisément en zone 4 de la wilaya 4. Notre tribu a consenti l’un des plus lourds tributs : vies, larmes, matériel… sinon au niveau national du moins sur le plan régional. De décembre 1956 à janvier 1960, de l’âge de 10 à 14 ans, j’ai été les yeux, les oreilles, le ravitailleur, le guide… des moudjahidines affectés ou de passage dans la vallée de Kellal. J’ai connu et servi, renseigné guidé, d’authentiques baroudeurs de notre révolution qui semble n’avoir aucun lien de pensée ou de parenté avec l’esprit des nouveaux maîtres de l’Algérie, avec des convertis de la 25e heure au nationalisme algérien et avec leurs rejetons.

Cependant, à partir de 1958, j’avais clairement constaté que certains maquisards de mon secteur avaient changé d’allure et de comportement. De nombreuses fois, au coucher du soleil, j’ai vu Ahmed B et son inséparable acolyte, Maamar, toujours ensemble et un certain Chérif, toujours solitaire, se diriger, vers la base militaire du Bois Sacré. Le lendemain ou le sur surlendemain, quand je les revoyais, je remarquais qu’ils avaient les cheveux fraichement coupés, des vêtements, des pataugas et parfois une arme qu’ils n’avaient pas la veille. Et, ils boudaient mes galettes d’orges et mon petit lait. Ils leur préféraient des rations alimentaires identiques à celles distribuées aux troupes, qui ne se trouvaient dans aucun commerce local. Des personnes de ma tribu arrêtées et séquestrées au Bois Sacré, m’avaient confirmé qu’elles ont vu Lacoste recevoir les mêmes personnes et d'autres, deux par deux ou une par une, sous une tente plantée dans l’enceinte du Bois Sacré. Mes cousins N. Ali et son fils Mohamed, qui habitaient un lieu qui se nomme Halla Embarkat, qui surplombe, avec une vue imprenable sur la base militaire du Bois Sacré, m’ont informé, que tôt le matin, à plusieurs reprises, ils ont vu sortir du Bois Sacré les mêmes personnes. Ils ont insisté pour que je les présente au responsable zonal, à Djelloul Abidat à qui je livrais mes observations au fur et à mesure de leur déroulement. Il m’avait ordonné d’en parler à personne d’autre qu’à lui et à ses supérieurs qu’il allait me présenter. Je lui avais présenté mes cousins qu’il a successivement auditionnés en ma présence. A la fin de leur audition, il leur avait donné ordre de ne plus jamais en parler à personne, ni payer de cotisations, ni recevoir des inconnus sous leur toit, avait-il insisté. Il avait jugé les faits si graves qu’il les avait qualifiés de « complot ».

Ames sensibles s’abstenir !

Halla Embarkat, lieu de résidence de mes cousins, est une clairière isolée, située à l’orée d’un bois, à environ 500 mètres à vol d’oiseau de la base militaire du Bois Sacré. La nuit, au moindre bruit suspect, l'endroit était balayé par de puissants projecteurs installés sur un mirador, à la portée de mitrailleuses fixes ou montées sur des chars stationnés au Bois Sacré. Ceci dit, biens que nationaliste de la toute première heure, ils ne recevaient aucun nationaliste sous leur toit. En décembre 1958, à la tombée de la nuit, un commando composé d’anciens maquisards ralliés aux forces coloniales, grossièrement grimés en moudjahidines, exhibant le drapeau algérien, s’était déplacé chez eux pour leur demander « al maoudjoud » (plats prêts à consommer). Mes cousins ont accueilli les visiteurs nocturnes avec une grande générosité. Plus grave, ils n’ont pas su retenir leur langue comme le leur avait ordonné le responsable zonal du FLN, Djelloul Abidat.

Les visiteurs affichent leur véritable appartenance, attachent leurs victimes à de piliers et les torture cruellement devant leurs femmes et leurs enfants. Par suite, ils seront dirigés vers le Bois Sacré où ils seront soumis, par le lieutenant Jean Lacoste et ses assistants, à des sévices d’une cruauté inouïe.

