Algérie : les dernières concessions du pouvoir au "khalit" islamiste !

Fragilisé, le centre du pouvoir recule devant la montée des islamo-conservateurs
Fragilisé, le centre du pouvoir recule devant la montée des islamo-conservateurs

Le pouvoir algérien fragilisé par la crise financière et le poids de plus en plus décisif de l'économie informelle est aux abois.

Il s’agite et ne cache plus le fait d’être acculé par son aile islamiste qui voit son hégémonie idéologique dérangée par d’infimes avancées modernistes formelles imposées par le contexte de régression du pays enregistrée dans tous les indices d’évaluation de la bonne gouvernance à l’international. Cette poussée de fièvre soudaine trahit sa faiblesse extrême et son manque d’assurance en cette rentrée sociale qui s’annonce houleuse sur le front des luttes sociales, dix-sept syndicats autonomes ayant déposé un préavis de grève renouvelable pour les semaines à venir.

Acculé, il donne des gages de bonne moralité publique à l'islamisme, qui ne rate pas l'opportunité de les traduire en poids politique ! En l’espace d’un mois, la justice condamne, dans un procès expéditif, un citoyen algérien chrétien pour avoir porté atteinte sur un réseau social à la symbolique du prophète de l’islam, dans le même temps la ministre de l’Education, publiquement harcelée depuis des mois reçoit le chef des "Olamas islamiques", tandis que la ministre des Télécommunications pointe du doigt les nuisances de la pornographie sur le Net ; le ministre du Commerce, pour sa part, se plaint de ne pouvoir contrecarrer les activités illégales de barons de l’import-import "protégés en haut lieu".

A travers la huée dans leurs médias lourds et la ruée islamistes dans les institutions officielles de l’Etat, suite aux changements insignifiants introduits par le ministère de l’Education nationale dans les manuels scolaires par l’adoption de programmes dits de deuxième génération, nous lisons, au moins en surface, les résultats de la lente recomposition du régime politique algérien et le glissement des lignes internes entre ses multiples composantes. La gauche "du soutien critique" a été larguée depuis longtemps, Nouria Benghebrit, dernière représentante de cette école de l'entrisme aux allures marxisantes, est à la peine. Les baathistes boumediennistes et les trotskystes de Louisa Hanoune voient leur filer entre les doigts les ultimes rêves modernistes de Boumediene rongés par l’émergence d’une nouvelle bourgeoisie qui se nourrit du bradage du secteur public, alors que les islamistes réussissent à battre en brèche le caractère républicain des institutions tenues encore par la dernière génération francophone.

En l’absence des garde-fous républicains démantelés par la politique de concorde nationale dont les adeptes zélés viennent de fêter le 11ème anniversaire, le conglomérat politico-idéologique –"khalit"- islamiste opère impunément, sur le terrain social et culturel, la substitution de la morale religieuse à la loi (règle juridique de sécularisation de l'espace public ).

La sortie de la ministre des Télécommunications évaluant à 80 % les vidéos pornographiques consultées sur la toile par les Algériens et son intention de recourir à une loi pour sévir et contrôler l’incontrôlable est symptomatique de ces concessions progressives de la république démocratique à l'esprit théocratique.

Les islamistes capitalisent ces avancées socioculturelles moralisantes du terrain et les traduisent en acquis politiques dans les centres d’élaboration des décisions stratégiques dans la colonne vertébrale du processus de gouvernance, poussant l’exécutif officiel à se justifier de façon pitoyable à chacune de ses petites retouches contre l’immobilisme et l’obscurantisme archaïque des tenants de la pensée théocratique !

La matrice islamiste comme repère de légitimation

Le fait que la ministre de l’Education ait été obligée de passer au tableau et de minimiser les changements opérés dans les programmes scolaires, expliquant et mettant en exergue aux représentants de l'association des Oulémas islamistes le respect de la langue arabe et du caractère islamique des programmes scolaires, traduit la place de plus en plus prépondérante de la matrice islamiste comme repère de légitimation pour le pouvoir central.

