Peut-on parler d'un nouvel octobre 88 ? L'analyse de Benjamin Stora

Peut-on parler d'un nouvel octobre 88 ? L'analyse de Benjamin Stora

- Les émeutes algériennes rappellent celles d'octobre 1988, qui ont amené le multipartisme. Assistons-nous à un bégaiement de l'histoire ?

« Les similitudes sont troublantes. Or, il y a des différences profondes. En 1988, la société était en effervescence, travaillée par des mouvements politiques (Ligue des droits de l'homme, mouvements berbéristes, féministe ou... islamistes). Cette effervescence a porté des coups au FLN, parti unique. Ce n'est plus le cas. Les partis et les intellectuels sont marginalisés, affaiblis. Aujourd'hui, les émeutiers n'attaquent pas que les bâtiments du pouvoir. Autre chose, l'armée semble en retrait. Pour l'instant, on ne la voit pas. Laissant le terrain à la police anti-émeute. En 1988, des centaines de jeunes avaient été tués. Il y a aussi, aujourd'hui, grâce à Internet, la possibilité de savoir instantanément tout ce qui se passe. Enfin, le pays sort d'une longue guerre intérieure entre l'État et les islamistes, épuisé.

Il n'y a aucun point commun ?

« Ce qui perdure, c'est le sentiment que le système politique est bloqué depuis de nombreuses années. Il n'y a pas d'accession au pouvoir des nouvelles générations. En Algérie, comme en Tunisie ou au Maroc, on a aussi ce problème des diplômés chômeurs. Ce sont des jeunes de 20 à 30 ans qui, à bac + 4 ou + 5, sont en panne d'avenir. Ils voient le monde bouger, notamment les pays du Golfe, la Chine ou le Brésil et sont rongés, dans leur pays, par un sentiment d'inutilité et d'immobilisme.

Pourtant, l'Algérie est riche. Elle n'a même plus de dette, alors que celle-ci l'étranglait en 1988...

« C'est vrai. À 90 dollars, le prix du baril de pétrole est très haut. Celui du gaz flambe. Les caisses de l'État sont pleines. En même temps, la redistribution des richesses n'est toujours pas faite. On est encore dans la situation de l'enrichissement d'une toute petite partie de la population. Dans le même temps, d'ailleurs, la classe moyenne s'appauvrit. Le seul projet politique existant semble celui de la perpétuation du régime par lui-même. »

Les infrastructures du pays n'évoluent pas ?

« Quand on va en Algérie, on voit des modifications. Il y a eu notamment la construction de l'autoroute Est-Ouest (de la frontière marocaine à celle avec la Tunisie, NDLR). Des dizaines de milliers de logements ont aussi été construits à la périphérie des villes.

Simplement, cette apparition de l'urbanité provoque des désirs classiques : l'emploi, le logement, les loisirs. Dans les grandes villes, après 20 heures, il ne se passe rien. Il ne faut pas croire que les sociétés du Maghreb ne sont travaillées que par la religion. Elles sont pénétrées en force par une modernité dont les désirs de vie - y compris l'ascenseur social - sont frustrés. Il y a ce chiffre révélateur : dans les trois pays du Maghreb, le taux de fécondité est passé de 6-7 enfants par femme en 1975-1985 à 2 aujour-d'hui. En même temps, pour que ça change, il faut des oppositions démocratiques suffisamment enracinées dans la société. Ce n'est pas le cas. » •

Dernier ouvrage paru : « Bibliographie de l'Algérie indépendante, 1962-2010 », éd. CNRS, 2011.

Source : La voix du Nord

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Commentaires (17) | Réagir ?

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Muhend-Ukavache

@Elmaghrab. Puisque vous dites que le soulevement de 88 etait commendite par Chadli. Si vous permettez, une question, une seule: Celui de 80 ou si vous voulez celui du printemps berbere etait commendite par qui? J'espere que vous allez pas me dire que c'est la main etrangere qui etait derriere.

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elmaghrabi

la difference entre les evenements d'octobre 88 et janvier 2011 sont de taille, etant donné que le soulevement de 88 etait commendité par le pouvoir de l'epoque chadli contre le fln ta tandis qu'n 2011, les causes qui ont amenées les jeunes à manifester sont tres claires, il ne faut pas oublié que tous les indicateurs etaient au rouge un taux de corruption à atteint un seul gravissime, la hogra la bureaucratie la dictature

la crise de logement, le chomage la pauvreté ont atteint un seuil de gravité sans equivoque, c'est la dure realité et il ne faut pas s'en voilé la face.

tout citoyen algerien sait que le pouvoir est congrené par des loobies (militaire et civil) et que seul le president de la republique ne peut rien faire, ces sociétes mixtes, ces grosses entreprises privés ces concessionnaires ces importateurs comment du jour au lendemain ils ont reussi à batir ces harems, evidement la decennie noir aidant, la corruption le bakchiche et la complicité des banques, je pense que s'il y avait un semblant de justice dans ce pays plus de 50% seront traduit devant les tribunaux parmis lesquels la majorité des elus et de hauts responsables, malheureusement cela n'est pas le cas, la crevasse qui separe le systreme au peuple est aussi profonde que les oceans.

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