L’Occident, la Russie et l’Islam : Oubli et Ignorance

L’Occident, la Russie et l’Islam : Oubli et Ignorance

Un des points mentionnés par M. Abdelkrim Sadeg dans son texte, méritant d’être souligné, concerne ses attaques de l’Europe, la Russie, et les États-unis, et ce, en mettant en relief leurs politiques colonialistes, passées ou présentes. Entre parenthèses, l’auteur oublie les conquêtes Turcs en Europe de l’Est (5 siècles) et les conquêtes arabes au Maghreb et en Espagne. Cela dit, par ricochet de ces attaques, l’auteur préconise comme société idéale, la société islamique ou ne doivent cohabiter que des musulmans. En effet, M. Abdelkrim Sadeg suggère aux algériens de vivre dans une société close rejetant tout ce qui n’est pas musulman. Un tel projet, en 2009, est-il une option réaliste? La réponse est évidemment négative pour les raisons suivantes

1- l’accés au développement économique ne peut se faire sans l’aide de l’Occident et sans le développement de relations avec ce continent. En effet, seul l’Occident peut apporter à l’Algérie les outils nécessaires pour son développement (industrie, marché...). De plus, l’Occident fournit une aide indirecte en accueillant des millions d’algériens qui sans cela croupiraient dans le chomâge et la misère dans leur pays.

2- l’Algérie est proche de l’Europe de ce fait les relations avec ce continent, sont inévitables. Pourquoi pas, dirais-je, l’Occident n’est pas seulement un passé colonialiste et impérialiste, comme vous voulez, M. Sadeg, le faire croire dans votre texte. Tous les bienfaits de la société moderne qui circulent dans notre pays proviennent de l’Occcident (technologie, véhicules, médicaments, ..).

3- Le risque de ressac ou l’effet boomerang : quatre millions d’Algériens vivent et travaillent en France, et de nombreux autres, dans les autres pays occidentaux. En créant votre société réservée essentiellement aux Musulmans, vous courez le risque de voir, un jour, les Occidentaux appliquer la même politique que vous, à savoir fermer les frontières et expulser nos compatriotes.

4- Vous créerez des individus repliés sur eux-mêmes et xénophobes, indifférents à toutes les fabuleuses découvertes scientifiques et technologiques qui ont permis à l’humanité d’améliorer ses conditions de vie. Ce sera des individus passifs, fermés sur eux-mêmes et totalement déconnectés de l’évolution du monde. De plus imposer aux algériens l’ignorance de peuples qui peuvent tellement les enrichir à tous les niveaux est immorale, car le monde ne se limite pas seulement aux pays musulmans. Qui plus est, les Algériens ont toujours eu, dans le passé, des relations avec les autres peuples (Carthaginois, scandinaves(Vandales), Romains, arabes, espagnols, Français...)

Cela dit, Cher M. A. sadeg, je respecte votre point de vue, mais le mode de vie que vous préconisez, un mode de vie dans lequel le non-musulman n’a pas de place, peut se discuter en ce qui trait aux petites communautés. Il est présent dans certaines parties du monde. On le retrouve dans certaines groupes en Algérie (Ibadites au Mzab). Cette tendance est aussi présente dans certaines communautés non-musulmanes. Dans les prairies américaines, il existe des communautés d’obédience chrétienne (Hamishs, Mormons...) vivant isolées et à distance des grandes villes.

A la rigueur, la plupart des petites villes et villages d’Algérie, vivent cette situation...

Dans un cadre restreint, l’idée d’une vie communautaire repliée sur elle-même peut se discuter, cependant élever ce mode de vie au rang de politique nationale est, à mon avis, une démarche suicidaire pour les raisons suivantes :

1-Elle entrainera, de la part des étrangers, un désintérêt vis-à-vis de notre pays Et à ce propos, il y a les touristes mais aussi les entrepreneurs. Eu égard à la nécessité de créer des emplois et de développer l’économie, cette absence provoquera une stagnation du pays, stagnation aux conséquences dramatiques sur le plan économique. (Persistance du chômage, fermeture des marchés aux produits Algériens...).

2- Le développement d’une psychologie de repli sur soi, source de xénophobie et de rejet de tout ce qui est occidental, notamment les choses bénéfiques (science, technologie) pouvant permettre une amélioration des conditions de vie.

3- Elle privera le jeune algérien de connaissances de ces cultures et de ces pays ou tant de valeurs sont admirables, tels : l’esprit de travail, l’importance du savoir, le respect des individus sans considération de leur origine, le respect des droits de la personne, le respect des différentes religions, Islam compris, la démocratie, etc.

Toutes ces raisons me font dire que votre projet de société marginalisant tout ce qui est étranger, en dehors du fait qu’il est illogique en 2009, serait catastrophique pour l’Algérie. Si je n’avais pas la certitude que ces idées sont largement diffusées dans beaucoup de mosquées d’Algérie, je n’aurais pas pris la peine de commenter votre article. Vous êtes pour moi un indice révélateur d’une idéologie, raciste, qui se diffuse à longueur de journée dans beaucoup de mosquées, une idéologie cachant la réalité de l’Islam en Occident et son acceptation par les sociétés occidentales. Quelques faits traduisent cette réalité : En France, il y a 4000 mosquées et une reconnaissance officielle des associations musulmanes. Dans tous les pays européens, les constructions de mosquées sont autorisées (Belgique, Grande-Bretagne, Allemagne, etc.), Aux États-Unis, il y a 2,5 millions de musulmans disposant de leurs lieux de prières. New-york abrite une des mosquées les plus grandes du monde.