Quelques jours plus tard, au coucher du soleil, le même Lacoste, assisté de deux complices, le conducteur du GMC et un garde, embarquent deux otages pour les diriger vers une plage mitoyenne à la base militaire, qui servait de décharge aux détritus de la caserne et de charnier pour les victimes de la répression coloniale. Arrivé sur le lieu de l’exécution, seul un jeune prisonnier descend de la partie arrière du véhicule militaire bâché. Le lieutenant Lacoste lui jette une pelle et lui indique un endroit où creuser un trou. Une fois la fausse jugée conforme à son criminel projet, le bourreau demande au terrassier de remonter dans le GMC. L’otage obéit. Il disparaît quelques instants derrière la partie bâchée du véhicule avant de reparaître traînant péniblement le corps d’une autre personne qui semblait sans vie. Le fardeau est d’abord abandonné sur le bord arrière du camion d’où il tombe par terre, à côté de la fausse, face contre sable.

Tandis que Jean Lacoste, dégaine son pistolet automatique, tire, au moins en deux reprises, dans la région de la tête de sa victime qui esquisse quelques soubresauts. Pistolet toujours au poing, Lacoste tient en respect le prisonnier vivant pendant que ces complices, avant même que la victime n'ait cessée de s’étirer et de se recroqueviller, se saisissent d’elle, l’un par les pieds et l’autre par les bras, pour la jeter dans le trou fraichement creusé. Le jeune prisonnier ôte d’abord sa veste et plonge sa tête au fond du trou, peut-être voulait-il donner un baiser d'adieu à son compagnon d’infortune et lui couvrir la tête avec sa veste avant de l’ensevelir. Tandis que criminel Jean Lacoste, officier du 22ème R.I., se saisit de la pelle et tue le jeune prisonnier à coups du tranchants de l’outil sur la tête. Les deux victimes seront sommairement ensevelies dans le même trou.

A la fin de leur «corvée de bois », le lieutenant Jean Lacoste et ses deux complices boiront des bières avant de regagner leur base.

Le témoignage

Ce spectacle s’était déroulé sous mes yeux alors que je me trouvais caché dans une haie de lentisque doublée d’une rangée de pins parasols, qui sépare le domaine public, la plage et les vergers des Labtahi. Croyant avoir affaire à un mirage, le lendemain de cet évènement, je suis retourné sur la plage. J’y ai vu un orteil noir couvert de grosses mouches bleues émerger du sable et un tas de cannetes de bières vides.

Il circule une rumeur selon laquelle, en décembre 1958, le lieutenant Jean Lacoste a embarqué, à bord d’une barque, au port de Gouraya, Ali Ezzine et son fils Mohamed avant de prendre le large. Il s’agit là d’une rumeur purement fantaisiste. En effet, pour ses « corvées de bois », Lacoste, toujours assisté de deux complices, il embarquait ses victimes à bord d’un GMC qu’il conduisait, toujours au coucher du soleil, vers la plage dite de « Jules Maître », qui se trouve à l’ouest du Bois Sacré. Cette plage était connue pour être une décharge pour détritus de la base militaire et un charnier pour les victimes de la répression coloniale. Elle porte aujourd’hui le nom de Plage des martyrs.

Par ailleurs, des personnes séquestrées au Bois Sacré, ont vu, le même jour et la même heure, au coucher du soleil, Lacoste et ses complices embarquer Ali Ezzine et son fils Mohamed, les diriger vers la plage charnier. Et ils ont aussi vu les bourreaux revenir sans leurs otages.

Quant à moi, j’atteste sur mon honneur d’avoir vu, dans les contions précisées plus haut, vers fin décembre 1958 ou début janvier 1959, au coucher du soleil, le lieutenant Jean Lacoste, du 22ème RI, assisté de deux complices, exécuter sommairement ce que je crois avoir reconnu, avec une certitude supérieur à 99.% comme étant me cousins : N. Ali, dit Ali Ezzine et son fils Mohamed, dit Mohamed n’Ali Ezzine.

Guerre manipulée et Archives inexistantes

Les «évènements d’Algérie » ont opposé une puissance mondiale à des bergers et des fellahs analphabètes et illettrés. Du côté algérien, il n’existe aucune d’archive historique objective. Les autorités algériennes refusent d’écouter les témoins directs.

Durant la campagne pour la charte nationale de 1976, Houari Boumediene déclarait dans ses meetings publics : «…Pour consoler leur opinion publique, des historiens français écrivent qu’en Algérie, l’Armée française avait gagné et la première, et la deuxième, et la troisième, et la quatrième… batailles ». « Quant à nous, il nous suffit de leur répondre que nous avons gagné la guerre et cela nous suffit», a-t-il conclu, en ricanant.

