Mon cher Mustapha Benfodil...

Mon cher Mustapha Benfodil, je dois vous avouer une chose je n’ai pas lu vos livres, comme je n’ai pas lu ceux des autres écrivains algériens de la dernière génération et ce pour une raison toute simple vous faites de la littérature « moche », cruelle et sombre. Vous êtes les enfants légitimes, ou pas, d’une époque terrible et d’une histoire « moche » , cruelle et sombre .Vous ne pouvez, en effet , qu’écrire des histoires qui ressemblent à notre quotidien depuis vingt ans , des histoires de sang ,de cruelles désillusions et de grosses lâchetés collectives ,vous êtes devenus les portes parole de l’horreur dans un pays qui a fini par ne ressembler à aucun autre sur la planète.

Nous avons commis le plus grand désastre qu’on puisse imaginer : tuer l’espoir dans un pays sensé être « le sourire de dieu sur terre », pour paraphraser un poète dont l’hymne écrit par une plume trempée dans son propre sang , n’a pas empêché de mourir en exil. Si la littérature n’est que pure émerveillement alors permettez-moi de vous dire que vous êtes de piètres écrivains, parce que vous n’avez pas su nous chloroformer mais vous avez réussi à nous rendre encore plus enclins à voir la réalité avec l’œil d’un condamné à mort qui n’attend plus que sa dernière cigarette pour tirer sa révérence et l’érection du pendu pour profiter une dernière fois de la vie. A coté de vos romans la réalité devient une douce commisération et notre pays un nirvana ou du moins un purgatoire gentil ou les geôliers ont des faces d’anges. Pardonnez-moi si je ne retrouve pas chez vous l’exaltation de la douleur et de la misère que m’ont inspirées Amado et Marquez et ce n’est pas faute de ne pas avoir leur talent, je vous le dit tout de suite vous êtes doués, mais c’est juste que votre littérature est « moche » cruelle et sombre, comme l’ont été ces vingt dernières années .Après tout on n’a massacré nulle part des enfants , bruler vifs des femmes , égorger des vieux , voler autant de milliards de dollars , dilapider des fortunes et surtout voler nos rêves, comme on l’a fait en Algérie.

Ce qui s’est passé chez nous a dépassé, et de loin, tout entendement et tout résonnement, c’est un cauchemar continuel qui ne veut surtout pas abdiquer. Je suis content pour vous, et que votre œuvre soit mêlée aussi étroitement à la mémoire d’un martyr du journalisme n’est que légitime et cet hommage que vous avez rendu à Benchicou ne vous fait que grandir dans l’estime de tous ceux qui luttent quotidiennement contre la bêtise du système .Le pamphlet que vous avez commis aujourd’hui est une bouffée d’oxygène pour tous ceux qui souffrent imperceptiblement dans leur trou. Vous êtes la porte voix de nos inhalations et la preuve tangible que tout n’est pas mort dans ce pays ; ils peuvent imaginer tous les scénarios qu’ils veulent, ressusciter Bouteflika autant de fois qu’ils veulent, trouver de nouveaux costumes de danseuses pour Ouyahia et Belkhadem, ils ne pourront pas tuer en nous la certitude que l’histoire a un sens et qu’elle ne les tolérera que dans son immense poubelle.

Merci monsieur Mustapha Benfodil

Oracip

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Commentaires (12) | Réagir ?

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Minouragan

Mr. Kaci Ait M..., Je voulais juste vous rappeller que Rachid Mimouni n'est plus considéré comme des dernières années, cela fait quand même assez longtemps qu'il nous a quitté quant à Sensal, pour moi c'est un traître de l'Algérie qui fait tout pour gagner l'approbation de la gent française et c'est vraiement dommage!

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birzou

oui c'est un homme libre, un grand écrivain, un porte parole d'une génération, d'une époque qui est la sienne. laisser le écrire... vivre

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