"Loi" sur la criminalisation du colonialisme : les dessous d'un canular

La proposition de loi incriminant le colonialisme français n'était donc qu'un bluff politique. Le gouvernement n’a réservé aucune réponse à ce projet, alors que le délai réglementaire (deux mois après l’envoi de la mouture finale par le bureau de l’APN) a expiré. A l'Assemblée, on reconnaît que le pouvoir n'a jamais eu de réelle volonté politique de promulguer pareille loi.
Seules les âmes candides qui continuent de prêter au président Bouteflika quelque scrupule politique en sont à croire qu’il agit par souci de défendre la mémoire.
Il y a bien longtemps de la mémoire ne relève plus, pour Bouteflika, du différend historique mais du cabotinage conjugal, cette pratique un peu malsaine qui consiste à rappeler au conjoint un antécédent fâcheux chaque fois qu’on éprouve le besoin de lui extorquer une nouvelle déclaration d’amour.
La méthode est classique : Bouteflika fait provoquer, en sous-main, un début d’incendie par des pyromanes qualifiés et se donne ensuite le loisir d’intervenir en pompier, prestation qu’il monnayera alors au plus haut prix.
Selon les réponses qu’il reçoit de la France, le président algérien peut ainsi passer de la plus grande « indignation » envers le préjudice colonial à la plus béate des indulgences.
Pour s’en convaincre il suffit de se rappeler qu’avant de brandir le spectre d’une « loi algérienne criminalisant la colonisation" – signée, soulignons-le, par 125 députés appartenant à la majorité présidentielle - Bouteflika avait publiquement renoncé, et deux fois plutôt qu’une, à exiger de la France repentance de ses péchés coloniaux. La plus récente fut même énoncée, comble de l’ironie ou du cynisme, de la bouche du président de l’assemblée populaire nationale, celle-là même dont on redoute qu’elle adopte une loi criminalisant la colonisation ! C’était en mai 2009, à la veille de la visite d'Etat que devait effectuer en juin à Paris le président algérien et à laquelle ce dernier tenait beaucoup. Abdelaziz Ziari, un fidèle de Bouteflika, avait alors affirmé au cours d’un point de presse dans la capitale française, que la question de la repentance « n’était pas à l’ordre du jour » et « n’a jamais, depuis l’indépendance, constitué un obstacle aux relations algéro-françaises ».
Bouteflika voulait ainsi « proposer un cadeau » aux Français pour les amadouer.
Or, pour revenir à cette "loi" criminalisant le colonialisme, rien ne se serait produit s’il n’y avait eu, au printemps dernier, cette décision française que Bouteflika considère comme un camouflet : le report, voire l’annulation de cette visite d'Etat qu’il devait effectuer en juin à Paris et que l’Elysée a jugé embarrassante car trop « proche » du scrutin bokassien du 9 avril à l’issue duquel le chef de l’Etat algérien avait été réélu avec plus de 90 % des suffrages, réélection alors qualifiée en France de « pharaonique ». L’Elysée (si on en croit le Parisien), redoutant que cette encombrante victoire ne soit évoquée par l’opposition et par les médias, avait décidé de la repousser à la fin de l’année, ce qui a fortement froissé Bouteflika, furieux d’être assimilé à un vulgaire dictateur infréquentable.
La France avait, jusque-là, soigneusement dissimulé cette image du président algérien dans les vapeurs de la connivence diplomatique et politique. Mais la politique comme la diplomatie ou les complicités ne pouvaient plus rien contre l’arithmétique : comment, en effet, continuer à protéger un président qui a triomphé à hauteur de 91% quand on a taxé à longueur d’année, Robert Mugabe d’être le parangon de la dictature africaine, lui l’élu à « seulement » 85 % ? Le Français ordinaire ne comprendrait pas… Or, c’est le Français ordinaire qui va voter en 2012 !
Toujours est-il que, depuis, les représailles algériennes se sont multipliées à l’encontre de la France : difficultés aux entreprises françaises exerçant en Algérie, refus de recevoir des ministres de Sarkozy et ... l’annonce de cette « loi algérienne criminalisant la colonisation".
Bouteflika entendait entretenir la pression jusqu’à être reçu par l’Elysée et briser ainsi sa soudaine « infréquentabilité »
A ces représailles a répondu une surenchère parisienne (débat sur l’identité nationale, liste des pays à risque, propos de Kouchner…).
Bouteflika a-t-il obtenu des "concessions" de l'Elysée ? On le saura bientôt.
Mais la vérité est qu'il n’a jamais vraiment voulu cette loi.

