Banderole brandie dans le stade de Franceville : "Bouteflika, dégage"

Le football, outil de propagande et de populisme;
Le football, outil de propagande et de populisme;

Chers footballeurs, vous avez servi votre pays avec amour et honneur, mais également servi de narcotique et d’hallucinogène à des millions de vos concitoyens. Vos victoires ont été, une décennie durant, une allégorie platonicienne, un écran de fumée, de la poudre fantasmagorique qui ont enchanté nos réalités, corrompu notre vision et vissé, en partie, la chaise au cul de qui vous savez.

Le réveil, aussi brutal qu’il puisse être, bien qu’accompagné d’une grosse migraine, gueule de bois et nausée, est préférable à un coma éthylique dans lequel nous ont plongé vos deux qualifications successives aux mondiaux de Johannesburg et de Rio.

Non, vous n’êtes pas à blâmer, et celui qui n’a jamais pêché, vous jette la première pierre. Non, la faute ne vous incombe nullement. Vous êtes jeunes et naïfs, on s’est servi de vous, de votre formation française de haut niveau, de l’amour inconditionnel que vous portez à un pays, que vous ne connaissez qu’à cause, ou grâce à vos proches et parents.

Un seul homme est à blâmer aujourd’hui. Un seul est responsable de la débâcle et il ne s’appelle pas Raouraoua. Bien qu’une certaine presse obscurantiste et lâche, ait entamé une campagne "méchoui et barbecue", où l’on s’apprête à déguster de cent façons, la chair du vieux bouc. Pourquoi s’en priver, du moment où c’est tombé dans le domaine du Halal, que sa feuille vient de choir, pour garantir la pérennité de tout le lierre vermoulue. C’est le lézard qui se débarrasse de sa queue. Vieille ruse des reptiliens, qui leur a permis, entre autres, de parcourir les âges !

Là où il est fautif, le président de la fédé, c’est lorsqu’il permit au président de la République d’épaissir son mythe d’homme providentiel, de consolider son règne, d’agrandir son domaine et de construire son "capital estime", sur une fable footballistique. Et pour ça, El hadj Raouraoua est lui aussi à blâmer et cueille les fruits aigres de son obédience.

Opportuniste et populiste à défaut d’être un bâtisseur :

Abdelaziz Bouteflika a profité de l’opportunité que lui ont offertes les victoires de l’EN pour jouer de populisme comme d’autres jouent du pipo. Populisme, lorsqu’il réquisitionne une flotte d’avions pour arracher en plein vol, en 2009, la qualification au mondial, d’entre les griffes de Hosni Moubarak, faisant passer plus facilement la pilule amère d’un troisième mandat massivement désavoué. Populisme, lorsqu’il hurle sa capacité à organiser deux coupes du monde et qu’il n’est même pas capable de mettre une seule pelouse praticable à la disposition de son équipe nationale. Populisme, quand son Premier ministre, Abdelmalek Sellal, promet hier "une évaluation de l’équipe d’Algérie" lorsque son ministre de la Jeunesse et du sports nous refuse le droit d’enquêter sur le naufrage des Jeux olympiques de Rio.

"Roma ouala n'touma"

La vérité est que le sport, à l’image des autres secteurs du pays, est en ruine. Il n’y a ni formation, ni infrastructures, ni sport scolaire, ni stades, ni centres d’entraînement dignes d’un grand pays, et capables de former une élite sportive. L’image qui restera de votre règne, Monsieur Bouteflika, est celle de ce jeune athlète, plongé dans une baignoire rouillée, pleine d’eau et de bouteilles glacées, pour permettre à son corps éprouvé, d’avoir un semblant de récupération.

Vos vraies réalisations, celles qu’ont produites vos politiques, sont une succession de cuisants échecs : ce sont les éliminations des équipes nationales de toutes les disciplines, de toutes les catégories d’âges, des compétitions régionales et internationales. Le hand-ball algérien n’est plus (Allah Yerham, un seul titre africain en 18 ans de règne!). Du volley-ball ne demeure que les cendres (aucun titre), du judo les tatamis mités, de la natation, des bassins vides ou fermés, des championnats de football surgissent mercenaires et violence, de la boxe des gants usés, comme le sont ces jeunes dans la force de l’âge, qui risquent quotidiennement leurs vies, dans des traversées périlleuses à bord des chaloupes de la mort. "Roma ouala n’touma" (plutôt Rome que votre règne) vous narguent-ils chaque week-end dans les stades en ruines que la France coloniale a légués en héritage.

