Les salafistes à l'assaut de la Kabylie

Le pouvoir a téléguidé des hordes de salafistes à la conquête de la Kabylie
Le pouvoir a téléguidé des hordes de salafistes à la conquête de la Kabylie

Ces derniers temps, j’entends des hommes, des femmes qui parlent de la Kabylie comme si c’était une région d’où viendrait le salut, d’où viendrait le messie. Beaucoup pensent sincèrement que cette Kabylie qui a enfanté Mouloud Mammeri, Tahar Djaout et Lounès Matoub, est différente du reste de l’Algérie qui s’engouffre, chaque jour un peu plus, dans le précipice mortel.

Beaucoup pensent naïvement que cette région si singulière et si atypique est capable aujourd’hui de relever le défi attendu par tous et partout. Pour moi qui vit et qui a toujours vécu ici en Kabylie, je reste sceptique. Profondément sceptique. La Kabylie d’aujourd’hui est anéantie par des années de macabres plans concoctés par ses ennemis, souvent aidés par ses propres fils, pour n’en faire qu’une petite contrée incapable de résister au flot de coups reçus. Etant un observateur et un acteur à l’intérieur de cette Kabylie exsangue, je suis sûr que de cette Kabylie d’aujourd’hui, ne viendra ni salut ni messie. Le salut est inespéré et le messie ou les messies ont rejoint l’autre camp ou carrément abdiqués tant les adversités sont insoutenables.

Depuis l’avènement de Bouteflika aux commandes du pays, la stratégie de "matage" de la société a changé. Le terrorisme armé ayant été jugulé et battu, ce dernier fait appel aux résidus de l’ex-FIS, entretemps restés en embuscade, pour interchanger les deux commandements de l’islamisme : la kalachnikov et la prédication. Se rendant compte que la Kabylie ne courbera jamais devant les hordes armées quelles qu’elles soient, Bouteflika lâche ses propres salafistes à l’assaut de cette région indomptable. Des imams en centaines, des militants engagés locaux et étrangers à la région sont envoyés pour propager la "bonne parole". Certains médias arabophones sont chargés de stigmatiser et de dénoncer la "clochardisation" de la Kabylie.

Entretemps l’école algérienne, livrée depuis des lustres aux baathistes-islamistes, a préparé le terrain. Les quotidiens arabophones tels Ennahar et Echourouk, très lus dans cette région, n’en déplaise à certains, narguent les libertaires et les laïcs. Les partis politiques ayant pignon sur rue comme le FFS et le RCD ont failli avec leurs compromissions alternées avec le système en place pour des raisons purement électoralistes et clientélistes. C’est donc tout naturellement, la nature ayant horreur du vide, que les centaines voire des milliers de salafistes qui excellent dans l’art de la propagande occupent le terrain. Ceux-ci investissent les écoles et les espaces publics sans relâches. Leur arme principale est hidjabisation des filles et femmes en jouant sur la fibre de l’honneur kabyle : "La dépravation causée par la liberté accordée aux femmes» selon des moralisateurs autoproclamés. Tout est bon pour étayer cette logique. Dans les villages, le hidjab et la gandoura ont remplacé et la tenue traditionnelle et la casquette et le pantalon. Pourtant jusqu'à récemment, ce phénomène n’a pas réussi à s’implanter en Kabylie, même au temps du FIS et du terrorisme des années 1990. L’autre arme brandie est la consommation d’alcool. La dégradation de l’environnement et les fléaux sociaux comme le divorce sont mis à l’actif de cette boisson interdite par le Coran. Les élus locaux tombent dans le piège en reléguant le ramassage des ordures à un problème non prioritaire. L’image qu’offre aujourd’hui la Kabylie est lamentable sur le double plan environnemental et écologique. Cette image est mise en avant par les adeptes du puritanisme et de la morale. "Regardez ce que vous rapporte l’alcool", disent-ils dans un chœur bien orchestré.

Entretemps, des milliers de cadres universitaires et des centaines d’artistes capables d’encadrer la société civile locale sont contraints au départ. A l'exil, la mort dans l'âme. Chaque année, un nombre incalculable de jeunes partent par différents moyens et pour diverses raisons rejoindre des pays au ciel plus clément laissant derrière eux un vide non négligeable. Ce vide est vite comblé par les ennemis de la région. Des voyous, des trafiquants de drogues et des entrepreneurs corrompus prennent en otage toute une région jadis rebelle. L’islamisme politique s’installe dans toutes les régions de Kabylie, y compris dans les villages les plus reculés, la fatalité a gagné même les plus téméraires et les plus engagés d’entre les démocrates, et ce au moment où ceux qui sont censés nous prémunir de cette hydre baissent la garde en s’engageant dans un processus électoral des plus pernicieux et des plus dangereux pour la Kabylie.

Pour des calculs d’épiciers, le FFS et le RCD s’engagent ensemble, paradoxalement, avec Bouteflika pour les joutes de 2017. L’argent et la lâcheté ont eu raison des derniers Mohicans. Il est à craindre que le coup fatal qui assommera définitivement les récalcitrants est pour bientôt. La Kabylie périra à jamais.

Pour parer à cette descente aux enfers d’une région qui nous est chère, l’unité et l’engagement doivent être réels et sincères. Ce combat salutaire doit être engagé maintenant et ici. Les dignes fils de Kabylie, ceux qui l’aiment vraiment et viscéralement, ceux qui croient à la terre et le sang, ceux qui font de leur attachement à la terre une raison de vivre, doivent descendre dans l’arène du combat pacifique mais résolu sans délai. il y va de la survie d’une si belle région.

L. M. A.

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Commentaires (25) | Réagir ?

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gtu gtu

Nice post, and thanks for sharing this with us

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Ahmed Umeri

Bouteflika et son clan, Portera l' entiere responsibilite du pourissement qui gangrene la Kabylie, en cas de derapage, face aux groupes salfistes

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