L.M.

Plus d'articles de : Actualité

Commentaires (34) | Réagir ?

avatar
iris

docteur iris samy de new york

Chirac le reconnaît dans ses mémoires

« J’étais proche des partisans des de l’Algérie française »

L’ancien président de la république française, Jacques Chirac, a déclaré avoir été proches des partisans de l’Algérie française, ajoutant qu’il n’avait jamais tenté de s’en excuser, ni de son jeune âge ni de son inexpérience au moment de la guerre d’Algérie.

Ces déclarations sont extraites des mémoires de jacques Chirac, parues le 5 novembre dernier, précisément dans le chapitre intitulé « l’impasse algérienne », relatant son expérience en Algérie, et dans lequel il critique ce qu’il qualifie « d’erreur de la quatrième république (1946-1958) dans sa politique en Algérie », déclarant : « les ordres que nous recevions sur place étaient précis. Nous les avons exécutés sans la moindre hésitation. Mon régiment s’est, en effet, conduit de façon exemplaire. nous ne méritions pas de perdre, et nous n’avons pas été perdant. Pour beaucoup d’entre nous, le plus dur était que nous étions déterminés en notre nom et au nom de la France à ne pas abandonner les habitants qui avaient rejoint nos rangs ».

Mr Chirac a ajouté : « plus tard il nous a fallu, malgré notre promesse, abandonner à nos adversaires ceux qui avaient mis toute leur confiance en nous, et qui avaient risqué leur vie pour nous. J’ai quitté l’Algérie à la fin de mon service militaire, en ayant parfaitement conscience des conséquences tragiques que la politique adoptée par Paris pourrait avoir sur le terrain. Même si la logique m’a amené à être d’accord avec les actions du général De Gaulle, je me suis malgré tout senti proche des partisans de l’Algérie française, et n’essaye pas aujourd’hui de m’en excuser par mon jeune âge et mon inexpérience politique. Si je me retrouvais dans les mêmes conditions, je pense que je ressentirais le même déchirement. comme les fameux officiers déserteurs de l’armée française: ayant rejoint l’ALN quelques mois avant l independence…), redemande de l’argent…. lire le bouquin hizb franssa de Brahmi et les recentes declarations de notre bon vieux Chadli sur ces d officiers… n en déplaise aux qqs agents de la SM postant leur propogande sur ce site et ailleurs…

avatar
Daamghar

L'algérien, lambda et patriotique, en rébellion contre les dépassements, souvent meurtriers, de nos gouvernants, et ce depuis 1962, aime à trouver un peu de réconfort dans ces cris: Pourquoi la France a "donné" l'indépendance à l'Algérie? "Que la France revienne…" Et depuis 19692 et jusqu'à nos jours, rien n'est venu contredire, démentir et apaiser ces appels aux secours. Si on excepte Boudiaf avec sa grandiose: "L'Algérie avant tout" ou plus loin Takfarinas avec son légendaire: "L'Afrique aux Africains », aucun "président" ou dirigent d'un "Parti", n'a oeuvré pour réhabiliter le patriotisme que cherche désespérément ce petit bonhomme d'algérien. Et ce misérabilisme a atteint son summum avec l'arrivée au pouvoir de cette engeance dont on connaît les méfaits de ses politiques suicidaires qui ont détruit (et continuent avec les polémiques que suscitent livre de S- Saidi sur la mort de Amirouche) tous les repères de leur histoire. Et ces ridicules gesticulations concernant cette "repentance" ou cette "criminalisation du colonialisme" ne feront que rajouter du désespoir aux algériens encore novices pour croire à un gouvernement "héros et patriote".

visualisation: 2 / 34