Le CNES pourra-t-il parler au nom de société civile ?

Le CNES pourra-t-il parler au nom de société civile ?

Une réunion est programmée entre les 14,15 et 16 juin par le Conseil économique et social(CNES) pour organiser la société civile que l’on ne saurait séparer des consultations politiques en cour à la présidence de la république. Il convient de se demander et sans passion, (ni critique négative, ni sinistrose), des impacts qu’aura cette réunion en guise de réponses au développement du pays, le principal défi du XXIème siècle étant la maitrise du temps face à un monde de plus en plus interdépendant et en pleine mutation. L’objet de cette contribution est une participation modeste au débat national.

Un Etat de droit, base du développement durable

En ce mois de juin 2011 le constat est amer : vieillissement des élites politiques issues de la guerre de libération nationale et de la gestion volontariste des premières années de l’indépendance, obsolescence du système politique et enjeux de pouvoir internes, crise économique, sociale et culturelle et, enfin, contraintes externes de plus en plus pesantes ont abouti à l’absence dramatique d’une véritable stratégie nationale d’adaptation au phénomène total et inexorable qu’est la mondialisation ayant abouti à une transition chaotique qui se traîne en longueur depuis au moins 1986. Aussi les réformes en profondeur du fonctionnement de la société algérienne et non des replâtrages organisationnels, impliquent d’analyser avec lucidité les relations dialectiques réformes, les segments de la production de la rente (Sonatrach) et celui de sa redistribution (système financier), les gagnants de demain n’étant pas forcément ceux d’aujourd’hui. Lorsque la valeur de la rente des hydrocarbures s’accroit, paradoxalement les réformes sont freinées et l’on assiste à une redistribution passive de la rente pour une paix sociale éphémère avec l’extension de la corruption et une concentration excessive du revenu national au profit d’une minorité rentière.

Cela couple contradictoire rente/réformes traduisant des luttes de pouvoir pour le partage de la rente, explique fondamentalement l’instabilité juridique et le manque de cohérence et de visibilité dans la réforme globale. En ce mois de juin 2011, en raison des crises internes qui les secouent périodiquement, du discrédit qui frappent la majorité d’entre elles, de la défiance nourrie à leur égard et à l’endroit du militantisme partisan, les formations politiques actuelles en Algérie sont dans l’incapacité aujourd’hui de faire un travail de mobilisation et d’encadrement efficient, de contribuer significativement à la socialisation politique et donc d’apporter une contribution efficace à l’œuvre de redressement national . Pour preuve par rapport aux inscrits et selon les données officielles du ministère de l’Intérieur, les partis de la coalition FLN/RND/MSP avec tous leurs satellites y compris l’UGTA ont eu 13% de voix aux dernières élections législatives. Ce sont là des raisons suffisamment importantes pour envisager sérieusement de réorganiser le système partisan en vue de lui donner les moyens dont il a besoin pour remplir la fonction qui est la sienne dans tout système politique démocratique. D’où l’urgence de leur restructuration. Intiment lié au système politique, il ne faudrait pas oublier un élément essentiel, le champ national de l’information et de la communication qui a connu en 1990, à l’instar du champ politique, des mutations profondes. Celles-ci ont touché à sa dimension juridique, à son mode d’organisation, à sa diversité et à ses relations avec les pouvoirs publics et le marché. Il est temps nous semble t-il une mise à niveau afin de construire une société plus ouverte et consacrant la légalité, car consciente plus que jamais que la démocratie demeure l’unique moyen à même de garantir les équilibres sociopolitiques requis et la souveraineté de l’Etat de droit, de justice et des libertés. L’avènement de la Société de l’information constitue un défi qu’ils doivent absolument relever. La liberté d’expression doit être consacrée, l’exercice de la profession réglementé et le monopole de l’Etat en la matière supprimé.

Où en est la société civile ?