Il y a quelques années, le roi d’Espagne a reconnu officiellement que l’Islam est une partie de l’héritage de l’Espagne. S’agissant de la Russie, il y’a eu effectivement la tragédie de la tchétchénie, une population musulmane qui a vécu une guerre atroce pour des raisons politiques et territoriales (le désir d’indépendance) et non pas religieuses. Et pour cause la Russie assume son histoire avec l’Islam. En 2005, l’académicien Serguei Rogov déclarait dans la revue officielle du ministère des affaires étangéres ce qui suit : ''le facteur islamique dans la politique Russe est d’abord une question d’identité. C’est une des raisons pour lesquelles la Russie ne peut être un État-nation au sens européen du terme'' (1)

En lisant l’article du Monde diplomatique mentionnant cette affirmation, vous apprendrez en outre que la Russie compte plus de 15% de musulmans et que huit de ses vingt et une républiques autonomes portent le nom de peuples musulmans. Vous apprendrez qu’en 2003, le premier ministre de Russie M. Poutine a pris la parole au sommet de l’organisation de la conférence islamique (OCI), qui regroupe 57 États musulmans. Plus encore, la Russie a obtenu le statut de membre observateur de cette organisation, et ce, je vous le donne en mille, grâce à l’appui de l’Iran et de L’Arabie saoudite. Ce qui montre que votre attaque de la Russie du point de vue de votre vision islamique est complètement fausse. Cher M. Sadeg, pour vous et surtout pour les Imams, dont vous vous êtes fait le porte-parole à travers votre article, soit la fin justifie les moyens et le mensonge, soit vous ne connaissez ni la réalité des sociétés occidentales ni la grandeur des démocraties occidentales (tout n’est pas encore parfait évidemment) et les changments survenus, à savoir que depuis les années 60, les pays occidentaux sont passés à un stade supérieur des relations avec leur passé et leur présent : Pour le présent, l’Islam est accepté et respecté dans les sociétés occidentales et pour leur passé, ils ont entamé, grâce à au système démocratique, leur autocritique et la mise en place d’un processus par lequel ils essayent à corriger les injustices découlant du passé. C’est le cas aux États-unis, entre autres, avec les premiers habitants du continent (Indiens), ce qui n’est pas le cas vous l’avouerez dans notre pays islamique, l’Algérie, ou la langue berbère n’a pas la place qui lui revient. Elle est nationale, mais non-officielle, un progrés bien-sûr, mais tellement insuffisant, quand on sait que les Algériens ne sont pas des Arabes mais des Berbères(Amazighes). Alors à quand la reconnaissance officielle de la langue berbère ainsi que son inclusion dans la constitution et à quand l’élection d’un président parlant l’Amazighe?

Respectueusement
Amaz
enseignant en Amérique
(1)-Décembre 2009, ''La Russie retrouve ses racines musulmanes''

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Commentaires (21) | Réagir ?

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quefaire

Bonsoir. Mr Abdelkrim Sadeg oublie 2 documents fondamentaux et fondateurs de la Nation Algérienne : la Déclaration du 1er Novembre 1954 et les conclusions du Congrès de la Soummam. Il apparait dans ces 2 textes que la Nation Algérienne est plurielle et il y est fait appel à toutes les forces patriotiques quelles que soient leurs confessions et leurs croyances. C'est ainsi qu'on a pu voir des communistes, des juifs et chrétiens d'Algérie rejoindre la lutte de libération nationale. Ainsi sorti de ces 2 textes fondateurs il ne saurait y avoir de Nation Algérienne déclarée. Ce sont les auteurs et acteurs de ces textes qui ont fondé la Nation Algérienne moderne. Les propositions ultérieures ne sauraient être exclusive de ce fait. Cependant le régime d'Alger a réussi à rendre possible des propositions comme celle de Mr Sadeg. Sous d'autres cieux les textes fondateurs de la Nation lui aurait été opposés, tout comme à tous les partisans de ce genre de thèse soutenus par l'internationale islamiste. Seulement il y a aujourd'hui un tel formatage des esprits par le régime d'Alger centré sur la religion islamique que beaucoup en viennent à oublier ces textes fondateurs.

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Cyril Belcassim

On parle souvent des conquêtes musulmanes dans les cours d'Histoire avec éloge et émotion (oh! lointaine Andalousie) mais on n'évoque jamais l'héroïsme des peuples autochtones (donc conquis) ni de leur originalité comme si l'Islam était exempt de défaut. Une sorte de justice immanente. J'aurais bien voulu apprendre des choses sur la Kahina par exemple ou encore la civilisation Perse avant l'arrivée de l'Islam. Dire que les conquérants musulmans n'ont ramené que du bien dans leurs valises est une vision qui relève de la naïveté (pour ne pas dire de l'escroquerie). Un historien ne peut pas adopter une telle posture par souci d'objectivité.

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