Et vous M. Belkhadem, Diar Echems vous pardonnera-t-il ?

Et vous M. Belkhadem, Diar Echems vous pardonnera-t-il ?

Je regarde s’emporter Abdelaziz Belkhadem contre l’ancien occupant et je lui trouve les traits de ces bachaghas à la grogne passagère qu’on croisait naguère au village, et qu’on devinait gagnés par un dépit passionnel envers le colon si versatile.

Belkhadem est révolté pour le compte de son maître. Le refus de l’Elysée de recevoir le président Bouteflika (en juin puis, maintenant, en décembre prochain) justifie que ressorte la bigote artillerie des âmes cocardières, faussement ulcérées et affectant l’indignation : les excuses pour les crimes de la colonisation !

Ah que l’argument est opportun en ces temps d’ embarrassante émeute à Alger ! Rien ne vaut une soudaine polémique de diversion pour rehausser la virilité d’un régime discrédité.

Diar Echems vaut bien un courroux surfait.

Ah, mais voilà ! Diar Echems, justement…Voilà qu’y surgit, au cours de cette controverse artificielle, la question qui choque : le peuple algérien n'a-t-il pas autant besoin d'une repentance pour les crimes commis avant 1962 que pour les injustices qu'il endure depuis 1962 ?

Car vous, messieurs nos gouvernants, qui vous pardonnera ?

C'est que la notion de pardon est d'une manipulation délicate et Abdelaziz Belkhadem devrait se garder d'en abuser. Elle survit au temps et aux hommes et ne se reconnaît aucune exception ni aucune date de péremption. Le mérite de M. Sarkozy est d'avoir rappelé, involontairement, qu'elle était surtout une affaire de générations. En déclarant à Alger que "l'on ne peut pas demander aux fils de s'excuser des fautes de leurs pères", le ministre français commet certes une erreur de bon sens - on exige toujours des fils, et on l'a vu lors du débat sur le génocide arménien, qu'ils se repentent des crimes de leurs pères, parce que, précisément, ils en sont déliés - mais, dans la foulée, il restitue une lourde vérité : les fils exigent autant le pardon pour les crimes commis sur leurs pères que la repentance pour les infamies perpétrées sur eux-mêmes.

Parce que, tout de même, pour reprendre la formule de Jules Renard, on se repent toujours des torts irréparables, des torts qu'on a eus envers des gens qui sont morts. Et à quoi ouvre donc droit le statut des vivants ? Eux, en Algérie en tout cas, regardez Diar Echems, souffrent de la même plaie depuis 1830. Il y a comme une linéarité historique de l'humiliation qui frappe notre peuple.

L'Algérien, M. Sarkozy, a subi des outrages dans sa chair et dans sa mémoire de la part de la France coloniale et il était attendu des autorités françaises qu'elles le reconnaissent et s'en excusent publiquement afin que les cicatrices se referment enfin.

Mais l'Algérien, M. Belkhadem, a tout aussi souffert, après l'indépendance, du totalitarisme, du déni de droit, des pillages des richesses nationales, de l'écrasement de son identité, des exactions et des assassinats commis, contre lui, par ceux qui se sont proclamés ses anciens libérateurs et par les fanatiques qui ont tué au nom de Dieu.

Et vous, messieurs, qui vous pardonnera ?

A quoi devons-nous cette continuité dans l'avilissement ? A quoi devons-nous Diar Echems ? A une certaine progéniture du colonialisme qui nous gouverne depuis 44 ans. Au risque de heurter encore plus les foules cocardières, je crois que l'occupant français n'a pas laissé en Algérie que les blessures, les deuils et l'écrasement de la personnalité algérienne. Il a surtout pondu les oufs de la future dictature algérienne. Les pouvoirs totalitaires qui se sont succédé à la tête du pays depuis 1962 ne sont rien d'autre que la descendance hybride d'un occupant qui a complètement destructuré nos sociétés et dont ils ont hérité de l'art du mépris et de la science de l'abaissement. Il faudra bien qu'un jour on se penche sur la relation filiale entre colonialisme et dictature. Aussi, rester fidèles au combat de Novembre, n'est pas seulement revendiquer la repentance de la France coloniale, c'est aussi obtenir celle des régimes algériens qui ont humilié la population avec les mêmes techniques oppressives.

Novembre c'est la repentance plus la démocratie.

La clé du futur.