Le malheur de ce pays ne se résume pas qu’au domaine sportif. Il s’étend à des secteurs aussi sensibles que l’éducation, l’économie ou la santé, où démagogie et autres slogans creux, sont également les maîtres-mots. Pas plus loin qu’hier, celui par lequel est venu le scandale du RHB et la clinique de Belahmar, nous disait très sobrement (pas si sûr après tout) qu’il "faille faire confiance à nos médecins qui sont de grande qualité". Avant d’expectorer une contradiction à vous faire tourner une tête de bœuf : "Le problème est que nos praticiens ne savent pas gérer le matériel médical ultra-moderne en Algérie, qui est d’ailleurs inexistant même en Europe", fanfaronnait le ministre Boudiaf. Alors, ils sont bons ou mauvais, nos médecins Monsieur le ministre ? Savent-ils soigner ou brisent-ils du matériel ultra-sophistiqué ? Et s’ils sont si bons, pourquoi votre président s’envole "périodiquement" en catimini pour faire son bilan de santé en Europe ?

L’échec en quelques chiffres

Autres réalités rêches en rafale, autres secteurs et même constat : l’échec ! Savez-vous, Monsieur le Président que 30% des jeunes de moins de 25 ans sont actuellement au chômage (statistiques de l’ONS de novembre 2016. 50% serait le pourcentage réel). Savez-vous que le dinar lèche les parquets des marchés boursiers du monde entier et qu’il s’échange, dans la seule bourse qui marche au pays, le Square Port Saïd d’Alger, à 195 DA contre un euro. Que l’inflation est à plus de 6,5%. Que nos villes sont paralysées par quelques cm de neige. Que nos élèves sont les cancres des pays arabes en mathématiques. Que nos universités sont hors de tout classement international. Et que dire d’un paysage politique, où l’on a jeté les jalons d’une démocratie à deux vitesses en arrière toute, où les islamistes contesteraient la majorité aux opportunistes de "l’allégeance". Les arts, la culture, le cinéma et tous les secteurs qui distinguent un citoyen utile d’un tube digestif dont le rôle est de produire du déchet, sont à l’agonie. Le citoyen dans la conception Bouteflikienne est résumé ainsi : manges, pries, dors !

Trois dimensions qui lorsque comblées, garantissent la pérennité de son système. Il en a répondu à sa manière, en construisant des cités-dortoirs, des minarets géants et transformé le pays en un gigantesque souk, où les produits alimentaires apparaissent et disparaissent au gré des rentes pétrolières et de l’humeur des spéculateurs ou l’épicier en chef : banane à 600 DA, patate à 70 DA, mandarine à 150 D, concombre à 80. Essi-lebsal, 60 DA (monsieur oignon) a acquis des titres de noblesse tout comme "Moulay el felfel", 80DA (sultan poivron) ou lala tomatich, 100DA (miss tomate). Des blagues qui ne font vraiment plus rire. On se croirait en plein délire "brejnévien", lorsque les Algériens se photographiaient à l’étranger, avec une grappe de banane, où une rangée d’ananas pour se la jouer cool, ou pour faire pâlir de jalousie leur voisin malheureux d’en face.

Lorsque Jacques Chirac était venu en visite d’Etat en 2003, la rue algérienne n’a rien trouvé de mieux que de lui réclamer des visas pour fuir et déserter le pays qui ne leur offrait que des horizons obscurs. 14 ans après, les Algériens sont devenus les premiers demandeurs de visa français au monde ! Qu'en pensez-vous Messsieurs les dirigeants ?

Alors oui, j’ai cru distinguer dès la fin du match Algérie-Sénégal et cette élimination douloureuse, une banderole brandie par les quelques supporters frustrés, ayant fait le déplacement, où l’on pouvait lire distinctement : "Bouteflika dégage !" Oui, dégage, je l’ai lu en plein pays des Bongo ! Oust et n’oublie pas d’emmener la pègre que tu as semé, les voleurs, les souteneurs, les voyous, les escrocs, la mauvaise graine, tes complots et tes coups bas. Partez tous et laissez-nous reconstruire le rêve d’un pays juste et prospère.

À moins que le message de la banderole fût adressé à quelqu’un d’autre, et que dans le chagrin de l’élimination, mon "strabisme divergent" me fit tromper de cible ! Dans ce cas, si à tout hasard, vous ou un proches lisez cet article, sachez monsieur le président que "je ne me s'excuse pas" !

Hebib Khalil

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Commentaires (5) | Réagir ?

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algerie

merci bien pour les informations

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mourad fakou

Raouraoua fait partie des indéboulonnables.. on verra après pour les autres

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