Comment va l'Algérie ?

Abdelaziz Bouteflika.
Abdelaziz Bouteflika.

En Algérie, on n’est pas dans la politique mais dans un système d’allégeances conjoncturelles.

Le changement est décidément reporté à jamais. Beaucoup d’indices le laissent croire. Le spectacle qu’offre le pluralisme politique à l’algérienne est des plus pitoyables. Par un jeu perfide d’intéressement et de calculs claniques, Abdelaziz Bouteflika et ses nombreux supporters ont tué la démocratie naissante. Interdiction des activités politiques, fermeture autoritaires des médias publics à toutes expressions de l’opposition, instrumentalisation de la justice si nécessaire, une batterie de moyens machiavéliques a été mise en place pour mettre en coupes réglées l’opposition et ce qui reste de l'intelligentsia.

Les affairistes prennent le pouvoir

La question posée en titre n'est pas une boutade, mais un vrai sujet d'inquiétude. Depuis quelques années, des lobbys ont été favorisés en lieu et place d’institutions viables. Des affairistes se sont retrouvés députés, ministres ou des voix occultes très influentes au sein du pouvoir. Des magnats de l’import/import, des marchés publics se sont incrustés dans l’espace politique pour le contrôler et peser de tout leur poids sur la décision politique. Ils sont intouchables. Pire, ils font la loi, ou plutôt agissent en hors-la-loi ! A preuve deux ministres viennent d’avouer leur impuissance devant des caïds des affaires. Que fait la justice ? Rien ou ce qu’elle fait depuis toujours, elle regarde ailleurs pendant que son ministre de tutelle nous abreuve de discours ronflants.

Les ressorts de l'Etat de droit sont brisés. Même si globalement, on respecte encore les formes, le centre du pouvoir relève du secret d'Etat, rien ne transpire sur les capacités réelles du président à gouverner. Les images très filtrées que la télévision nationale nous montrent sont loin d'être rassurantes. Nombreux sont ceux qui se demandent qui dirige le pays ?

L’espoir assassiné

Qu’a-t-on fait de l’espoir né dans le sang des centaines de jeunes tués ou torturé pendant la répression d’octobre 1988 ? Qu’est devenue cette jeunesse qui croyait en des lendemains de liberté ? Dans sa farouche volonté de survie, le pouvoir a tout emporté. D’autres événements toujours aussi sanglants et douloureux ont entamé les dernières lueurs d’espoir des Algériens. La décennie noire et ses milliers de morts, la répression du printemps noir, celle des jeunes de T’kout, ou encore plus récemment les affrontements ethniques du M’zab, les affaires de corruption ont creuse le lit du désespoir.

Septembre nous renvoie à l’ignoble assassinat de douze jeunes enseignantes par un groupe armé un certain 27 septembre 1997. Mais aussi à l’inoubliable massacre qui a vu dans la nuit du 22 au 23 septembre 1997 aussi, quelque 400 enfants, femmes, hommes et vieillards suppliciés à Bentalha.

Aujourd’hui, les jeunes sont désabusés, ils ne croient plus aux discours politiques. Et le risque de la rue demeure majeur. En attendant, ils ne pensent plus qu’à obtenir un visa et traverser la Méditerranée. Les images des jeunes Algérois demandant au président Jacques Chirac, en visite à Alger en 2003, des visas sous les yeux de Bouteflika sont la meilleur désaveu du pouvoir. A-t-on retenu la leçon depuis ? Non !

Comment voulez-vous que cela soit autrement ? L’espace politique est pollué par des fausses polémiques, le débat est chahuté systématiquement pour troubler la vue et l’analyse sur ce que nous sommes et le devenir de l’Algérie. Les promesses des gouvernants ne sont que très rarement tenues. Les partis, eux, sont réduits à tenir des réunions en vase-clos et à pondre des communiqués comminatoires. Plus aucun débat d’idées sur le présent et l’avenir du pays, ni colloques encore moins de meetings. Non content de l’avoir sérieusement troublé, le pouvoir a fermé l’espace politique, laissant ses hobereaux et autres soutiens de circonstance vendre "ses réalisations".

Aucune interrogation majeure n’affleure. Le régime qui a joué pendant 15 ans la cigalle est rattrapé par la crise. La diversification économique ? Cela fait trois décennies au moins qu’on nous en parle avec le résultat qu’on sait. La transition énergétique ? Le régime a attendu la réduction de la rente pétrolière pour engager la réflexion. Là encore, on en est loin…

L'inévitable changement

Il y a une évidence : l’accélération du monde qui nous entoure ne semble pas du tout concerner le gouvernement et le clan qui dirige les affaires du pays. Leur seul souci ? Durer et garder les leviers de la décision.

Pourtant, les Algériens changent aussi. Beaucoup même. Au grand désespoir de ceux qui nous dirigent, les ficelles utilisées pour se maintenir ne pourront longtemps convaincre la rue. Si les derniers sont tout occupés à mesurer, le doigt sur le nombril, la hauteur du minaret de la Grande Mosquée, les Algériens lambdas continuent, eux, à être confrontés à l’insupportable manque de médicaments et de spécialistes dans les hôpitaux, au chômage, à la promiscuité, et prosaïquement à l’incertitude des lendemains.

A chacun ses problèmes donc !

Hamid Arab

Plus d'articles de : Éditorial

Commentaires (8) | Réagir ?

avatar
mhand said

notre ministre de la (justesse), n est qu un executant. il ne fait rien de son chef, sa propre initiative. il attend les autres de saisir sa justice (ou meme pas la sienne) , car apres, il attendra aussi que son telephone sonne, et qu on lui dicte le verdict. pauvre pays vendu, et gere par des femmelettes (hacha nos femmes, les vraies), et des incapables beni oui-oui.

avatar
khelaf hellal

Disons plutôt " Où va l’Algérie ?" cette lancinante question qui a taraudé l'esprit de Tayeb El Watani (feu Mohamed Boudiaf) à l'aube de l'indépendance avant bien même que la dérive politique de l'Algérie indépendante ne l'emporte lui-même en 1992. Nous y sommes presque dans le dévoiement de ce que nous représentions jadis comme " le rêve Algérien " un rêve Algérien devenu chimère pour ne pas dire un cauchemar au quotidien. "Nous avons vu grand pour ce pays " avait déclaré un jour à Alger la moudjahida d'origine juive Annie Steiner, un pays que certains portent encore comme un soulier trop grand à leurs petits pieds de nains. Un pays qui ne leur va pas préférant aller se lover dans les bras de l'ancienne puissance coloniale pour réapprendre la prose et se faire élever par son maître au rang de Mamamouchi, pour rouler carrosse et s'offrir des biens mal acquis dans les quartiers chics de sa capitale avec les deniers publics qu'ils ont subtilisés à leur peuple. La cigale qui a jeté de l'argent par la fenêtre et qui s'est remplie les poches pendant tout ce temps se trouva fort dépourvue quand la bise fut venue et pour amuser la galerie elle chantât et dansât l'austérité, l'austérité à qui veut bien l'entendre de cette oreille-là.

visualisation: 2 / 7