L’implication du citoyen dans le processus décisionnel qui engage l’avenir des générations futures, est une manière pour l’Etat, de marquer sa volonté de justice et de réhabiliter sa crédibilité en donnant un sens positif à son rôle de régulateur et d’arbitre de la demande sociale. L’implication de la société civile dans les affaires de la cité est un acte éminemment civilisationnel, qui intègre les changements d’une société en pleine mutation, et une manière d’aboutir à un projet de progrès. La confusion qui prévaut actuellement dans le mouvement associatif national rend malaisée l’élaboration d’une stratégie visant à sa prise en charge et à sa mobilisation. Sa diversité, les courants politico-idéologiques qui la traverse et sa relation complexe à la société et à l’Etat ajoutent à cette confusion et rendent impératif une réflexion qui dépasse le simple cadre de cette contribution. Ainsi la verra-t-on rapidement se scinder en quatre sociétés civiles fondamentalement différentes et antagoniques trois au niveau de la sphère réelle et une dominante dans la sphère informelle.

- Le plus gros segment, interlocuteur privilégié et souvent l’unique des pouvoir publics sont des sociétés civiles appendice du pouvoir se trouvant à la périphérie des partis du FLN/ RND, où les responsables sont parfois députés, sénateurs, vivant en grande partie du transfert de la rente.

- Une société civile ancrée franchement dans la mouvance islamiste, certains segments étant l’appendice du parti MSP, d’autres plus autonomes, formant un maillage dense.

- Une société civile se réclamant de la mouvance démocratique, faiblement structurée, en dépit du nombre relativement important des associations qui la composent, et minée par des contradictions en rapport, entre autres, avec la question du leadership.

- Une société civile informelle, inorganisée, totalement atomisée est de loin la plus active et la plus importante avec des codifications précises. Car lorsqu’un Etat veut imposer ses propres règles déconnectées par rapport aux pratiques sociales, la société, enfante ses propres règles qui lui permettent de fonctionner avec ses propres organisations. Cette sphère contrôle 40% de la masse monétaire en circulation, contribuant à plus de 50% à la valeur ajoutée hors hydrocarbures et employant la même proportion de la population active. Sans l’intégration intelligente de la sphère informelle, il ne faut pas compter sur une réelle dynamisation de la société civile.

Conclusion. La conjonction de facteurs endogènes et exogènes a abouti finalement à une crise systémique d’une ampleur inattendue et à une transition chaotique qui se traîne en longueur depuis au moins 1986. La dynamisation de la société civile afin d’en faire un instrument efficace d’encadrement de forces vives et un levier puissant de leur mobilisation en vue de leur implication active dans la société n’a de chance de réussir que si le mouvement associatif qui le compose ne soit pas au service d’ambitions personnelles inavouables et parfois douteuses. L’Algérie qui traverse une phase cruciale de son histoire a besoin qu’un regard critique et juste soit posé sur sa situation sur ce qui a déjà été accompli et sur ce qu’il s’agit d’accomplir encore au profit exclusif d’une patrie qui a besoin de se retrouver et de réunir tous ses enfants autour d’une même ambition et d’une même espérance : un développement harmonieux conciliant efficacité économique et une profonde justice sociale. Aussi, le problème posé est celui là : le CNES, devenu un appendice du gouvernement depuis 2008 dont la composante date de plus de 15 années alors que la société a évolué - qui réunira plus de 1000 personnes, à la résidence Club des-Pins – Alger (le nombre pouvant être utilisé pour la consommation intérieure et extérieure et ne pas refléter les véritables forces économiques et sociales ) – pourra-t-il mobilier concrètement sur le terrain la société civile dans toute sa composante , afin d’éviter ce divorce croissant Etat/citoyens ? Cette institution est-elle par sa composante, crédible ? Avec de nombreux observateurs impartiaux, j’en doute.

Professeur Abderrahmane Mebtoul, expert international en management stratégique

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Commentaires (1) | Réagir ?

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Sid Ali Brahimi

Le C. N. E. S de par ses initiales et ses principes ne pourra en aucun cas s'exprimer ni être un canal d'expression entre la société civile et l'Etat. La société a ses représentants dont la majorité fuit ses responsabilités !