Les tenants islamistes de l’économie informelle constituent le substrat de base de la nébuleuse islamiste structurée dans une minutieuse division du travail dans une stratégie de conquête du cœur du pouvoir opaque gangrené par la corruption à expression internationale médiatisée. Les dénonciations du ministre du Commerce des pratiques mafieuses de barons intouchables de l’import-export, résonnent comme un larmoyant aveu de faiblesse de l’exécutif officiel -pouvoir apparent- face au pouvoir réel occulte qui dirige le système depuis des décennies.

Ainsi donc, en lecture directe des signaux et des symboles agités, nous percevons la recomposition du pouvoir avec le recul de l’aile "moderniste" poussée sur le banc de la justification permanente, alors que le noyau "nationaliste" aux commandes fait plus de place à la pensée islamiste comme source et repère de légitimation ; dans le même temps le courant technocrate qui représente la seconde patte du trépied politique du système, s’exprime en totale diversion contre le "danger" des binationaux tapis dans le pouvoir.

La mouvance culturaliste moderniste, courant universaliste qui s’exprime dans les espaces artistiques par des cafés littéraires et des manifestations artistiques, vient dans ce même temps de prendre un sérieux coup par son exclusion des espaces publics culturels. Depuis quelques jours les espaces culturels propriété de l’Etat sont devenus payants. L’exigence de payer l’accès aux salles publiques instituée récemment par les décideurs de la culture est appliquée en urgence aux associations vivant de maigres subventions communales, alors que le courant islamiste jouit 52 fois par an des tribunes gratuites, les minbars des mosquées, construites par l’argent public. Cette pratique de deux poids, deux mesures, ne peut être dissociée de la politique globale de concession faite à l’arabo-islamisme par le pouvoir qui assume ouvertement le recul sur les libertés publiques et son passage sous couverture idéologique islamiste.

De leur côté, les porteurs de l’amazighité pratiquant l’entrisme par le biais du Haut commissariat à l’amazighité (HCA), constatent amèrement les limites de leur collaboration et l’impossibilité de faire avancer la culture amazighe dans le contexte politique dominé par la pensée islamiste. La constitutionnalisation de tamazight comme langue nationale et officielle contestée par le courant arabo-islamiste, depuis son ébauche, voit son applicationnrégulièrement démentie dans les faits ; de nombreux chefs d’établissements scolaires et d’enseignants arabophones refusant l’enseignement de cette langue, des clubs sportifs interdisant les caractères amazighs sur les maillots des joueurs, autant dire que le refus direct de l’existence de tamazight sur l’espace public passé sous silence par le pouvoir est assumé.

Rachid Oulebsir

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Commentaires (5) | Réagir ?

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ryan gormaz

Tant mieux Bouteflika dégustera en premier, ses Zaouias en second et puis le risque d'intervention étrangère sera à notre seuil au cas d'une dérive type syrienne ou lybienne, pire si des espaces demandera leurs autonomie ou séparation du reste du corps Algérie.

Wallah Al Dadjal ou Ante Christ est à Alger, non?

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khelaf hellal

Et le piège des Khalit islamistes va bientôt se refermer pour faire des jeunes Algériens des eunuques, des névrosés sexuels, des désaxés en leur coupant tout jusqu'aux images pornographiques qui assouvissent un tant soit peu leurs frustrations sexuelles. Ils vont aussi leur faire boucher tous les horizons pour en faire des esclaves de la grotte où la lumière leur venant de l'extérieur les éblouit et les dérange. Un enfermement idéologique et dogmatique qui les fassent renoncer à leur libre-arbitre et à leurs libertés fondamentales les réduisant à des sécheresses humaines et des esclaves heureux de leur condition et qui embrassent jusqu'aux chaines d'asservissement qui les enserrent. La solution est dans l'éducation, la mixité et la libération des mœurs que L’État doit suivre et encadrer.

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