Pour lui donc, en 1976, l’Algérie n’avait pas encore donné naissance à la génération d’historiens compétents et intègres. En attendant l’arrivée de cette génération providentielle, Boumediene avait suggéré de marquer les lieux historiques à l’aide de « bhedjra » ou « khechba » (pierres et buches). Ce que Boumediene n’a pas précisé, c’est que lorsque l’Algérie se sera dotée de la génération d’historiens, les témoins directs de la guerre d’Algérie auront sans doute disparus. Ce n’est plus à des historiens qu’il faille confier l’écriture de l’histoire d’Algérie mais à des paléontologues et des archéologues pour faire parler des pierres érodées et des buches vermoulues.

Archives manipulées

S’agissant d’une guerre psychologique, les services coloniaux étaient dirigés par des officiers machiavéliques, issus des plus grandes écoles militaires de l’Occident, disposant de moyens humain et matériel quasiment illimités. Ils étaient parfaitement conscients de la gravité de leurs innombrables crimes contre l’humanité et des risques qu’ils encouraient dans le cas où un procès de type Nuremberg viendrait à s’ouvrir. Ils n’allaient tout même pas laisser d’indices pouvant les confondre. Dans son dernier ouvrage consacré aux basses œuvres des services français durant la guerre d’Algérie, le général Ausaresses a précisé : « A chaque fois qu’un officier de renseignement arrivait au terme de sa mission, il détruisait ses archives ou il se les importait avec lui ». La France n’est pas obligée de déclasser ses archives portant sur les activités de ses services durant la guerre d’Algérie. Elle peut et elle a le droit de renvoyer ce déclassement à 90 ans. En effet, ces documents, s’il venait à être déclassés, ce n’est pas seulement : «la politique algérienne qui sera discréditée» et sa « Révolution dévalorisée » mais aussi des monuments seront dévastés et des cimetières consacrés à nos valeureux martyrs profané.

En effet, dès le 19 mars 1962, le lieutenant Lacoste avait labouré la plage charnier, récupéré les os de ses victimes, embarqués à bord d’une barque qu’il a dirigé vers le large. Les restes humains déterrés par le Docteur Mouloud Labtahi et son équipe étaient ceux de harkis victimes de « A », d’un martien arrivé à la tête d’une escouade des forces locales fraichement démobilisée, lequel "A" avait sans doute une guerre de retard à rattraper.

Le colonel Ahmed Ben Chérif, commandant de la gendarmerie nationale pendant 14 ans, de 1962 à 1976, au sujet de la collecte des dépouilles des martyrs de la guerre d’Algérie, il précise : «… Dans les mêmes couffins, nous (gendarmes) ramenions des os de martyrs mêlés à ceux de harkis ».

Avec ou sans déclassement des archives de la guerre d’Algérie, l’histoire de pays restera un bâton merdeux, d’où qu’on le tient, il laissera de la m… entre les doits de son manipulateur et de la puanteur à plein le nez de celui qui s’y approche de trop près. Telle est l'histoire imposée aux algériens par le hizb frança.

Aïssa Nedjari

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Commentaires (7) | Réagir ?

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Pierre FROGIER

Les Français ont beaucoup de mal à accepter d'être jugés coupables de crimes par un pouvoir qu'ils n'ont cessé de trouver terroriste, hypocrite et corrompu. Ils ont l'impression d'une nouvelle machination pour se maintenir au pouvoir auprès d'un peuple dont la fierté est hélas la seule richesse. Peut-être un cheminement inverse dans nos pensées serait novateur dans un dialogue de sourds bloqué en haut par ceux qui nous dirigent et en bas par la rancune des peuples. En quoi la colonisation a été utile pour l'Algérie moderne? Quels sont les bénéficiaires réels de cette épopée contestée ? Peut-on penser que ce débat d'un nouveau style apporterait des plages de "vide" qui elles contiendraient les vérités dont tout le monde a besoin ?

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amazigh zouvaligh

Tout le monde sait qui est qui ! Aujourd'hui, on ne peut rien cacher, le monde est dans une assiette ! grâce aux moyens des transmissions, télécommunications, les réseaux sociaux via l'internet et tous les tics, donc inutile de se voiler la face; les héros sont connus; les traîtres sont répertories, les faux maquisards, aussi, n'est ce pas la famille révolutionnaire, FLN de la mangeoire, de la rapine, du faux et usage de faux, de faux maquisards, de lots de terrains, de villas, d'appartements de faux témoignages, d'escrocs notoires ; de la ruine du pays et de la soumission! Finis le temps des tromperies, chacun payera ses forfaitures, et le temps est très proche, chacun reprendra son vrai statut en allant du harki, renégat, traître et aux héros.

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