"Possible ou impossible, le pardon nous tourne vers le passé. Il y a aussi de l'à-venir dans le pardon" a dit Jacques Derrida, le philosophe disparu, l'enfant d'Alger qui deviendra par la suite l'un des plus célèbres penseurs contemporains. Derrida qui revendique de parler "comme Algérien devenu français un moment donné" a un regard charnel et émouvant sur l'Algérie dont il reconnaît à l'héritage qu'il en a reçu "quelque chose qui a probablement inspiré mon travail philosophique". Alors je retiens précieusement de cet éminent intellectuel, qui a beaucoup réfléchi sur la cause algérienne mais qui a toujours invité aux grandes remises en question, cette intervention lors d'une commémoration de la journée du 17 octobre 1961 : "Nous aurions, me semble-t-il " contre l'oubli ", un premier devoir : pensons d'abord aux victimes, rendons-leur la voix qu'elles ont perdue. Mais un autre devoir, je le crois, est indissociable du premier : en réparant l'injustice et en sauvant la mémoire, ! il nous revient de faire œuvre critique, analytique et politique. Citoyens de l'Etat dans lesquels nous vivons ou citoyens du monde, au-delà même de la citoyenneté et de l'Etat-nation, nous devons tout faire pour mettre fin à l'inadmissible. Il ne s'agit plus seulement alors du passé, de mémoire et d'oubli. Nous n'accepterons plus de vivre dans un monde qui non seulement tolère les violences illégales mais, viole la mémoire et organise l'amnésie de ses forfaits. Notre témoignage critique doit transformer l'espace public, le droit, la police, la politique de l'archive, des médias et de la mémoire vive."

Nous en sommes encore loin.

Nos dirigeants s'oublient dans les outrages qu'ils font subir à leur peuple, qui prolongent l'injustice coloniale et qui, regardez bien, sont quasiment du même ordre que celles que lui infligea, de Bugeaud à Massu, l'occupant français. Leurs exaspérations tartuffiennes, après les propos de Sarkozy, ont quelque chose de sordidement factice et trahissent, en tout cas, la volonté d'un pouvoir " qui non seulement tolère les violences illégales mais viole la mémoire et organise l'amnésie de ses forfaits", pour citer Derrida. Entendez-les crier au scandale après les propos de Sarkozy ! Amour du pays ? Attachement à Novembre ? Pensez donc ! Leur colère est fourbe et sélective. Car enfin, M. Belkhadem, comment exiger, avec véhémence, que la France s'excuse pour ses meurtres en Algérie entre 1830 et 1962 et, dans le même temps, avec une splendide magnanimité, dispenser les assassins terroristes, algériens ceux-là, de cette même repentance pour des meurtres plus récents ? C'est pourtant dans la même chair que fut planté le couteau. Pour toute votre duplicité et votre impopularité, vous êtes disqualifié, M. Belkhadem, pour défendre la mémoire collective et exiger la repentance de la France. Désormais, et il s'agit de le réaliser, la protection de notre mémoire est aussi une affaire des jeunes générations. C'est un combat pour se réapproprier, d'un seul souffle, le passé et le futur.

Vous ne protégerez pas Novembre à notre place, parce que, désormais, défendre Novembre c'est aussi se battre pour une société débarrassée de ses obscurantismes et de ses tuteurs, pour la justice sociale, pour l'alternance, pour les libertés, pour les droits de la femme, pour le pluralisme politique et médiatique, pour le droit de penser et de parler librement.

Novembre ne vous appartient plus.

Vous l'avez trahi.

Comme vous avez trahi Diar Echems et les fils du Printemps noir.

Et, régents grabataires ou courtisans fourbes, pensez dès maintenant à la fatalité de l'histoire : et vous messieurs, qui vous pardonnera ?

Md B.

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Commentaires (94) | Réagir ?

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padam

Avant de commencer à manger, on dit besmellah. Avant de partir en voyage, on fait sa valise. Avant de commencer à lire ou à entendre cette pourriture de voyous ki nous gouvernent, posez-vous la kestion: kelle manigance encore sont-ils en train de préparer ? Kelle manoeuvre ? Kel coup ? Kel mensonge ? Kel diversion ? Car ils ne savent faire ke ça. A koi peut-on s'attendre de la part de voyous ? K'ils aiment leur pays ? K'ils chérissent le peuple ? K'ils connaissent Dieu ? K'ils aient de la fierté ? Non, rien de tout celà. Pourriture !

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HADJ - MESSAR $ CANADA $

@---- du 27 / 10 09 AZUL ---@----AZUL Fellak. Appeler les femmes specialement les Etudiantes Universitaires "le sexe faible" est une diffamation ; c'est l'injustice de l'homme envers la femme. Si la non-violence est la loi de l'humanité, l'avenir appartient aux femmes. Sonia et tes collegues Etudiantes ? par le pouvoir d'un mot Je recommence ma vie Je suis né pour vous connaître Pour vous nommer Liberté. je que vous rejetez le noir, et ce mélange de blanc et de noir qu'on nomme le gris. Rien n'est noir, rien n'est gris. Ce qui semble gris est un composé de nuances claires qu'un oeil exercé devine.

On la nomme (l'opinion) la reine du monde ; elle l'est si bien, que quand la raison veut la combattre, la raison est condamnée à mort. --- Nous remercions L'Administrateur de ce Forum de LE MATIN dz pour sa transparence et sa démocratie en ce qui concerne nos réactions.

Lancé par Mon I-Phone (C) (rassem054@yahoo. fr) SANS RANCUNE.

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